Pouvez-vous vous présenter pour les internautes de vampirisme.com ?
Ma passion pour l’imaginaire, sous toutes ses formes (du merveilleux à la science-fiction en passant par le fantastique traditionnel, l’horreur et l’épouvante…) ne m’a plus quitté depuis l’âge de neuf ans. Il était donc naturel que je privilégie ce genre lorsque je me suis lancé, il y a plus d’une vingtaine d’années, dans l’écriture de nouvelles, ce qui m’a conduit à répondre à de nombreux appels à textes et à participer à des concours, sans négliger pour autant d’autres formes de littérature comme la nouvelle de type « classique », le roman policier ou le théâtre.
Votre roman les passe-temps de l’immortel vient de sortir aux éditions Rroyzz. Pouvez-vous raconter sa genèse ? Il s’agit là de votre premier roman, même si vous avez déjà plusieurs nouvelles à votre actif ?
En fait, c’est un peu plus tard que je me suis lancé, avec plus ou moins de réussite, dans un cycle vampirique – ce qui m’a valu, par la suite, trois publications. A cette occasion, j’ai écrit une nouvelle d’une bonne vingtaine de pages que j’avais intitulée l’Immortel. Je voulais sortir des sentiers battus en imaginant un vampire passionné par l’écriture (d’où le titre en forme de clin d’œil, puisque c’est de l’Académie française qu’il s’agit) et non un monstre sanguinaire – qui, pour autant, serait loin d’être un saint. On y trouvait déjà les principaux ingrédients du futur livre, en l’occurrence le début et la fin, mais j’avais un sentiment d’inachevé, et c’est ce qui m’a conduit à la transformer en roman et à imaginer bien d’autres péripéties, à différentes époques. J’y ai inséré deux passages d’écrits non publiés (la lutte contre Jack l’Eventreur et l’épisode roumain) qui avaient fait auparavant l’objet de minutieuses recherches.
Il s’agit de mon premier roman publié, mais j’en ai écrit plusieurs autres, en abordant à peu près tous les genres, policier notamment, que je n’ai pas spécialement cherché à publier, ainsi que plusieurs pièces de théâtre pour lesquelles j’ai eu quelques ouvertures.
Votre vampire semble être avant tout un témoin de l’Histoire (française, mais pas que). Vous considérez avant tout la créature pour son immortalité et ce qu’elle lui offre (et nous offre à nous, lecteurs) ?
Tout à fait, encore que son immortalité soit relative. Edmond est un témoin privilégié de l’Histoire mais aussi un acteur, bien qu’il n’entende pas peser sur elle comme dans les récits uchroniques. Si son immortalité lui offre des expériences et aventures extraordinaires, dépassant celles d’un simple mortel, elle est constamment remise en question puisqu’il échappe à plusieurs reprises à l’élimination – non par les vivants, mais par ses congénères. Son immortalité est donc autant une bénédiction, dans la mesure où elle lui permet de s’accomplir et de réaliser ses rêves sur la durée, qu’une malédiction, son style de vie le condamnant à long terme ; ce dont il a d’ailleurs pleinement conscience.
Quel regard portez-vous sur l’évolution du vampire ces dernières années ?
Je suis plutôt de la « génération Dracula », créature de la nuit assoiffée de sang d’origine humaine exclusivement, magnifiquement « immortalisée » par Bram Stoker. Il reste que j’ai été séduit, ces dernières années, par l’évolution de vampires « anti Nosferatu », auxquels on prête de plus en plus des sentiments humains. Mon « héros » Edmond a, certes, changé de nature en étant converti. Mais s’il a gagné en force et en cruauté, il n’a pas perdu son identité d’ex-vivant et est donc encore capable de ressentir de la peine, de l’amitié et même de l’amour. Quant à celui qui est un monstre à l’origine il le restera et deviendra même pire, tel l’officier SS de la rue des Saussaies. Je crois, à cet égard, que le Lestat d’Anne Rice est un bon exemple de cette évolution avec la dualité de ses deux principaux personnages. Quant à celui de Laisse-moi entrer de Lindqvist, il offre aussi une intéressante variante car pour lui toute proie n’est pas bonne à prendre et qu’il met en scène un vampire de sexe féminin, ce qui n’est pas si courant à l’époque moderne.
Sans critiquer sa démarche novatrice, je suis moins attiré, en revanche, par les « gentils » de la série Twilight de Stephenie Meyer, qui ont ouvert la porte à des séries plus ou moins réussies, et je ne crois nullement à une « coexistence pacifique » entre humains et vampires.
Enfin, pour que le vampire conserve une certaine crédibilité, l’un de ses ressorts étant tout de même la crainte qu’il provoque, je crois qu’il faut peut-être éviter de verser dans la parodie à tout prix, sauf à l’afficher clairement. Roman Polanski avait parfaitement réussi la synthèse des deux avec son Bal des vampires à l’atmosphère gothique, d’autres beaucoup moins.
Pour conclure, je dirais qu’un vampire qui échapperait totalement aux évolutions de la société et de ses mœurs risquerait, à terme, d’être sclérosé et partant moins attractif pour les futures générations. Il reste que c’est un damné, qui ne saurait en aucun cas incarner l’image du Bien.
Pour vous, comment peut-on analyser le mythe du vampire ? Qu’est-ce qui en fait la pérennité ?
Je crois que le mythe du vampire est déjà bien ancré en nous en raison de considérations historiques (la figure de Vlad Tepes, par exemple), et géographiques (la Transylvanie et les Carpates, où Jules Verne lui-même a situé l’action de l’un de ses romans). La légende en a fait un mythe universel : avant même que le cinéma ne s’en empare, des écrivains anglo-saxons, allemands, français, russes, italiens… s’y sont intéressés.
Sa double appartenance au monde des vivants et des morts n’y est pas étrangère. Paradoxalement, la mort, au lieu de l’affaiblir, lui confère des pouvoirs extraordinaires, une puissance hors du commun – qui l’érotise -, et son caractère protéiforme lui permet de revêtir, comme dans le Dracula de Coppola, les apparences d’un gentleman avenant mais aussi celles d’un monstre sanguinaire. Contrairement au mort-vivant, qui, privé de toute réflexion, promène lamentablement sa déchéance, il est un « vivant-mort » ayant gardé le souvenir de son passé et le sens des convenances- comme l’atteste, dans Dracula, l’accueil courtois du Comte à son visiteur Jonathan Harker.
En quelque sorte il exprime, toutes proportions gardées, la dualité que l’on trouve en chacun de nous. N’avons-nous pas tous eu envie, un jour, de nous réveiller dans la peau d’un prédateur tout-puissant capable de provoquer la crainte tout en jouant de sa séduction ? De posséder ces deux composantes essentielles du Pouvoir ? À cet égard, les vampires dits psychiques ne sont-ils pas, en politique et dans le mode de la finance, parmi nous depuis bien longtemps ?
Ce qui fait la pérennité du vampire, c’est sa capacité à se mouvoir dans les milieux les plus divers. Dans la littérature comme au cinéma, il se glisse partout, dans un campus, dans une entreprise, se projette même dans l’espace et le futur. Ce n’est pas un hasard si la science-fiction s’est emparée du mythe en le renouvelant. « Victime » de son isolement et de son incapacité à reproduire son mal, la créature de Frankenstein ne jouit pas des mêmes privilèges ; le loup-garou, trop galvaudé, est souvent considéré, hiérarchiquement parlant, comme un être inférieur ; Quant à la goule, elle a été supplantée depuis longtemps par le vampire dans l’imaginaire collectif.
Si j’osais, je dirais que le vampire a encore de beaux jours devant lui.
Quelles sont vos premières et dernières rencontres avec un vampire (littéraire et/ou cinématographiques)
Ma première, c’est bien évidemment Dracula, grâce la firme anglaise « Hammer », dont l’un des plus brillants réalisateurs était Terence Fisher. Je n’avais certes pas l’âge d’aller voir « Le cauchemar », qui avait drainé une foule nombreuse au moment de sa sortie au cinéma Midi-Minuit des Grands boulevards, mais je pris ma revanche plus tard avec Dracula prince des ténèbres. Ce n’est qu’un ou deux ans après que j’ai dévoré le livre de Bram Stoker puis – changement radical d’époque – le fameux Je suis une Légende de Richard Matheson qui marque, à sa façon, une étape importante dans la diffusion du mythe vampirique en dépit de trois adaptations ratées au cinéma.
Mes dernières – ou plutôt – récentes rencontres : la relecture de certaines nouvelles comme « La Morte amoureuse » de Théophile Gautier. Je mentionnerai également une série qui m’a impressionné par sa qualité, et qui renouvelle tous les mythes de la littérature anglo-saxonne – dont, avec brio, celui de Dracula, Penny Dreadful.
Votre roman sorti, quelle va être votre actualité éditoriale ?
Je suppose que vous entendez par là mes projets. Vous aurez sans doute perçu à travers certains de mes propos que je ne suis pas « une chauve-souris de l’année » et que j’aime aborder d’autres genres que le fantastique, du polar à la comédie de mœurs.
Mais je sais, par expérience, que j’y reviendrai toujours, et je ne désespère pas de publier, par la suite, un ou deux recueils de nouvelles dont un qui pourrait être consacré aux créatures de la nuit.