Aliènor McKanaghan mène une existence paisible de lycéenne jusqu’au jour où tout bascule le soir de son anniversaire. Malgré elle, Allie est témoin d’une scène sanglante au cours de laquelle un inconnu détruit un démon pour sauver une innocente victime. L’homme en question se nomme Gabriel et la suit depuis quelque temps déjà afin de la protéger. La jeune femme va apprendre que ce dernier se trouve être en réalité un vampire vieux de trois mille ans. De la bouche du buveur de sang, Allie va découvrir ce que ses parents ont toujours eu à cœur de lui dissimuler. Les humains partagent le monde avec des créatures surnaturelles : démons, loups-garous, fantômes… Descendante d’une longue lignée de combattantes, Aliènor va découvrir de fil en aiguille qu’elle est la clé d’une terrible prophétie.
La prophétie est l’œuvre d’une jeune auteure qui signe ici son premier roman. Autour du destin orageux de son héroïne, Cassandre Amaranthe développe une histoire mâtinée de bit-lit et d’urban fantasy. Sans complexe, porté par une plume moderne, est tissé un récit au style très anglo-saxon se voulant actuel et facile d’accès. L’objectif est réussi car le roman se lit avec aisance et parvient à maintenir l’intérêt du lecteur malgré quelques bémols sur la forme. Ces derniers sont principalement liés à des erreurs de temps, des répétitions néanmoins acceptables, et à la structure des paragraphes au découpage parfois aléatoire. D’un chapitre à l’autre, le point de vu narratif passe parfois de la lycéenne à Gabriel sans prévenir, ce qui manque de clarté. Cela dit, ces modiques carences n’entravent en rien le plaisir de découvrir Les aventures d’Aliènor McKanaghan, pourvu qu’on parvienne à s’immerger dans son univers.
La lecture du roman est imprégnée de quantité de livres à consonance bit-lit, tel que l’inévitable Anita Blake, mais aussi des séries TV telles que Charmed et surtout Buffy contre les vampires. La jeune héroïne débute une liaison avec un beau vampire ténébreux et protecteur. En tant qu’Elue, va lui incomber la lourde tâche de sauver le monde tout en voyant son statut social en pâtir inévitablement. Gabriel, le vampire lui aussi Elu pour traquer et détruire les démons, possède plus d’une corde à son arc : téléportation, hypnose, force accrue… Grâce à la nature d’hybride (mi-vampire, mi-démon) qui est sienne, l’immortel supporte la lumière du jour. Il boit du sang, mais refuse de s’abreuver aux veines d’humains. Les armes en argent peuvent le blesser, mais pas le tuer à l’inverse des métamorphes. Fait intéressant, son sang possède la propriété de guérir. Un vampire classique donc, mais avec cependant des nuances qui lui attribuent une identité propre.
Si l’intrigue et sa succession de péripéties se révèlent sans grande surprise, le rythme de l’ensemble n’en reste pas moins relevé de la première à la dernière page. L’auteure ne s’attarde jamais longtemps sur les combats, préférant mettre en valeur les états d’âme d’Aliènor et l’évolution de sa relation avec Gabriel. Les problèmes ont tendance à se résoudre rapidement, ce qui peut être frustrant. L’héroïne se voit entourée par une bande d’amis humains ou non. Il est par ailleurs dommage que le caractère de ceux-ci ne soit pas davantage approfondi. On notera par exemple la présence de deux sorcières, Destiny et Armony Gallagher, qui assistent Allie dans sa quête d’informations quant à la mystérieuse prophétie. Elles aident également l’Elue à se familiariser avec les arts magiques.
Aliènor a été formée dès son plus jeune âge par ses parents et sa grand-mère à la maîtrise des armes à feu et des techniques de combats afin d’être prête le moment venu de prendre ses fonctions d’Elue. Le fardeau se lègue au fil des générations, de mère en fille. On différencie deux types d’Elus : ceux qui comme Gabriel sont désignés, et les autres qui le deviennent par hérédité. L’héroïne ne manque pas de tempérament et use d’un vocabulaire digne d’un charretier, ce qui joue en faveur d’un humour certain. L’évolution du personnage d’Allie se suit donc avec intérêt, même si parfois une palette d’émotions plus riche, plus sensible à des moments clés, aurait été la bienvenue. Il en va de même pour le vampire Gabriel qui ne donne pas vraiment l’impression d’avoir une existence longue de dizaine de siècles derrière lui, avec les tourments et instincts de prédateurs refoulé que cela implique, se cantonnant à un rôle de charmeur un brin pétulant.
Bien sûr, cette première aventure d’Aliènor McKanaghan n’est pas exempte de regrets. Les évènements ont tendance à s’enchaîner parfois un peu trop rapidement, la narration manque de finesse sur le plan littéraire et certains traits du caractère des personnages auraient mérité à se voir dégrossir. Cependant, l’impression générale du roman se veut positive. Le récit est vivant, les dialogues instillent un ton dynamique et résolument jeune qui colle à l’esprit de l’héroïne âgée de dix-huit ans. Cette histoire déployant toute la panoplie de l’urban fantasy reste plaisante à suivre. Si ceux qui se montre intransigeant sur la forme et qui attendent une œuvre maîtrisée préfèreront passer leur chemin, les nostalgiques de Buffy et des œuvres résolument bit-lit se trouveront quant à eux en terrain connu. Ils sauront d’autant plus apprécier cette sympathique histoire à sa juste valeur en passant outre ses lacunes. Surtout que sans en révéler plus que nécessaire, le deuxième tome promet de s’immerger davantage encore dans le vampirisme et ses aléas. Nul doute que la plume prometteuse de son auteure saura gagner en maturité et proposera alors une aventure attachante. La prophétie offre une lecture distrayante par nombre d’aspects et sans prise de tête, façonnée par les codes du fantastique contemporain, ce qui est déjà à saluer.