A l’occasion de la sortie du premier Carnet de l’étrange, et alors que le second tome des Etranges Soeurs Wilcox est sorti il y a quelques mois, Asmodée et moi-même avons réfléchi à quelques questions de notre cru à poser à Fabrice Colin, auteur protéiforme qui cumule depuis plusieurs années les réussites.
Pour les lecteurs qui te découvriraient avec tes oeuvres vampiriques, peux-tu nous résumer ta carrière. D’où te vient cette passion pour les mondes de l’imaginaire ?
Je « viens », comme on dit, du jeu de rôle. J’ai publié mon premier scénario dans la revue Casus Belli vers 18 ans. Adolescent, j’étais naturellement un lecteur avide de fantasy, de SF et de fantastique. Ces amours-là ne vous quittent jamais vraiment. J’ai publié mon premier roman à 25 ans aux éditions Mnémos. J’ai écrit une trentaine de romans depuis, pour adultes et adolescents, dans des genres assez variés.
La perspective que les soeurs Wilcox puissent donner envie à de jeunes lecteurs de découvrir plus en avant la littérature vampirique et ses classiques, tel que le Dracula de Stoker, te motive-t-elle ?
Bien entendu. Je considère que l’écrivain peut et doit être passeur. Le phénomène Twillight est sympathique, mais on ne peut pas dire qu’il explore le thème de façon très approfondie, et encore moins qu’il le renouvelle. Les vampires y sont présentés comme des créatures sexy, cyniques et cruelles – point. L’époque victorienne, elle, vibre de passions refoulées : c’est un théâtre idéal.
Les aventures des soeurs Wilcox se destinent en priorité à public jeune et néophyte. Mais la série parvient également à séduire les lecteurs plus aguerris en matière d’œuvres vampiriques. As-tu sciemment pensé à inclure des clins d’œil à leur intention ?
En quelque sorte. Le bon clin d’œil, c’est celui qui ravit l’initié, mais qui ne donne pas au néophyte la sensation d’avoir raté quelque chose. Je considère que les romans pour ados s’adressent en vérité à tous les publics. J’en lis moi-même.
A ton avis, les auteurs français ont-ils une façon d’aborder la littérature vampirique autrement que leur homologue anglo-saxons ?
Les Français s’appuient sur un héritage qu’il serait absurde de renier : la littérature populaire du 19e siècle, notamment. Nous sommes un très vieux pays, nous avons du mal à considérer les choses d’un œil neuf. Nous ressassons, nous recyclons sans cesse. Cette macération possède un côté un brin mortifère mais elle est aussi ce qui fait notre force.
Quelle est ta principale source d’inspiration lorsque tu écris un récit avec des vampires ? De quel style ou auteur te sens-tu le plus proche ?
Mon grand choc de lecture, à 17 ans, c’était Anne Rice, sans aucun doute : ce mélange de sensualité, de romantisme et de modernisme était réellement nouveau pour l’époque. Il a forcément dû m’en rester quelque chose.
Ces dernières semaines est sorti aux Editions Fetjaine le premier opus des cahier de l’Etrange, consacré aux vampires. Comment est né ce projet ? Pourquoi avoir choisi en premier lieu de traiter des vampires ?
Le projet est né d’une envie commune, avec notre éditeur (le livre est écrit en duo avec Jérôme Noirez), d’aborder des thèmes a priori éculés sous un angle novateur, tordu, voire ludique – au sens presque pervers du terme – en jouant sur la confusion entre mythe et réalité. Les vampires étaient un choix évident pour un premier volume : intérêt personnel et considérations commerciales. Le deuxième volume sera consacré aux anges, le troisième aux monstres.
Quelles ont été ta première et ta dernière rencontre avec un vampire (littéraire et/ou cinématographique) ?
J’ai vu le Nosferatu de Werner Herzog quand je devais avoir 14 ou 15 ans. C’est un film dont l’atmosphère maladive m’a énormément marqué. Dernièrement ? Ma foi, je suis en train de lire le Bifrost spécial vampires, et il y a de chouettes nouvelles dedans.
Pour toi, comment peut-on analyser le mythe du vampire ? Qu’est ce qui en fait la pérennité ?
Tout a déjà été dit là-dessus. Le vampire est le prédateur. Quelque chose en nous continue de vouloir être traqué, chassé, désiré. Jung ou Freud en parleraient évidemment bien mieux que moi.
Hors vampires : peux-tu nous parler de ton projet avec Michael Moorcock pour écrire la suite des aventure de Elric ?
C’est une histoire que nous avons conçue à deux et que j’écris seul, en français. Travailler avec Mike est un plaisir sans égal. C’est un homme d’une très belle intelligence et d’une humilité confondante. Un mentor ! Le côtoyer est une chance immense. Quant à Elric… C’est le vampire de la fantasy. Un homme creusé par ses pulsions, par la fatalité du Mal, et dont l’existence ressemble à une gigantesque reddition.
As-tu encore des projets de livres sur le thème des vampires ? Quelle va être ton actualité littéraire dans les semaines et les mois à venir ?
Je suis en train de corriger le tome 3 des Étranges Sœurs Wilcox, Les Masques de sang, qui sortira en février. Je travaille aussi sur un polar, qui sortira début 2012 aux éditions Sonatine et qui parle lui aussi de désir et de prédation. On ne se refait pas.