Bonjour Fabien. Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaîtraient pas encore ?
Bonjour. Je suis ce qu’on appelait il y a peu un jeune auteur, mais ça risque de ne plus durer très longtemps maintenant. Je fêterai bientôt le dixième anniversaire de ma « carrière ». À travers une quinzaine de romans, j’ai exploré pas mal de sous-genres des littératures de l’imaginaire, de la fantasy arthurienne à la fantasy historique, en passant par l’uchronie, la SF et la Bit-lit. J’écris aussi bien pour la jeunesse que pour les adultes parce que le plaisir est dans le changement (en tout cas pour l’écriture).
Comme j’ai suivi des études de lettres gréco-latines, ce que j’écris est généralement inspiré et influencé par la littérature classique, que ce soit Homère, les mythes antiques et médiévaux ou Victor Hugo. Et puis, je glisse presque toujours un élément hongrois dans mes livres.
Tu viens de te lancer dans une nouvelle série, Le miroir aux vampires, qui paraît chez Baam. Peux-tu nous raconter l’origine du projet ? Combien de tomes comptera la saga ?
À l’origine, l’idée m’est venue après mon roman Homo Vampiris, un thriller d’anticipation avec des vampires, qui avait été qualifié de Bit-lit. Pour moi, ça n’en était pas. Je me suis donc dit que j’allais faire de la « vraie » Bit-lit, histoire de montrer la différence. En plus, à partir du moment où le phénomène constitue un nouveau genre, il m’intéresse. Je ne voulais pas reprendre la manière dont j’avais traité les vampires dans Homo Vampiris. Je voulais éviter également deux choses : une héroïne pleurnicharde qui attend qu’on la sauve et qu’on l’emmène dans un château blanc, et des vampires uniquement occupés à réfréner leurs instincts (des vampires dénaturés en quelque sorte). À partir de tout cela, j’ai cherché un biais un peu différent pour développer mon univers. Je me suis arrêté sur le motif du miroir, assez délaissé à mon sens.
Dans la Bit-lit, peut-être à cause de l’influence d’Anne Rice, on a très souvent un personnage qui raconte l’histoire à la première personne, notamment sous la forme d’un journal. J’ai repris cela en faisant de mon roman une longue lettre, entrecoupée d’autres lettres afin d’éviter la monotonie et de donner d’autres points de vue sur l’histoire.
Au départ, cela devait être un roman unique. J’en avais discuté avec Benjamin Kuntzer, le directeur de collection. Je lui avais d’abord proposé un sujet de fantasy en plusieurs volumes. Mais je ne voulais pas me lancer tout de suite dans une autre série parce que j’en déjà écrivais une autour de Merlin. Le problème, c’est qu’arrivé à la fin du roman de plus de 400 pages, je me suis aperçu qu’il me restait beaucoup de matériau inexploité. Alors je me suis lancé dans un deuxième tome avec l’idée de clore un diptyque. Mais, il m’est arrivé la même chose. Donc, je réfléchis à un troisième volume qui s’impose de plus en plus à moi. L’ensemble devrait constituer une trilogie. Ou une tétralogie ? On verra.
Comment fais-tu pour être plus crédible quand tu décris la vie d’une adolescente que la plupart des auteurs féminins qui s’y essaient ?
Cela me fait extrêmement plaisir quand on me dit qu’on croit à mon personnage. J’aime bien avoir des filles pour héroïnes parce que je ne déteste rien tant que le cliché du héros masculin venant sauver la pauvre princesse menacée par les méchants. J’ai déjà pratiqué le fait de se mettre dans la peau d’un personnage dans plusieurs romans. Cela m’est même plus naturel qu’employer un personnage masculin. Quand j’y réfléchis, mes romans sont remplis d’héroïnes, que ce soit Lol dans Nephilim, Nina dans Homo Vampiris ou Léa dans celui-ci. Il y a aussi une posture féministe de ma part. Je veux montrer que des héroïnes sont aussi vraisemblables et légitimes que des héros. On a fait beaucoup de chemin, en particulier dans la littérature jeunesse, par rapport au siècle précédent où les filles étaient réduites à rester à la maison et à se faire belles, mais il y a encore du travail. Voilà ma petite contribution à ce mouvement.
Ta série semble fortement influencée par ce que le monde du livre appelle Bit-lit. T’es-tu penché sur les ouvrages du jour avant d’écrire le Miroir aux vampires ?
Quand je m’attaque à un genre, je pars de l’idée que j’en ai pour essayer de mettre en place une approche qui me semble originale. Une fois que cette approche est trouvée et développée, je commence à prospecter dans les livres et les films pour voir si elle n’a pas déjà été exploitée et s’il y a d’autres motifs récurrents avec lesquels je peux jouer.
Concernant Le Miroir aux Vampires, j’ai repris une partie de la documentation que j’avais réunie pour Homo Vampiris, plus particulièrement des films et des séries. J’ai regardé notamment Buffy (pour la sixième ou septième fois), True Blood, The Vampire Diaries et Supernatural. J’ai relu Entretien avec un vampire (mais en anglais et je n’ai pas tout compris). Un volume de Danny Valentine.
J’ai surtout lu deux livres : La fascination des vampires de Jean Marigny et Histoire du miroir de Sabine Melchior-Bonnet où j’ai trouvé les éléments qu’il me fallait.
Tu t’es déjà penché sur le mythe du vampire avec Homo Vampiris, paru il y a quelques années chez Mnémos. Pourquoi vouloir revenir sur ce sujet ?
L’approche n’est pas du tout la même. On passe d’un univers de thriller d’anticipation avec des éléments SF à de la fantasy urbaine. C’était tout l’intérêt et le défi de reprendre le mythe du vampire et d’en proposer une vision différente. Et puis tout naît d’une envie. Homo Vampiris m’avait été suggéré par la vision de Heroes où je m’étais dit que je ferais bien un roman avec des super-pouvoirs. Finalement, le vampire s’était imposé.
Pour Le Miroir aux vampires, c’est né de la lecture de Twilight et de la vision de The Vampire Diaries. J’ai bien aimé le premier volume de la série (les autres m’ont vraiment ennuyé) mais j’ai été frappé par le fait que l’esprit en est assez réactionnaire. Comme j’aime à le dire, Twilight, c’est du Buffy de droite. Je voulais en revenir au côté révolutionnaire de Buffy, mettre une fille en avant et ne pas se prendre trop au sérieux. Quant à The Vampire Diaries, j’y ai trouvé les mêmes défauts (la fille est jolie mais ne sert pas à grand-chose) et surtout, alors que les événements se passent dans un établissement scolaire, celui-ci ne sert que de vague décor. Moi, j’avais envie que le lycée et son fonctionnement soient au premier plan.
A la lecture d’Homo Vampiris, j’avais trouvé qu’il y avait un background politique vraiment touffu. Comment t’es-tu documenté pour mettre sur pied cet univers, qui semble s’imprégner de la révolution d’Octobre ?
Je ne sais pas si c’est touffu mais, dans ma conception, l’Ancolie, mon groupe de vampires, défend des thèses anarchistes. Ils devaient donc se trouver en Russie à la fin du XIXe siècle à comploter contre le Tsar. Mais je me suis inspiré davantage des Justes de Camus que d’une histoire de la Révolution.
D’autre part, le vampire était utilisé comme métaphore de l’ultralibéralisme économique avec sa consommation effrénée et finalement mortifère. C’est pourquoi on peut lire quelques lignes sur la déplétion pétrolière ; c’est pour cette raison que je me suis davantage renseigné sur l’avenir de l’énergie du pétrole dans les années à venir. Et c’est assez effrayant.
Quelles sont tes premières et dernières rencontres avec un vampire (littéraire et / ou cinématographiques) ?
Sans hésiter, tout mon intérêt pour les vampires vient de la série Buffy qui est réellement un chef d’œuvre. Beaucoup de gens sont rebutés par son aspect série B, qui est pourtant assumé. Mais le fond est présent. On pourrait écrire des volumes entiers (c’est d’ailleurs fait aux Etats-Unis où des universitaires se sont penchés sur la série) sur les thèmes développés. Les sept saisons sont une grande métaphore sur le passage à l’âge adulte. Mon imaginaire s’est vraiment imprégné de cet univers, ainsi que de celui du spin-off, Angel. J’ai dû voir l’intégrale des deux sept fois et j’y découvre toujours des sources d’émerveillement. Là, j’ai hâte de commencer la saison 6.
Pour le reste, le mythe de Dracula ne m’a jamais touché. À part le film de Coppola qui le rendait très humain. J’avais aussi beaucoup aimé l’adaptation d’Entretien avec un vampire.
Dans mes dernières rencontres filmiques, il y a eu Vampyr de Dreyer qui est hallucinant, et aussi The Hunger de Tony Scott. Un dernier plus récent : Daybreakers des frères Spierig.
Pour toi, comment peut-on analyser le mythe du vampire ? Qu’est-ce qui en fait la pérennité ?
Je me réfère toujours à ce qu’en dit le Dictionnaire des symboles : le vampire représente les forces de la psyché tournées contre soi-même. On aura toujours des choses à raconter à ce sujet. Sinon, la faveur actuelle qu’il connaît m’est apparue en participant à des tables-rondes sur les vampires. La créature est une incarnation parfaite de notre époque. On a, d’un côté, la fascination pour l’éternelle jeunesse, une forme d’immortalité sexy, la puissance du surhomme. De l’autre, on retrouve la consommation sans limite, la faim irrépressible, le parasitisme destructeur.
As-tu encore des projets de roman sur ce même thème ? Quelle va être ton actualité dans les semaines et les mois à venir ?
Eh bien, à la rentrée, la suite du Miroir aux Vampires sortira chez Baam. Cette fois, l’histoire se déroulera à Paris et Léa sera en classes préparatoires. Et les Sanguisugae feront encore parler d’eux. Il y a aura le volume deux de L’Apprentie de Merlin, L’Ogre et le Bouclier, où Ana va tenter de couronner Arthur et de mettre en place la Table Ronde malgré les ennemis qui rôdent.
Sinon, je travaille sur un thriller jeunesse, à la fois techno et écolo, qui devrait paraître l’année prochaine. Au rayon adulte, j’écris en ce moment un roman de SF à partir de désastre de Varus en l’an 9 de notre ère : trois légions romaines massacrées dans la forêt germaine. Ça, c’est l’histoire. Ce qu’on sait moins, c’est que les légionnaires avaient découvert une étrange pyramide noire entre les arbres avant la bataille. Le roman devrait également sortir en 2012 chez Nouveaux Millénaires.