Olivier, tu es déjà très connu dans le monde de la BD mais pour ceux qui ne connaissent pas ton univers, peux-tu te présenter et nous résumer ta carrière ?
Olivier : J’ai été mordu très jeune par le virus de l’imaginaire et j’ai passé la plus grande partie de ma vie à écrire et dessiner les histoires qui voyageaient dans ma tête. J’ai commencé à être publié assez tôt dans des magazines puis, à vingt-trois ans, j’ai écrit et dessiné ma première série BD, Shaman, parue aux éditions Soleil. Les années suivantes, tout en travaillant sur plusieurs albums, j’ai traîné mes pinceaux du côté de l’illustration et du design en faisant passer le dessin avant l’écriture, puis ces derniers temps, les choses se sont inversées. Je délaisse maintenant le dessin afin d’écrire davantage de BD pour d’autres dessinateurs (Zombies, Assassin, Nosferatu) et des romans (Druide et Les Haut-Conteurs). J’œuvre aussi sur la série télé Hero Corp et je touche à un peu à tout dans le milieu de la télé et du ciné (du design au story-board en passant par l’écriture). Et des fois, je prends des vacances.
Alors que la tendance actuelle nous vend des romans d’anticipation ou d’Urban Fantasy, pourquoi avoir abordé les vampires au 12e siècle ?
Olivier : Parce que je ne crois pas que suivre la tendance aide à écrire de bonnes histoires, surtout dans le cadre d’une série. On peut réussir un coup « marketing » et profiter d’un effet de mode avec un one-shot mais travailler sur une série de plusieurs épisodes oblige à penser à long terme. Quant à raconter une histoire de vampires au moyen-âge, c’est là le fruit de nos passions communes avec Patrick pour ces deux thèmes.
Patrick : Pour notre plaisir, avant tout. Comme Oliv le dit à très juste titre, ce n’est pas parce qu’un créneau est tendance que toute histoire s’en inspirant sera brillante. Nous avions envie de travailler ensemble depuis longtemps. Quand il a fallu choisir une période historique, nous sommes tombés aussitôt d’accord pour partir sur le Moyen-Âge, cet âge brutal et obscurantiste qui nous fascine et se prête si bien à une multitude d’intrigues. Et le 12e siècle nous intéressait particulièrement, car il présente des figures très fantasmées de l’imaginaire collectif, tels Richard Cœur de Lion, les Templiers, Jean sans terre, etc. Par le fer et le feu, Messire ! Quant aux vampires, ils se sont imposés d’eux-mêmes. Les morts-vivants suceurs de sang, c’est notre culture première, palsambleu ! D’ailleurs, je reprendrais bien une petite pinte…
Dans les deux tomes de la série, on rencontre des goules, des demi-sangs, des vampires, etc. quelles sont les inspirations qui vous ont donné l’envie de développer ce monde diabolique qui accompagne les Haut-Conteurs ?
Olivier : C’est là la magie des idées, on ne sait jamais d’où elles viennent. Ce que j’écris aujourd’hui est probablement un mélange inconscient de mes rêves et de tous les films ou les livres (sans doute aussi de quelques jeux vidéo) qui m’ont plu. Quant à l’idée des goules et des demi-sangs, elle est venue tout naturellement quand nous réfléchissions à notre univers avec Patrick. Nous ne voulions pas écrire une énième histoire aux dents longues dans laquelle explorer la figure classique du grand vampire solitaire. Nous voulions lui créer une sorte de cour, des esclaves, des pairs et des courtisans. Et d’une façon plus large, je dirais que le bestiaire diabolique du monde des Haut-Conteurs répond à notre envie de voyager dans les superstitions du moyen-âge.
Patrick : Probablement la somme de tout un tas d’influences. Oliv et moi avons toujours été nourris par des univers fantastiques. C’est juste une question de tournure d’esprit, qui fait que tu ne peux concevoir une fiction dépourvue de caractère merveilleux, dans le sens littéral du terme. Finalement, nous sommes de modestes héritiers de la littérature horrifique, du cinéma de genre, du comic U.S. et des jeux vidéo (davantage Oliv que moi, je le concède). Tu mélanges le tout, tu ajoutes un attrait fortement marqué pour l’ère médiévale, et cela donne les Haut-Conteurs.
Les Haut-Conteurs est une série écrite à deux mains, qui a eu l’envie et l’idée d’y intégrer le personnage aux dents longues ? Et pourquoi ?
Olivier : L’apparition des vampires dans nos deux premiers tomes des Haut-Conteurs s’est faite très naturellement. En discutant avec Patrick, quand nous écrivions notre histoire, on est tombé assez vite d’accord sur un fait : au moyen-âge, hormis le Diable en personne, le vampire était à nos yeux la créature la plus effrayante à laquelle nous pouvions confronter nos héros. Et comme Patrick et moi avions une grande affection pour le mythe, on ne s’est pas privé. Nous avons toutefois voulu le travailler en l’inscrivant dans un folklore très classique, une sorte de retour aux sources.
Patrick : Cette idée nous est venue conjointement. Nous avons en général les mêmes goûts en littérature et BD. La thématique du vampire s’est donc imposée comme une évidence, dès que nous avons commencé à réfléchir à la série. Le pourquoi de la chose s’explique simplement : quand l’on pense au climat fantastique durant la période médiévale, quatre éléments se détachent aussitôt : les vampires, les garous, les sorcières, et Satan. Nos sympathies communes nous ont naturellement portés à choisir celui pourvu de canines acérées.
Olivier, ton actualité est très vampirique en ce moment, puisque un mois après la sortie du 2ème tome des Haut-Conteurs (Le Roi vampire), nous avons vu dans nos librairies débarquer le 1er tome de la BD Nosferatu que tu scénarises. Est-ce un désir de ta part d’aborder le vampire sur différents supports ou est-ce l’effet de mode actuel qui t’as poussé à le faire ?
Olivier : Ni l’un ni l’autre, travailler sur le thème du vampire n’est pas un calcul. C’est mon amour des grands monstres qui m’a conduit vers eux. Et puis, je crois que la mode est en ce moment aux beaux vampires adolescents et aux tueuses de démons fortement poumonées. Quant à la question du support, c’était inévitable qu’un jour ou l’autre je fasse une BD de vampires. Je serais tenté de dire que j’avais ça dans le sang. Ce qui est marrant, c’est que les deux livres sortent dans la même période.
Dans Nosferatu, nous rencontrons des personnages aux caractères forts et très différents les uns des autres. Van Hess, le chasseur de vampires, détonne beaucoup des autres personnages. Comment se sont fait ces choix de personnages ?
Olivier : Dans toute bonne histoire de vampires, il y a selon moi des standards à respecter et des espaces dans le récit qui permettent de prendre plus de liberté, de rafraîchir le mythe et d’y introduire des idées ou des figures nouvelles. Le chasseur de vampire Van Hess est pour moi comme une ampoule qui grésille dans l’obscurité. Il irradie, agace, grésille, aveugle, et surtout, il est humain. Ses réactions sont passionnelles, il est victime autant que bourreau, un personnage capable d’exploser à tout moment. Il est aussi un point de vue essentiel par lequel on peut observer et découvrir les vampires. Car sans h
umain, pas d’histoire de vampires. Quant à son nom, nous (Stefano et moi) le lui avons évidemment donné en hommage au chasseur de vampires de Bram Stoker, le professeur Van Helsing.
Quelles ont été vos premières et dernières rencontres avec le mythe du vampire ?
Olivier : Mes deux premiers vampires sont ceux des films de Christopher Lee et des comics Marvel de Gene Colan. Autant dire que ça date. Ces deux Dracula viennent des années 60 et 70 (quelques temps avant mon entrée dans ce monde) mais je ne les ai jamais oubliés. J’ai vu une bonne partie des films de la Hammer avant d’avoir dix ans et je dois avouer que le vampire interprété par Lee me terrorisait. Quant à celui des BD Marvel, je le trouvais un peu rétro mais je prenais un immense plaisir à lire ses aventures. Ils se sont inscrits dans mon imaginaire comme des créatures essentielles à la culture du fantastique et j’ai toujours su que grâce à eux, un jour ou l’autre, j’écrirais moi aussi des histoires de vampires.
Patrick : Tout pareil ! Mon premier contact avec le mythe fut établi grâce aux films de la Hammer qui étaient souvent rediffusés au ciné de mon village, lorsque j’étais gosse. J’étais terrorisé par les affiches, c’était l’horreur (c’est le cas de le dire). Enfant, je n’ai jamais vu un de ces films, mais cela n’a pas empêché ce vieux Vlad Tepes de hanter mes cauchemars de gosse. Ensuite, j’ai découvert le Dracula de Wolfman et Colan, chez Marvel. J’avais 11 ans, je crois, et j’étais encore réticent devant cette BD, mais je me suis vite laissé embarqué par l’ambiance, le graphisme, le scénario, et même l’encrage (Tom Palmer, en majorité). Bref, un vrai coup de cœur. Après cela, je suis devenu accro à Dracula en particulier, et aux vampires en général. Durant mes neuf premières années, Vlad l’Empaleur m’a terrifié, et aujourd’hui, il me mange dans la main. Quelle éclatante revanche ! Quant à ma dernière rencontre, il s’agit du Roi Vampire accompagné de sa cour, dans les deux premiers tomes des Haut-Conteurs.
Pour vous, qu’est-ce qui fait la pérennité du vampire ?
Olivier : Les vampires sont des êtres immortels partageant une relation très particulière avec la mort et le genre humain. Rien d’étonnant à ce qu’ils fascinent de nombreux auteurs et un large public. La toute puissance et l’immortalité trouvent un écho chez beaucoup. Mais vivre dans les ténèbres et le sang n’empêche pas les vampires d’avoir un cœur et de souffrir. Ils sont encore humains et sont à la fois le pire et le meilleur de l’homme. C’est peut-être ce contraste qui les rend si indémodables et si présents dans tant d’histoires.
Patrick : Le mythe du vampire existe dans toutes les civilisations, sous diverses formes, et depuis la nuit des temps. Il exerce un phénomène d’attraction-répulsion assez unique. Répulsion devant la peur de l’inconnu, de la mort et du Mal, et attraction vis-à-vis de la promesse d’immortalité et d’impunité (sauf quand tu prends un pieu en bois de tremble entre les omoplates, bien sûr). Qui n’a pas rêvé de traverser les siècles, tel un dieu invulnérable? Je pense que l’aspect physique du vampire tend également à nous le rendre proche. Hormis les moments où il évolue sous forme de brouillard ou de chauve-souris, il nous ressemble. Il conserve une physiologie humaine, même s’il incarne un démon redoutable. Il est le monstre le plus proche de nous, bien davantage qu’un garou ou une momie qui marche. C’est aussi cela qui le rend si fascinant, particulièrement dans notre monde contemporain.
Dessinateur, écrivain, scénariste BD et de séries télé, quelle est votre actualité à venir ?
Olivier : J’ai des tas de projets sur le feu dans divers domaines mais les prochains à voir le jour seront des BD : le tome 2 de Zombies (que j’écris pour Sophian Cholet) et un récit complet nommé La Guerre des Orcs avec le dessinateur chinois Daxiong. J’ai aussi un nouveau roman en préparation qui racontera l’histoire d’un fantôme et je travaille au tome 4 des Haut-Conteurs avec Patrick.
Patrick : Un roman autour de la comtesse Bathory, sans doute un one-shot de urban fantasy, le tome 4 des Haut-Conteurs avec Oliv, un nouveau projet avec Oliv, et, bien sûr, les prochains albums (déjà futurs collector) de mes célèbres et néanmoins underground groupes rock, évoluant respectivement dans le milieu punk et power.
Petite question subsidiaire, si vous étiez Haut-Conteur, quel surnom donneriez-vous à votre comparse d’écriture ?
Olivier : « Messire Voix d’Orage » pour son timbre très bas voire terrifiant, ou « Seigneur Vermillon » pour ses yeux qui changent de couleur quand la fatigue le rattrape.
Patrick : « Messire de la Vigie », car Oliv est l’Homme qui ne dort jamais, ou presque ! Je puis en témoigner, je l’ai vu, par exemple, assurer une journée entière de dédicaces après une nuit longue de 1h25 minutes, en gros. Impressionnant, spectaculaire, phénoménal !
Bravo à toi cousine Ewelf! Les questions étaient très bonnes!!
Un one Shot sur la Comtesse Bathory !!!
ça c’est très interessant, un actu à suivre de près.
A Amélie, merci 😀