Le Seigneur l’apostropha :
– Qui es-tu en fin de compte ? Tu es bourré de contradictions : policier intègre le jour, flic renégat la nuit ; un Irlandais ni catholique ni protestant, un bâtard peut-être ; en tout cas un être hybride toujours à cheval entre deux mondes. Comment pourrais-je te faire confiance ?
En faisant allégeance au Seigneur de la Nuit, Galwein a troqué son arme de service contre un sabre de samouraï pour éradiquer la pègre qui hante les ruelles sordides et sombres de la cité. Mais on ne se mêle pas impunément au monde de l’ombre et de la mort !
L’auteure est une bibliothécaire qui au cours de ses études, puis de sa carrière, a touché à beaucoup de sujets. Ce qui l’a amenée à écrire, et ce roman est son premier. D’emblée, on sent qu’Yvette Auméran a beaucoup de culture, sa langue est riche, trop parfois. Ainsi certains termes sont au-delà du langage courant, obligeant le lecteur à consulter un dictionnaire pour en connaître le sens, ou à faire appel au contexte pour le comprendre, ou du moins l’approcher. L’autre tendance, peut-être due également à cette « jeunesse » d’écriture, est sa propension à délayer, à répéter certains passages. C’est particulièrement prégnant dans les passages d’introspection, qui sont nombreux dans le roman.
Car celui-ci est assez lent. Galwein, qui s’interpose entre son Seigneur et un flic, est laissé pour mort par le premier. Il mettra du temps avant de se remettre, arpentant les bas-fonds de sa ville, du port, mais aussi une île au large, où seuls les oiseaux et les crabes lui tiendront compagnie, avant qu’il ne revienne sur la terre ferme. L’occasion pour Yvette Auméran de faire des clins d’oeil à quelques figures du fantastique, parmi lesquelle HP Lovecraft et son mythe de Cthulhu. Les goûts littéraires de l’auteure transparaissent également : littérature du Moyen-Âge, traditions et légendes japonaises s’entremêlent parfois sans la moindre véritable mesure, ce qui n’aide pas à placer le roman dans un cadre précis.
Le héros du livre, vous l’aurez compris, survit à l’attaque de son ex-maître, mais voit son corps se transformer lentement vers l’état vampirique. Pour contrecarrer ce processus, il boit de l’eau de mer (l’auteur d’ailleurs donne une explication scientifique à l’action de celle-ci sur les cellules de Galwein), puis, afin d’étancher sa soif de sang frais, ne s’attaque qu’à des créatures de la nuit, ce qui bien sûr va provoquer l’ire du Seigneur. Galwein est un héros daté, fortement influencé par ses lectures d’oeuvres relevant de l’amour courtois, il est une sorte de chevalier blanc de par ses valeurs, son comportement, qui le mettent d’emblée à l’écart des deux mondes qu’il côtoie.
Les vampires du roman sont assez classiques : canines protubérantes, force surhumaine… Ils ont la faculté de s’envoler, de se transformer en traits de lumière (visibles la nuit) pour traverser les cieux. Le meilleur moyen de les détruire est de leur transpercer le coeur à l’aide d’un pieu, mais aussi de leur couper la tête. Leur corps se met alors à se désagréger, pour finir en cendres. Le sang du vampire mort est un acide puissant, capable de ronger de nombreuses matières.
En définitive ce premier roman n’a pas inintéressant, mais autour des quelques scènes d’action qu’il comporte, l’auteure a placé de longs passages introspectifs un peu redondants ; attention également au vocabulaire, trop riche.