Quel est ton parcours d’auteur ? Comment en es-tu venu à rencontrer les éditions du petit caveau et à leur proposer cette première novella ?
Je n’avais jamais eu l’initiative de proposer un de mes manuscrits avant de découvrir les Editions du petit caveau sur le net. La maison lançait alors un appel à textes dans le cadre de l’anthologie Or et Sang. Amateur de littérature vampirique, leur ligne éditoriale consacrée aux buveurs de sang m’a séduit. Avec la lecture, l’écriture d’histoires fantastiques et l’une de mes activités favorites, mieux : une passion. Cependant, comme beaucoup de gens qui écrivent seuls dans leur coin, j’ignorais si mon travail valait ou non quelque chose, voire était à même de plaire à un lectorat. Proposer un texte aux Editions du petit caveau était l’occasion d’être fixé. Lorsque qu’on m’annonça qu’une de mes nouvelles était retenue, cela m’a motivé pour leur soumettre Le mal en la demeure qui à son tour a été accepté.
Parles-nous un peu du Mal en la demeure. Qu’est-ce qui t’a donné envie d’écrire cette novella vampirique ?
L’écriture du mal en la demeure est avant tout un exutoire. Lors de sa rédaction, j’ai eu à cœur de retranscrire un style d’ambiance qui m’est cher : le charme des atmosphères gothiques empruntes de mélancolie et de mystère, avec pour décors l’inoubliable esthétique des films de la Hammer. Les protagonistes, quant à eux, sont des êtres tourmentés, écorchés par la vie, qui continuent de se battre pour leurs convictions malgré nombre de déconvenues et une inéluctable fatalité.
Avec ce premier tome du cycle des âmes déchues, j’ai essayé de raconter une histoire d’amour impossible dans laquelle les personnages sont destinés à s’entredéchirer. En matière de fiction, J’aime beaucoup les romances tristes voir dramatiques. À tort, la littérature sentimentale est de nos jours souvent assimilée à une certaine mièvrerie. Avec les possibilités offertes par un récit fantastique, j’ai tenu à mettre en scène un romantisme troublant en jouant sur une gamme bien précise d’émotions : la passion, le sacrifice, l’attrait de l’interdit… Et pour cela, le format concis d’une novella était parfait.
Ton roman tient plus de la littérature fantastique de la fin du XIXe que du modernisme qui règne actuellement dans le genre. Comment expliques-tu cela ? Quel regard portes-tu sur la Bit-lit qui fait un véritable raz de marée actuellement ?
Une narration inscrite dans la tradition de la littérature fantastique style fin du XIXe m’a parue la plus appropriée. Cette période était idéale pour instiller à mon histoire un cachet intime, un peu hors du temps avec des codes vestimentaires et un langage qui ne sont plus tout à fait à l’ordre du jour. Comparé à la grande majorité des récits fantastiques actuels, c’est vrai qu’il y a un décalage, mais de la diversité au sein d’un même genre n’est jamais une mauvaise chose.
La bit-lit est une formidable opportunité pour réconcilier le public avec le plaisir de lire. À cause du stress de la vie quotidienne et la profusion de centres d’intérêts, le lecteur moderne est souvent à la recherche d’ouvrages faciles à aborder, agrémentés de thèmes qui lui parlent. Le point fort de la bit-lit tient à son accessibilité. Au travers des nombreux titres figurant sur les catalogues des éditeurs, les connaisseurs peuvent s’identifier aisément à leur héroïne ou héros préféré.
Je suis pour ma part un fan inconditionnel d’Anita Blake et, plus modérément, de Rachel Morgan. La seule ombre au tableau avec la bit-lit se trouve peut-être sur la longueur dans son manque d’originalité qui sévit d’une série à l’autre.
Quelles ont été ta première et ta dernière rencontre avec un vampire (littéraire et/ou cinématographique) ?
Sur format papier, mon premier ouvrage vampirique fut le Dracula de Bram Stoker. Un roman culte qui m’a donné envie d’explorer plus en avant ce genre littéraire. La dernière œuvre lue à ce jour est le deuxième tome de La maison de la nuit, et je me suis attaqué dans la foulée à l’anthologie Les femmes vampires dirigée par Jacques Finné et Jean Marigny.
Niveau cinéma, rebelote : mon premier film mettant en scène des vampires n’est autre que le Dracula de Coppola lors de sa sortie en salles. Ce fut d’ailleurs pour moi un choc énorme à l’époque, une véritable révélation qui m’incita à lire le roman original. Le dernier film découvert récemment est le fabuleux Morse, Let the right on In de Tomas Alfredson. Un pur joyau que ce long métrage aux allures d’ovni… La preuve qu’il est encore possible d’innover intelligemment en matière de cultures vampiriques.
Pour toi, comment peut-on analyser le mythe du vampire ? Qu’est ce qui en fait la pérennité ?
Parmi le patrimoine des superstitions et de l’imaginaire, le mythe du vampire est une figure aux caractéristiques bien particulières. L’essence même des buveurs de sang nous renvoie à nos propres fantasmes, à nos désirs enfouis ainsi qu’à la bestialité résidant en chacun de nous. L’une des raisons d’être du vampire est d’écailler le verni d’une civilisation étriquée dans ses convenances hypocrites. Je pense que le mythe perdure avec autant de vivacité grâce à la sensualité de ces créatures maudites, de leur humanité souillée et la vie éternelle qu’elles se voient souvent imputer non pas comme une bénédiction, une faveur, mais un fardeau lourd à porter.
On peut dire que c’est précisément par le biais de ces thèmes universels que le mythe perdure et n’a de cesse de se renouveler. Une soif de sang engendrée par les affres d’une malédiction transmissible, les émois d’une sexualité irrévérencieuse, la promesse d’une immortalité morbide… Ce sont là des spécificités qui permettent à ces monstres (car il ne faut pas se leurrer, c’est bien de cela qu’il s’agit) de s’adapter sans cesse aux mœurs, aux modes et aux changements. Dernier point important, le mythe du vampire a tendance à refléter, en bien ou en mal, la société dans laquelle il s’épanouit. Les phénomènes Twilight et la vague bit-lit en sont des preuves concrètes.
Le mal en la demeure vient à peine de sortir. Quels ont été pour le moment les retours sur ce premier roman ? Envisages-tu de lui donner une suite ? Quelle sera ton actualité littéraire (vampirique ou non) dans les mois à venir ? Les premiers retours sur Le mal en la demeure sont encourageants, avec quelques remarques soulevées. Les lecteurs semblent faire bon accueil au style revendiqué par l’histoire, son rythme et son ambiance gothique. Il y a toujours une incertitude quant à savoir comment sera apprécié un roman, surtout lorsqu’il s’agit d’une première œuvre. Les récentes parutions vampiriques des éditions du petit caveau, mais aussi celles d’autres maisons telles que Petit arrangement avec l’éternité, ou Les vestiges de l’Aube prouvent avec talent que les auteurs francophones n’ont pas à s’encombrer de complexes avec ce genre littéraire, bien au contraire. Le mythe du vampire est parfaitement ancré dans notre culture. Il ne demande qu’à être façonné et exploité à sa juste valeur. Beaucoup a déjà été écrit sur Dracula, Báthory et leur engeance, mais il reste encore énormément à faire.
Le deuxième tome du cycle des âmes déchues est déjà écrit. Le manuscrit se trouve actuellement entre les mains du comité de lecture des éditions du petit caveau. Mon actualité littéraire vampirique sera la parution prochaine d’un recueil de nouvelles : Chimères d’albâtres, aux éditions Cauchemars. Le temps de prendre un peu de repos avec mon âme sœur et je m’attellerai ensuite à l’écriture du troisième et probablement dernier tome des aventures du clan de Lacarme. En dehors des vampires, j’ai d’autres projets toujours en rapport avec le fantastique : une nouvelle figurant au sommaire de l’anthologie Momies des éditions Cauchemars, ainsi que d’autres travaux au sein de diverses anthologies prévues pour courant 2011… des ouvrages ayant toujours trait à un certain imaginaire sombre et inquiétant.