Qui est Olivier Lascar ? Comment es-tu devenu reporter pour Science et Vie Junior ?
Je dirais un journaliste multicarte! La base de mon travail, c’est écrire des articles pour Science et Vie Junior, version papier. Mais je travaille aussi sur les développements « numériques » du titre: j’ai récemment dirigé un DVD spécial « SVJ l’émission », vendu en kiosque avec le magazine d’avril et disponible en VOD (http://www.labosvj.fr/svjtv-lemission/) et je suis aussi responsable du site du mag (www.labosvj.fr). C’est d’ailleurs sur le site que sont visibles les vidéos dévoilant les coulisses de mon reportage en Roumanie (http://www.labosvj.fr/category/svjtv/vampires/).
J’ai aussi un versant illustrateur: je dessine la BD « Catulle Londres », qui paraît tous les mois dans Science et Vie Junior. (http://www.facebook.com/pages/Catulle-Londres/204132740206).
En tout cas, ma formation de base, c’est ingénieur. Mais je suis journaliste depuis 1999. D’abord pigiste pour l’émission télé « E=M6 » pendant un an, j’ai intégré la rédaction de Science et Vie Junior il y a dix ans.
De par ma formation, je suis devenu le « Monsieur Techno » de la rédaction. Les papiers sur la mécanique, les robots, les prototypes futuristes d’avions, de voitures… c’est pour moi.
Mais comme le spectre des sujets abordés par « Science et Vie Junior » est très, très large, je traite aussi de bien d’autres thèmes. Des articles sur le cinéma, mais aussi beaucoup de papiers où je joue un peu les Fox Mulder. J’ai bossé sur la bête du Gévaudan, les combustions humaines spontanées; je suis allé dans un château « hanté » du nord de l’Angleterre… Ce n’est donc pas par hasard si je me suis intéressé à Dracula et aux vampires.
Science et Vie Junior sort ce mois-ci un numéro hors-série consacré aux vampires. Comment vous est venu cette idée ? À l’heure où les magazines de tous les horizons s’emparent du sujet, que pensez-vous apporter de plus ? Comment ont été choisis les sujets de ce numéro ?
J’ai proposé le projet de ce hors-série à Jean Lopez, rédacteur en chef de Science et Vie Junior, à la fin de l’année dernière. Mais c’est en fait une idée qui remonte à bien plus loin… Cela faisait 5 ans que j’essayais de monter le reportage en Roumanie ! J’avais les principaux contacts, mais bon, pour une multitude de raison, ça ne s’était pas fait. Mais avec le succès de Twilight, le sujet est devenu à la mode. Je l’ai donc remis sur la table… et Jean Lopez m’a dit banco ! Pour résumer, le cheminement n’a pas été : « Twilight a du succès, alors il faut faire un truc sur les vampires » mais plutôt « je vais enfin pouvoir faire mon truc sur les vampires grâce au succès de Twilight » !
Avec Olivier Voizeux, le responsable des hors-série de Science et Vie Junior, nous avons donc bâti un sommaire où nous pourrions explorer le thème des vampires tous azimuts: l’anthropologie avec l’histoire du folklore vampirique, l’histoire de la littérature et du cinéma, la médecine et la biologie, avec notamment la théorie de ce médecin espagnol, qui fait coïncider les symptômes du vampirisme et de la rage.
Et puis le vampirisme nous a fourni une porte d’entrée pour traiter de sujets scientifiques qui aurait pu l’être de mille autre façons. Mais prenez le papier sur le sang: c’est quand même plus rigolo de se faire raconter les mécanismes de ce fluide vital par le Dr Acula !
Que pouvions-nous apporter de plus que les autres? Sans doute l’expertise Science et Vie Junior: une vulgarisation des sciences (au sens large) rigoureuse, sans être enquiquinante. L’idée, c’est faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
À l’occasion de ce hors-série, tu es parti en Transylvanie, sur les traces des vampires, notamment de Dracula. Comment as-tu établi ton parcours ? Que pensais-tu trouver sur place ?
Je ne souviens plus de la première fois où j’ai entendu parler de Vlad Tepes, mais c’était il y a fort longtemps ! Bref, j’ai l’impression d’avoir toujours eu dans un coin de la tête le fait que le Dracula de fiction était « inspiré » par un personnage historique… Mais « inspiré », dans quelle mesure ? Qui était Tepes ? Son C.V. fait-il de lui un digne inspirateur du vampire Dracula ? Autant de questions auxquelles j’avais envie, moi, à titre personnel, de répondre, pour me faire plaisir ! Et j’ai la chance d’exercer une activité où le boulot et les intérêts personnels se répondent… Alors j’ai monté le sujet.
C’est en lisant ce qui avait été écrit sur Tepes que j’ai commencé à voir les lieux qui lui sont associés (et notamment la biographie du personnage par Matei Cazacu, édition Tallandier). Mais de contact en contact j’ai eu la chance de « rencontrer » — d’abord par email ! – Jean-Michel Corbet, un français installé en Roumanie. Il est voyagiste, et avait déjà travaillé sur les lieux associés au Dracula historique. Avec son correspondant établi à Paris — Philippe Roussel — ils m’ont considérablement facilité la tâche pour définir mon itinéraire en Roumanie.
Tes pas t’ont emmené dans un village où des rituels anti-vampires ont été perpétrés il y a quelques années. Quel objectif avais-tu en t’intéressant à ce fait divers ?
En travaillant sur la question du folklore vampirique, j’ai vu que les légendes avaient émergées au 17ème et au 18ème dans l’Europe orientale et centrale, notamment en Roumanie. La question était donc: est-ce qu’on y croit encore ? Après tout, on peut encore en France aujourd’hui trouver des coins où l’on vous parle de sorciers, de rebouteux… Alors pourquoi pas de vampires !
Par ailleurs, j’ai découvert avec le livre de Ioanna Andreesco où sont passés les vampires qu’en Olténie, au sud-est de la Roumanie, on parlait encore de vampires il y très peu de temps. J’ai contacté Mme Andreesco — qui est quelqu’un de super, soit dit en passant — et nous avons pu en parler longuement. Du coup, j’ai décidé d’aller tenter ma chance… Mais où aller en Olténie ? C’est là que Matei Cazacu et Jean-Michel Corbet m’ont parlé, quasiment en même temps et sans évidemment se consulte r!, de Marotinu de Sus et du fait divers lié au vampirisme qui a eu lieu là-bas en 2004.
Et là, franchement, j’ai eu du bol. D’abord d’être accompagné d’un guide de première catégorie, Tudor Vallimarescu. Evidemment, à Marotinu, les gens ne parlent que roumain, et il fallait que tout passe par Tudor… Sans lui, plus rapide qu’un traducteur de l’ONU, je serais peut-être passé à côté de l’étrange confession retranscrite dans le journal. En tout cas, je considère justement avoir atteint l’objectif que je m’étais fixé en m’intéressant à ce fait divers: recueillir un témoignage de première main qui montre que ces légendes sont encore vivaces dans certains coins d’Europe.
Quelles ont été ta première et ta dernière rencontre avec un vampire (littéraire et/ou cinématographique) ?
Première rencontre, en tout cas dont j’ai le souvenir, c’est sans aucun doute Bela Lugosi. Je devais avoir une dizaine d’années (j’ai 35 ans) quand le cycle de la
Universal a été diffusé sur FR3, au ciné club de Patrick Brion. C’est là que j’ai découvert le Dracula https://www.vampirisme.com/film/browning-tod-dracula-1931, les deux Frankenstein de James Whale… Ils m’ont vraiment tapé dans l’œil, je découpais même les annonces des films dans Télé 7 Jours !
La dernière, c’était la semaine dernière, en regardant la Petite boutique des horreurs de Roger Corman. Je connaissais le thème de cette comédie noire — une plante carnivore qui se nourrit d’êtres humains — mais je ne l’avais jamais vue. Alors j’ai été surpris de découvrir qu’au début du film, quand la plante est petite, elle ne se nourrit que de sang… Son « maître » l’appelle même Dracula à un moment. C’est le seul cas de vampirisme végétal que je connaisse !
Pour toi, comment peut-on analyser le mythe du vampire ? Qu’est ce qui en fait la pérennité ?
De nos jours, on oppose beaucoup le vampire et le loup-garou. Moi je l’ai toujours vu « versus » la créature de Frankenstein (pour la raison de la question 5, sans doute). L’un est une sorte de jouisseur qui prend son plaisir sur le dos (ou plutôt le cou) des autres. Il est résolument égoïste, c’est un individualiste forcené, alors que l’autre est un gars complexé, qui soufre de son isolement; il a soif d’humanité, de contact, d’amour quoi ! En tout cas, si le vampire séduit, c’est peut-être pour la façon dont il vit sans entrave sa soif de vie (paradoxal pour un mort-vivant évidement).
Pour ce qui est de sa pérennité, je me suis rendu compte d’une chose en travaillant sur le hors-série: le vampire perdure évident parce qu’il évolue avec son temps, mais en gardant, le plus souvent, une caractéristique… Il est à contre-courant de son époque. Du temps de Stoker, le vampire est un libertin qui fait frémir la société victorienne — pour ne pas dire coincée. De nos jours en revanche où la sphère médiatique est hyper sexualisée (pas de pub de yaourt sans fille en bikini !), le vampire à succès est celui, propre sur lui et puritain, de Stephenie Meyer. Ça me semble assez logique finalement.