Pouvez-vous tous deux nous raconter votre parcours, pour les gens qui vous découvriraient avec Vampire ! ?
Richard D. Nolane : Gros lecteur de SF, de Fantastique et de tout ce qui concernait le Paranormal dès la fin des années 1960 (j’ai découvert ça en bloc vers 14 ans alors que j’habitais à Abidjan), j’ai publié mon premier article en 1973 et j’ai fini par suivre une « mauvaise pente »puisque je suis devenu auteur, traducteur, anthologiste puis scénariste de BD professionnels à partir du début des années 1980… En fait, tout ce qui est mystérieux ou bizarre pour une raison ou une autre m’attire et j’ai une vraie passion pour l’Histoire. Aujourd’hui, je dois avoir une centaine de bouquins et une trentaine d’albums BD au compteur. Ceci sans parler des nouvelles, surtout fantastiques ou d’horreur.
J’ai été traduit dans pas mal de pays dont les USA et la Chine. Outre Vampires !, je viens de sortir comme auteur deux albums BD dans la collection « 1800 » de chez Soleil, un recueil fantastique chez Rivière Blanche, Séparation de Corps et comme « editor », une antho hommage à Jimmy Guieu, toujours chez Rivière Blanche, Dimension Jimmy Guieu, et le premier numéro de la revue de fantastique et d’horreur classiques, Wendigo, chez L’Oeil du Sphinx.
Elisabeth Campos : Je suis passionnée depuis longtemps par la SF, le fantastique, les comics, le cinéma et les séries TV et mon parcours littéraire suit en gros ces sujets de prédilection. J’ai débuté en écrivant des nouvelles de SF ou de fantasy dans des fanzines ou revues pro ou semi-pro, puis j’ai publié un roman fantastique sous pseudonyme. J’ai participé également sur une longue période au magazine Scarce, consacré aux comics, et rédigé également, dans les années 90, des chroniques et des édito pour des revues de Marvel-France (Panini), comme Spider-Man. Parallèlement, depuis 1983, je collabore au magazine de cinéma L’Écran Fantastique.
J’ai eu aussi quelques longues pauses dues à mon travail. J’ai été avocate à Marseille puis j’ai travaillé comme chercheur universitaire à Montréal ces dernières années, ce qui a occupé presque l’essentiel de mon temps. J’ai surtout écrit dans cette période des ouvrages de vulgarisation et des essais (pour les Éditions Milan, Larousse, Plein-Sud…) tout en continuant ma longue collaboration à L’Écran Fantastique. Mais le démon de la littérature ne m’ayant jamais quittée, j’ai repris plus particulièrement depuis l’année dernière l’écriture avec la rédaction de Vampires ! et des contributions dans Bit-Lit ! J’ai aussi publié une nouvelle de fantasy dans Lanfeust Mag.
Vampires ! est issu d’un livre intitulé La Chair et le sang, initialement paru en 1994. Quel a été la genèse de cet ouvrage et comment en êtes-vous arrivé à le rééditer ?
RDN : J’avais écrit trois essais pour la collection poche « Dossiers Vaugirard » consacrée aux mystères, un sur les ovnis et deux de cryptozoologie, collection dirigée par Bianca von Heiroth et Véronique Kerbrat avec qui je traitais aussi mes Blade et la collection L’aventurier des Étoiles écrite par E. C. Tubb. Je ne sais plus qui a eu l’idée du livre d’Élisabeth ou de moi mais une chose est sûre c’est qu’elle a été acceptée sur le champ ! Ensuite nous l’avons réédité juste un poil remis à jour sous une belle couverture de Jean-Claude Claeys, et en grand format, chez CGR Éditions en 1997. Et puis, début 2010, un hasard de conversation par mail entre Élisabeth et André-François Ruaud qui cherchait un volume « généraliste » sur les vampires pour accompagner celui sur la Bit-Lit de Sophie Dabat (auquel collaborait Élisabeth) a mené à sa résurrection sous un autre titre, dans une version entièrement remise à jour, en partie complètement réécrite, rallongée d’un bon peu et abondamment illustrée. Bref si son propos n’a pas changé c’est un autre livre…
EC : Richard a bien expliqué et résumé le parcours de notre livre actuel, de la première version chez Vaugirard à la version actuelle, je n’y reviendrais donc pas. Pour celle-ci, c’est en effet un concours de circonstances et une discussion avec André-François Ruaud qui a conduit à la rédaction de Vampires ! La version chez CGR Éditions datait de 1997 et il y avait eu beaucoup d’actualité concernant les vampires, aussi bien au cinéma qu’en littérature avec notamment la bit-lit. C’était donc un plaisir de revenir à nouveau sur le sujet et une bonne idée de réécrire notre livre, de l’étoffer considérablement et de voir tout ce que le mythe vampirique avait suscité dans ces différents média depuis 1997. Et il y en eut beaucoup, tellement qu’il était difficile de tout traiter (Vampires ! n’est pas un dictionnaire ou une encyclopédie) et choisir de traiter un sujet, un film ou un livre, plutôt qu’un autre, n’a pas toujours été facile.
Comment vous êtes-vous divisé les tâche pour arriver à un résultat aussi large sur le thème du vampire ? Quels ont été vos sources principales à l’époque et ont-elles évolués lors de la réédition ?
RDN : En écrivant la première version chez Vaugirard, le but était de faire une sorte de guide du vampirisme dans tous ses états, y compris dans le domaine de la criminologie (Élisabeth a une formation universitaire de criminologie). Un livre facile d’accès et au prix poche. On y évoquait aussi un sujet peu abordé alors, celui des gens qui se prennent au quotidien pour des vampires. Quant aux sources, elles débordaient donc un peu de celles utilisées par la littérature de l’époque sur les vampires. Dans la réédition, outre une remise à jour à 2010 de tous les chapitres, le vrai changement est l’agrandissement considérable doublé d’une approche totalement différente de la partie consacrée aux vampires de la fiction qui tient maintenant un tiers du livre. Le guide est resté un guide mais maintenant dans une version bel objet de bibliothèque…
EC : Là aussi, je n’ai pas grand chose de plus à ajouter à ce que vient de dire Richard. On a travaillé en complémentarité, mais aussi de concert sur certaines parties. Du fait de ma formation universitaire, je me suis plus particulièrement penchée sur les tueurs en séries et sur le vampirisme criminel, qui est le plus souvent ignoré dans ce genre de livres. Mais Richard a aussi apporté sa pierre à l’édifice. Par goût, j’ai également travaillé sur la partie cinéma et séries TV, comics. J’aime aussi beaucoup la littérature naturellement, comme vous pouvez vous en douter. Nous avons travaillé de concert, tout en nous répartissant certains chapitres, de la partie sur les vampires de fiction (cinéma, littérature, BD, TV, jeux, etc.). Cette partie a beaucoup été augmentée par rapport à la première version, et reflète aussi le grand intérêt porté aux vampires ces dernières années dans ces différents médium.
Votre livre s’aventure sur des terrains pas forcément lié de prime abord avec le mythe du vampire, com
me la criminologie. Comment expliquez-vous que cet aspect, mis à part quelques cas significatifs, est laissé de côté par les essais généralistes sur le thème du vampire ?
RDN : Peut-être parce que pour les auteurs de ces essais, les serial killers buveurs de sang ne sont pas de «vrais « vampires… Et pourtant, ils sont bel et bien prisonniers eux aussi de la mythologie du sang ! Nous avons abordé également le vampirisme vu sous l’angle du paranormal et de certaines explications que celui-ci en donne, ce qui n’est pas très courant non plus…
EC : Il y a cette explication en effet et le fait également que les livres consacrés aux vampires traitent souvent des vampires de fiction, ou historiques, et restent sur ces aspects du mythe. Notre propos était de déborder de ces sujets et d’aborder d’autres angles, moins explorés et intéressants, et d’offrir différentes variétés de vampires, réels, de fiction, etc.
Quelles ont été vos premières et dernières rencontres avec un vampire (littéraire et/ou cinématographique) ?
RDN : J’avoue que je ne m’en souviens plus même les probabilités sont très fortes pour cela revienne à un livre de chez Marabout pour l’écrit et sans doute à un film des émissions tard le soir de l’ORTF pour l’image… Parmi les dernières rencontres, le film Suck de Rob Stefaniuk avec Alice Cooper, Iggy Pop et Malcolm McDowell que j’ai assez apprécié pour son côté original et décalé.
EC : Difficile de me souvenir avec exactitude de mes premières rencontres avec un vampire… Je pense à Dracula de Tod Browning vu à la TV quand j’étais enfant. Un peu plus tard, j’ai beaucoup aimé Aux frontières de l’aube, sans compter les films de la Hammer bien sur avec Peter Cushing, un grand Van Helsing, et Christopher Lee.
Pour les romans, sans grande surprise, il y a eut le Dracula de Bram Stoker que j’ai voulu découvrir après avoir vu mes premiers films et que j’ai vraiment apprécié avec une histoire du coup sans grande surprise pour moi. Et le volume Histoires de vampires, de la Grande anthologie du Fantastique de Goimard & Stragliati. J’ai été très marquée ensuite par Entretien avec un vampire de Ann Rice. Ce premier livre innovait beaucoup et montrait des choses différentes, même comme on « meurt » et revit, raconté par Louis. Un passage qui avait frappé mon imagination à l’époque.
Pour les dernières rencontres, difficile là aussi de faire un tri. J’ai lu pas mal de bit-lit ces derniers mois, notamment les aventures d’Anita Blake de Laurell K. Hamilton et la Communauté du sud de Charlaine Harris. J’aime beaucoup la série True Blood à la TV, je la préfère même aux romans… J’ai aussi regardé The Vampires Diaries, qui s’améliore au fil des épisodes, la saison 2 de Being Human et cet été notamment The Gates. Pour les films, sans doute Daybreakers et aussi Vampires Suck et un des Twilight.
Pour vous, comment peut-on analyser le mythe du vampire? Qu’est ce qui en fait la pérennité ?
RDN : Je pense qu’à la base tout est dans le sang et ce qui tourne autour dans toutes les cultures à commencer par la notion plus ou moins consciente d’immortalité qu’il véhicule en nous tous par la transmission des gènes d’une génération vers l’autre. Le vampire joue donc avec quelque chose qui est dans chacun d’entre nous. Tant que la Mort fascinera, ceux qui en transgressent les règles fascineront eux aussi. Et parmi eux, le vampire a une place de choix car il représente pour les auteurs un thème avec une grande capacité d’adaptation et de renouvellement, ce qui est bien moins le cas de l’autre star des morts-vivants, le zombie.
EC : Humm, on pourrait écrire de longues pages sur le sujet. Je pense aussi que le sang est important dans toutes les cultures, il possède une aura et une symbolique particulières, et il est lié à la vie, à la force, mais aussi à la mort. Au mythe du vampirisme se rattache la notion d’immortalité ancrée en chacun de nous et auquel aspire l’homme. Le vampire fascine parce qu’il est immortel (sous certaines conditions) mais, comme c’est souvent le cas avec l’immortalité, c’est une immortalité frelatée. Il défie la mort, c’est un prédateur, mais il séduit également. Et plus le temps passe, plus le vampire séduit comme on peut s’en rendre compte à l’époque actuelle avec la bit-lit. Le vampire est ainsi un personnage riche, qui touche à plusieurs symboliques fortement ancrées dans l’esprit collectif, toujours actuelles et facilement mobilisables. Sa richesse permet de jouer sur plusieurs registres et thèmes (la peur, l’amour, la damnation, la notion d’humanité, etc.), qui confèrent une grande densité au mythe et lui permet de s’adapter sans problème à la modernité.
Richard, vous avez sorti il y a quelques mois Séparation de corps un recueil de nouvelles qui condense une partie de votre carrière de novelliste et romancier. Il y est question de vampires africains. Comment en êtes-vous venu à aborder le mythe sous cet angle particulier, peu courant dans la littérature du genre ?
RDN : J’ai vécu en Côte d’Ivoire, à Abidjan, de 1968 à 1970 et j’ai adoré l’Afrique. Dans Les démons d’Abidjan (un titre qui collerait bien à nouveau à l’actualité…), j’ai voulu organiser une rencontre entre le mythe du vampire et la sorcellerie typiquement africaine et qui est présente partout dans le quotidien encore aujourd’hui, y compris dans la vie politique. L’histoire des Démons d’Abidjan est donc ce qui pourrait arriver si la sorcellerie, déjà pas mal efficace sur le terrain du côté des empoisonnements, etc., devenait subitement à la hauteur de ce qu’affirment les sorciers, le tout dans une histoire politico-financière typique de la période Houphouët-Boigny.
Avez-vous encore des projets de livres sur le thème ? Quelle va être votre actualité littéraire dans les semaines et les mois à venir ?
RDN : Pas dans l’avenir immédiat, mais sur le feu des choses autour de Vidocq, dont le début d’une série BD intitulée Gothic Vidocq et qui devrait s’ouvrir justement, vers le début 2012 par un album intitulé Le vampire de la Grande Armée… Pour les choses à venir, outre le numéro 2 de Wendigo, une anthologie francophone sur les Civilisations Mystérieuses et les Anciens Astronautes chez L’Oeil du Sphinx, un dossier sur l’auteur britannique de SF et de Fantastique E. C. Tubb dans Galaxies, un recueil intitulé Dimension E. C. Tubb chez Rivière Blanche et du côté des BD, en principe 4 albums chez Soleil cette année
, les T2 et finaux des mini-séries 20 000 Siècles sous les Mers (dessins Patrick Dumas) et Alchimie (dessins Olivier Roman), le T1 d’une nouvelle série fantastico-médiévale avec Michel Suro, Démon, et le T1 de Wunderwaffen, une nouvelle mini-série d’aviation uchronique et tournant autour des armes secrètes allemandes, avec Maza. Plus des articles et des nouvelles, notamment pour des livres à venir des Moutons Électriques. Pour en savoir plus, ma page web : http://rdnwebsite.blogspot.com/.
EC : Pour l’instant, non. Après avoir co-écrit Vampires ! et collaboré aussi à Bit-Lit ! cette année je vais passer à d’autres choses que j’aime également. J’ai un projet de roman de fantasy mais à plus long terme et un autre ouvrage dans un genre différent, en gestation, pour les Moutons Électriques. Je viens de publier également un long article sur la série The Walking Dead pour l’Écran Fantastique et j’ai d’autres articles à venir sur de nouvelles séries TV, un autre de mes sujets de prédilection comme je l’ai signalé précédemment.
Article très intéressant tout comme le livre.