Le personnage de Carl Kolchak est un incontournable pour les amateurs de séries TV surnaturelles. Journaliste qui affronte des créatures de toutes sortes dès le premier long-métrage — The Night Stalker — le héros né dans un roman de Jeff Rice, a eu une fortune notable. Passé le texte d’origine, deux films, une série TV de 20 épisodes et un remake avorté en 2005 ont permis au protagoniste d’imposer sa marque. On tient là l’un des premiers Monsters of the Week de l’histoire du petit écran, et l’une des sources d’inspiration revendiquée de Chris Carter pour X-Files. Il n’y a donc rien détonnant qu’un projet hommage pour les 50 ans voit le jour. Porté par James Aquilone — éditeur derrière la récente anthologie Classic Monster Unleashed, ce recueil de récits courts propose au sommaire une liste assez remarquable d’habitués du genre. Nancy A. Collins, Steve Niles, Kim Newman, Jonathan Maberry, Tim Waggoner, R.C. Matheson… il y a de quoi exciter le lecteur de comics horrifique.
De fait, il n’y a pas de continuité scénaristique entre les différentes histoires. Kolchak y affrontera successivement sorciers, cultes infernaux, démons, fantômes, vampires (deux fois), métamorphes, créature de Frankenstein, zombies (celui du vaudou), sasquatch, satanistes et vieille femme vengeresse. Au fil des histoires qui composent ce recueil, le lecteur aura l’occasion d’apprécier ce qui fait tout le sel du personnage-titre et de ses aventures. Déjà, que Kolchak n’est pas un super-héros. Le personnage n’est pas exempt de maladresse, et se retrouve souvent face à (trop) forte partie. Ensuite, les monstres surnaturels ne sont pas toujours les pires. Les démons sont invoqués par des humains de chair, les métamorphes ne font que défendre leurs petits, etc. Toutes ces entités ont de bonnes raisons d’agir comme elles le font, même si cela se fait souvent au détriment de notre société. On comprend aussi les liens qui peuvent unir Kolchak et Fox Mulder de X-Files. Ils ont tous les deux des statuts d’investigateurs, et doivent la plupart du temps taire leurs découvertes, qui ne sont pas acceptées par leurs pairs. Ils sont comme des pivots entre deux mondes.
Il faut attendre le chapitre, « Interview with the Night Stalker » pour voir enfin le personnage croiser la route d’un vampire. Et pas n’importe quel vampire, puisqu’il s’agit de Janos Skorzeny, auquel s’oppose Kolchak dans le premier film de la licence, The Night Stalker (1972). Dans le récit publié ici, le duo Kim Newman et Paul McCaffrey est à la manœuvre. Tous deux ont déjà officié ensemble sur Anno Dracula 1895 : Seven Days in Mayhem, prolongation comics de l’univers imaginé par Newman. On retrouve ici son goût pour la référence, dans sa manière de lier plus fermement son histoire avec l’univers préexistant (le design du personnage du vampire est calqué sur l’acteur original). Newman opte pour une sorte d’origin story, qui offre un nouveau point de vue sur la première confrontation à l’écran de Kolchak avec le surnaturel. Pour autant, l’idée de l’interview renvoie à une autre œuvre majeure pour les amateurs de vampires : les Chroniques d’Anne Rice. Le vampire y révèle au journaliste, comme paralysé, ses origines et comment il a finalement mis le pied sur le territoire américain. Les auteurs proposent dans le même temps une variation sur la figure du vampire, qui rapproche plus les créatures des immortels de Wolfgang Hohlbein, voire des Goa’uld de Stargate.
La dernière histoire du recueil, « The Last Byline », par James Chambers et Paul McCaffrey (décidément) revient une deuxième fois au chevet des vampires. Kolchak, alors qu’il parvient à l’âge de la retraite, fait face au « père » de Janos Skorzeny. Lequel va offrir au journaliste ce qu’il pense être son désir profond. Une fois de plus, Kolchak est impliqué alors que son ambition est d’informer, et se retrouve dans une situation est sans échappatoire. Soi il succombe à son nouvel état, soit il emporte avec lui, dans un ultime baroud, son ennemi et les projets de celui-ci. Un dernier récit bien pensé, qui joue au mieux avec les codes de la licence. Kolchak endosse encore le rôle du journaliste forcé d’affronter les forces du mal, auxquelles personne ne croit. Les vampires présentés y sont beaucoup plus classiques que dans l’histoire de Kim Newman, même si l’auteur se permet une innovation sur l’impossibilité de prendre en photo un vampire. C’est finalement les flammes que choisira Kolchak pour stopper son vieil ennemi, ou tout du moins la lignée de celui-ci. À l’image de la série TV, qui fait revenir la figure du vampire en exploitant les suites du film original, Chambers articule son récit autour de Janos Skorzeny.
Un recueil vraiment réussi, que ce soit sur les plans graphiques ou du scénario. Malgré l’hétérogénéité de ton et d’illustration, difficile de nier que les créateurs à la manœuvre ont compris l’importance du personnage. Chaudement recommandé.