L’inspecteur en chef George Suttle est chargé par sa hiérarchie d’enquêter sur une mort étrange. Les autorités ont en effet retrouvé devant le parlement un cadavre qui ne porte aucuns des trois modus operandi connus : décapitation, pieu en plein cœur ou incinération. Car l’inspecteur Suttle fait partie des privilégiés de la société : c’est un vampire. Voilà près de 50 ans, de manière à pouvoir lutter contre des zombies venus d’on ne sait pas où, l’Etat anglais a décidé d’expérimenter un virus censé décupler la résistance de ceux qui le contractent. Mais la contrepartie est de taille : les infectés ne peuvent plus supporter la lumière du soleil, doivent s’injecter régulièrement du sang et perdent tout intérêt pour la vie terrestre.
Autant cette mini-série ne m’inspirait à la base pas plus que cela, autant mon avis final risque d’être d’une toute autre teneur. Car force est de constater que les auteurs se sont appropriés avec brio les mythologies du zombie et du vampire, en les confrontant avec une société victorienne désormais scindée : ceux à qui le sérum a été injecté et les autres. D’autant que la menace zombie, si elle est depuis contenue, n’en est pas moins bien présente, des accidents survenant régulièrement.
On suit ici les traces d’un chef inspecteur devenu vampire, chargé d’une enquête qui le conduira en plein cœur de la Zone B, ce quartier où sont parquées les masses laborieuses, qui n’ont pas la chance de bénéficier de l’injection du sérum. Rapidement, entre les manifestations de la classe ouvrière, le mouvement des suffragettes et autres vestiges de la Crimée, le lecteur se retrouve propulsé dans une époque victorienne fantasmée, où la couronne est parvenue à maintenir son influence sur le monde au prix d’une scission franche de ses habitants.
Le dessin peut sembler parfois manquer d’homogénéité mais certains cadrages n’en sont pas moins très réussis. Le trait est à la fois simple et incisif, rehaussé par une mise en couleur qui a le bon goût de ne pas trop en faire. Un graphisme qui ne fera peut-être pas date mais colle bien à l’ambiance et remplit donc avec réussite son office.
Ici, les vampires constituent pour l’essentiel la classe privilégiée, qui vit dans la Zone A, laquelle fait l’objet de nettement plus de surveillance que la Zone B, où vivent les humains restants. Ces vampires ne craignent pas forcément les symboles religieux, mais bien la lumière du soleil, le feu et un pieu en plein cœur. Leurs besoins sont réglementées (voire ostracisés), mais tous ne parviennent pas à se contrôler face aux instincts de leur nouvel état, surtout dans les premières années.
Un comics qui ne paie pas de mine mais propose au lecteur un face à face fracassant entre vampires, zombies et humains, sur fond de société victorienne. Et à ce titre, un album des plus réussis pour les amateurs des deux créatures fantastiques qui semblent de nos jours se disputer les faveurs du cinéma et de la littérature.