Le professeur Shiraki est engagé dans un pensionnat pour jeunes filles, dans une région isolée entre les montagnes. Sur place, il apprend que la femme du proviseur vient de périr dans un accident de voiture. Ce dernier, qui accueille Shiraki, lui explique que le corps de son épouse va être entreposé une semaine dans le sous-sol de la maison, pour respecter la coutume locale. La première nuit du nouveau venu est agitée : il croit faire un rêve où il est attaqué par la femme décédée de son supérieur, puis par une adolescente. Dès ses premiers jours sur place, Shiraki apprend qu’une élève a disparu depuis peu. Fouillant les affaires de celle-ci, il finit par trouver une photo de celle-ci : il s’agit de la jeune femme qui s’en est prise à lui dans ses rêves. Alors qu’une pensionnaire est attaquée et marquée d’une curieuse blessure à la clavicule, le médecin de l’école raconte au professeur une légende vieille de deux cents ans, qui commence au moment où un catholique venu d’occident s’échoue sur le rivage.
Evil of Dracula (Chi o suu bara en rōmaji) est le dernier film de la Bloodsucking Trilogy, produite par la Tōhō dans les années 1970. Comme pour le précédent opus, Lake of Dracula, il n’y a aucune cohérence scénaristique avec les autres films, en dehors de la thématique du vampire. La liaison se fait donc avant tout par la figure du réalisateur, Michio Yamamoto, et cette fois-ci par la présence d’un acteur du film précédent, Shin Kishida. Ce dernier endosse à nouveau le rôle du principal vampire de l’histoire, mais il ne s’agit pas du même personnage que dans Lake of Dracula.
La trame nous plonge dans une ambiance qui rappelle inévitablement la Hammer, à commencer par le décor de cette pension pour jeune fille (matière à penser à Lust for a Vampire). Comme le signale Kim Newman dans un des bonus du Bluray, ces films s’inscrivent dans une dynamique de l’époque, certes initiée par la firme anglaise, mais qui trouve sa résonance un peu partout à travers le globe. De fait, c’est sans doute le film le plus occidental des trois, qui fait d’un catholique échoué sur les côtes japonaises le premier maillon d’une malédiction vampirique. On pourrait également citer la fascination de l’assistant du proviseur pour Baudelaire, dont il récite certains des vers vampiriques à plusieurs moments du film. Sans même parler du costume du proviseur et de sa stature, qui rappellent le jeu d’un Christopher Lee. Le titre international de l’œuvre appuie un peu plus ce lien, même si le titre original ne fait aucunement mention de Dracula. Malgré tout, le film conserve des éléments qui en font un long-métrage typiquement japonais. À commencer par la manière très évanescente des femmes vampires de se déplacer, comme si elles flottaient au-dessus du sol.
Le film est relativement complexe au niveau de sa trame. Il y a déjà l’idée que le proviseur veuille transmettre sa charge au nouveau professeur, qui est le héros du film. Il y a ensuite le décès de sa femme, dont le corps est entreposé au sous-sol de sa propre maison. Et il y a dans le même temps les disparitions et attaquent qui se succèdent autour des jeunes pensionnaires féminines. La mort imprègne l’ensemble du récit, à partir du moment où Shiraki croise la voiture accidentée, au début du film. La mort que seule vient déjouer une immortalité faite de corruption, que représente la figure du vampire. À l’image des films contemporains de la Hammer, notamment Lust dont il est question plus haut, l’érotisme s’impose tout au long du film. La morsure nécessite que la poitrine des actrices soit dénudée, et la tension sexuelle est palpable dans les relations entre les jeunes femmes et Shiraki.
Le film est relativement fidèle à l’approche occidentale de la créature. Les vampires ne semblent pouvoir évoluer que la nuit tombée (on ne voit pas le proviseur la journée). Il y a un côté assez savoureux à voir que le vampire est une créature venue d’occident, et qu’il est lié à la religion catholique. Le cercueil, le cimetière sont autant d’éléments que le réalisateur et ses équipes convoquent tout au long du film. Les vampires peuvent se transformer en chauve-souris et semblent doués d’une force peu commune. Enfin, le récit exploite l’idée qu’ils n’ont pas de reflets, en utilisant la photographie (l’image du vampire n’apparaît pas sur les clichés).
Un film pour le moins intéressant, final d’une trilogie qui témoigne de l’incorporation du vampire dans l’imaginaire japonais. La créature parvient sans mal à s’intégrer dans les codes du panthéon surnaturel local, tout en s’appuyant sur les caractéristiques qu’elle a acquises en occident. Ce dernier métrage, à l’image de ses deux prédécesseurs, souligne le souci, du réalisateur comme de la production, pour le décor et la mise en scène. la maison du proviseur, qui peut rappeler la demeure centrale du précédent film, en est un bon exemple. La musique ajoute une touche finale importante, et est une brique à ne pas négliger dans la cohérence globale de cette trilogie thématique.