Bonjour, Nelly. Pouvez-vous vous présenter pour les internautes de Vampirisme.com ?
Bonjour, ou plutôt bonne nuit, ce qui serait plus approprié en ces vastes territoires nocturnes. Je suis Nelly, misanthrope au caractère trop doux et conciliant pour embrasser pleinement une carrière d’ermite. Vieille ado attardée tatouée et tyrannisée par ses chats roux, je suis employée du bureau en journée. Quand vient la nuit, j’exsude de l’encre au bout des doigts et je suis obligée d’écrire si je ne veux pas en foutre partout sur le lino.
Espérer le soleil est votre dernier roman, publié aux Moutons Electriques. Pouvez-vous nous en raconter la genèse ?
En prenant les transports en commun parisiens, les écouteurs vissés aux oreilles, je me faisais des clips mentaux avec des morceaux de Nine Inch Nails, Archive, Dead Can Dance, Gary Numan… Et c’est sur un titre bien lourd de NIN, Somewhat Damaged, alors que je dévalais les escaliers de la station Strasbourg Saint-Denis que j’imaginais une fille poursuivie par un maniaque monstrueux armé d’un grand couteau. A la fin, il s’avérait que la victime était une créature plus redoutable que son bourreau et elle le massacrait à mains nues. Voilà comment a commencé à se matérialiser le personnage de Vassilissa. D’autres morceaux musicaux ont fait apparaître une mégapole plongée dans la nuit, de la neige tombant sur un incendie d’où surgirait un être de feu, etc. Il ne restait plus qu’à lier ces clips épars en ajoutant le mythe de Peter Pan, les films noirs, ceux de la Hammer, les anime japonais ou des éléments de l’Histoire dans le chaudron de sorcière qui me tient lieu de cerveau.
Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de mixer un contexte post-apocalyptique avec des ressorts fantastiques ?
Ce sont les éléments fantastiques qui ont eu une importance capitale dans l’élaboration du récit. Le contexte post-apo s’est imposé pour l’ambiance nocturne et décadente recherchée, à la manière du Dark City d’Alex Proyas, mais pour des raisons différentes du film. L’hiver nucléaire m’a semblé une alternative intéressante.
Pourquoi avoir tout particulièrement choisi la période du Blitz ?
Parce que je voulais Londres en toile de fond et créer une atmosphère façon film noir comme les années 40 et 50 en regorgent. J’avais aussi beaucoup aimé le roman de Michael Moorcock, Mother London, qui se déroule durant le Blitz. Et il a été nécessaire pour un élément du scénario qui concerne la relation entre deux personnages, que Londres se relève à peine des attaques aériennes allemandes.
Vos vampires peuvent être contraints par l’utilisation de rituels. D’où vous est venue cette idée ?
On trouvait déjà cet élément dans Hellsing et je l’ai un poil plus développé à ma sauce. Je voulais en faire des figures démoniaques et intimement liées aux forces de la Nature. Je ne l’ai pas explicité dans le roman, mais ils obéissent à la théorie chinoise des cinq éléments : l’eau, le bois, le métal (ici l’argent), le feu et la terre. Les vampires s’affaiblissent en voguant sur l’eau courante, brûlent à la flamme et au soleil, ont besoin d’une couche de leur terre natale pour se régénérer (vu dans Dracula, je l’ai fait sauter ici), sont neutralisés par un pieu de bois dans le cœur, etc. Donc autant les soumettre aux forces occultes qui obéissent aussi à des lois naturelles.
Quel regard portez-vous sur l’évolution du vampire en littérature ces dernières années ?
Je me suis toujours plus intéressée aux vampires à travers d’autres media que la littérature, mais vu que certains suceurs de sang nacrés et luisant au soleil ont envahi l’écran… Bref ces dernières années, il a perdu la part animale et cruelle qui faisait de lui cette créature fascinante et je remercie des auteurs comme Morgane Caussarieu qui tentent de rétablir la balance du chaos.
Quelles sont vos premières et dernières rencontres avec un vampire (littéraire et / ou cinématographique) ?
Ma première confrontation vampirique s’est déroulée lorsque j’avais 4 ans, en découvrant des comics anglais de mon père genre les Contes de la Crypte. Et parmi eux se trouvait une version BD et moderne de Dracula (je suppose que c’était lui, je ne savais pas lire à l’époque, mais il était sapé et gominé à la manière de Christopher Lee). J’ai été fascinée par les grandes dents sanguinolentes et l’obligation de planter un pieu dans le cœur de ses victimes pour une raison qui m’échappait à l’époque. J’ignore ce que sont devenues ces BD.
Mes dernières rencontres, c’est dans la série Penny Dreadful. Pas transcendant…
Pour vous, comment peut-on analyser le mythe du vampire ?
Vaste programme… Par le prisme du folklore, de l’érotisme, de la subversion, de la révolte anticléricale, de la mythologie ou de la théologie, la psychanalyse… Je crois que chaque traitement du mythe se tient tant qu’il est analysé dans les règles de l’art, avec respect et curiosité. Quant à ma propre analyse, bah… j’aime bien emprunter plusieurs sentiers et découvrir des pistes nouvelles éclairant le mythe (pas le vampire, ouille) d’un jour nouveau. Je crois que sans cette liberté de ton, je n’aurai pas pu trouver quelques variantes aux caractéristiques de la créature.
Avez-vous encore des projets de livres ou séries sur ce même thème ? Quelle va être votre actualité dans les semaines et les mois à venir ?
Si Espérer le Soleil est bien accueilli, peut-être reprendre un nouveau roman dans le même univers… Et à part ça je compte écrire le quatrième épisode des Aventures de Diane d’Aventin chez le Carnoplaste et deux autres romans pour les Moutons Electriques. Mais aucun n’a de rapport avec les vampires (plutôt fées, fantômes et magie berbère).