Il y a quelques mois, tu te lançais dans la création des Editions du Chat Noir, dont les premiers titres sont sortis depuis quelques mois maintenant. Peux-tu nous expliquer comment tu t’es lancée dans ce projet ?
Cela faisait un moment que je rêvais de fonder une petite maison d’édition mais je pensais que cela ne se ferait sans doute jamais… Quand mon collectif et moi avons annulé notre publication chez Cauchemars, la question d’une autre solution s’est posée. Nous aurions pu retourner voir du côté de Thebookedition mais le désir de monter les Editions du Chat noir s’est fait plus vif. Ensuite, il y a eu des coups de chance. Marie que je connaissais un peu et qui nourrissait les mêmes projets… Nous avons uni nos forces et nous voilà ! Et puis des auteurs qui sont venus vers nous avec de beaux projets…
Quels conseils donnerais-tu aujourd’hui à quelqu’un qui envisage de monter sa maison d’édition ? As-tu rencontré des problèmes inattendus ?
Il faut savoir s’entourer de gens compétents et passionnés, avoir un sens aigu de l’organisation et bien sûr quelques fonds pour démarrer. Je ne pense pas être en mesure de vous en dire plus, nous verrons d’ici quelques années avant de donner des conseils à d’autres 😉 Car finalement le plus dur n’est pas de se lancer mais bien de durer, comme nous l’enseignent chaque jour les nombreuses fermetures de petites maisons d’édition.
Je n’ai pas rencontré de problème particulier. Je savais déjà où je mettais les pieds, ayant travaillé pour les éditions Cauchemars. Cette triste expérience m’a permis de voir aussi les écueils à éviter.
Les vampires auront-ils droit à un traitement particulier aux Editions du Chat Noir ?
Nous ne sommes pas spécialisés dans la littérature vampirique. Mais je suis tentée de répondre oui. Le vampire est à la mode et est cuisiné à toutes les sauces, parfois pour le meilleur mais de plus en plus souvent pour le pire… Nous sommes donc particulièrement exigeants quand il s’agit de vampires. Nous recherchons des textes originaux qui amènent une nouvelle vision, où traitent du sujet avec une touche novatrice. Tellement de choses ont été écrites sur ce thème que ce n’est pas évident de se renouveler.
A l’heure du succès commercial de la Bitlit et du Young Adult, dont les acteurs majeures en France sont Bragelonne, Eclipse, J’ai Lu et Orbit, que penses-tu apporter de plus (voire de différent) aux lecteurs ? Y’a t’il des axes qui te semblent laissés de côté par ces grandes maisons d’éditions ?
Déjà, je ne mets pas vraiment tous ces éditeurs dans le même panier. J’apprécie la démarche d’Eclipse et Orbit, qui propose des séries plus originales. Je pense que Le chat noir se situe plus dans cette optique. La réelle différence, c’est que nous publions de jeunes auteurs français alors que la majorité des maisons d’éditions publient des auteurs traduits.
Certes, Bragelonne a décidé de publier à nouveau de jeunes auteurs francophones, et a annoncé la sortie de Marika Gallman initialement publiée au Petit Caveau; mais ce qui caractérise les petites maisons d’éditions c’est la volonté de dénicher de jeunes plumes, la prise de risque qui peut y être liée. C’est la passion et l’amour de la littérature qui nous meut plus que l’aspect commercial.
Ensuite, Le chat noir a son propre univers qui ne ressemble à aucun autre et qui est le résultat des goûts de chacun des membres de l’équipe. Une sorte d’alchimie… nos ouvrages sont souvent teintés de gothique ou de paganisme. Deux univers pas forcément beaucoup représentés ailleurs.
Tu as participé (en tant qu’auteur) à l’ensemble des recueils de nouvelles édité par Le chat noir, et une des prochaine sorties annoncées est un recueil intégralement de ta plume. N’as-tu pas peur que certains prennent cela comme une forme d’auto-édition déguisée ?
En fait, je n’ai pas participé en tant qu’auteur à l’anthologie Dames de Lune, Fées des Brumes mais effectivement on me retrouve dans Le Lamento des Ombres et dans Saisons Païennes. Il faut dire que ce sont des anthologies des Enfants de Walpurgis et que ce collectif a un fonctionnement assez particulier.
Par contre, il est vrai que j’ai annoncé la sortie de ma série Fille d’Hécate. Je sais bien que les mauvaises langues diront que je me publie car personne d’autre ne veut de mes textes. Heureusement j’ai des nouvelles chez Cauchemars, Argemmios et La salamandre.
Je voulais vraiment sortir cette série dans ma maison, car elle me tient à cœur et cela me permet donc une plus grande liberté : choisir la date de publication, ma couverture etc. De plus, elle traite d’un thème qui est vraiment dans la ligne éditoriale du Chat Noir.
J’ai d’autres projets de romans, et ceux-là je compte les garder pour d’autres éditeurs.
Comment sont choisis les textes et les auteurs qui seront édités par Le Chat Noir ? Qu’est-ce qui peut motiver un refus ou une acceptation de la part du comité de lecture ?
Pour qu’un texte soit choisi par le comité, il faut qu’il plaise à l’unanimité à chacun d’entre nous. Nous recherchons des histoires originales dépeintes d’une jolie plume. Un livre qui reprend tous les clichés du vampire avec des fautes à toutes les lignes n’a donc aucune chance d’être publié chez nous ! Ce que nous voulons c’est à la fois un univers et un style !
Quelles sont tes premières et dernières rencontres avec un vampire (littéraire et / ou cinématographiques) ?
Ma toute première rencontre avec un vampire remonte à mes 7 ans. J’étais devant le rayon des livres « le livre des sorcières/vampires/fantômes etc » et il me fallait en choisir un seul. J’ai pris ce qui me semblait le plus effrayant : les vampires. Le mythe du vampire y était expliqué sur un mode enfantin et humoristique. J’ai passé les 3 années suivantes à faire des cauchemars. Le vampire était alors ma créature de prédilection et je regardais en cachette tous les mauvais téléfilms qui passaient sur M6. Un peu plus tard, j’ai découvert Stephen King, Anne Rice, Bram Stoker ainsi que tous les petits auteurs publiés en version poche. Dès que je voyais un vampire, je lisais !
Depuis j’ai laissé de côté les buveurs de sang pour m’intéresser aux sorcières, je lis donc moins d’histoires de vampires. Il faut vraiment que l’intrigue m’intéresse et propose un petit quelque chose en plus. Mes dernières lectures – sans compter les livres qui sortiront chez le Chat Noir – ont été Laisse-moi entrer de Lindqvist, complètement atypique et émouvant et Le miroir aux vampires de Fabien Clavel, un livre pour adolescent très divertissant qui ne manque pas d’originalité…J’ai aussi lu le recueil de Mathieu Guibé, Germ-in-essence, et sa jolie nouvelle vampirique devrait faire l’objet d’une lecture commune au festival Cent pour Sang. Et puis là, j’ai rendez-vous avec Le sacrifice des damnés de Stéphane Soutoul, je sais déjà que cela va me plaire !
Pour toi, comment peut-on analyser le mythe du vampire? Qu’est ce qui en fait la pérennité ?
Le vampire représente la transgression des interdits. Tabous sexuels mais aussi désir d’éternité. Le vampire est affranchi du poids de la morale. Les monstres ont toujours été des figures parfaites pour projeter nos peurs, mais aussi nos côtés les plus sombres et nos plus noirs désirs. C’est tellement plus simple de les voir ailleurs et de se sentir alors plus bons et humains ! Selon moi ce qui caractérise vraiment le vampire c’est l’immortalité, l’érotisme et le sang. Sans ces trois ingrédients, le vampire n’en est plus vraiment un.
Du coup, le vampire de Twilight et de la plupart des œuvres young adult est très loin de ma vision ! Super héros romantique et protecteur, il est plutôt une figure idéalisée pour la jeune fille qui rêve d’un amour pur et non-sexualisé. Un amour qui durerait éternellement. Et qui, à condition d’une petite morsure, pourrait anéantir la peur de la mort.
La pérennité du vampire réside donc dans l’âme humaine et dans notre besoin de projection. Si la figure de cette créature change au fur et à mesure que la société évolue, elle reste tout de même le reflet de nos préoccupations.
La maison d’édition a-t-elle des projet de titres sur les vampires qui ne seraient pas encore officialisés ?
Non ! Mais nous aurons bien sûr les tomes 2 des Larmes Rouges et des Damnés de Dana, nos deux séries vampiriques…