Albert et Jilly Trevor font route vers le château du comte Vranculas. Albert, en sa qualité d’avoué, vient présenter à l’aristocrate un bien immobilier qui correspond à ce que cherche ce dernier. Lui et sa femme Godivas projettent en effet de s’installer dans la banlieue de Londres. Le jeune couple fait d’emblée face aux angoisses des habitants de la région, pour qui le nom du comte semble porteur de lourds sous-entendus. Le cocher finit par les laisser à un kilomètre du château, alors que la nuit tombe. Rapidement pris au dépourvu par une tempête de neige, Albert et Jilly doivent se trouver un abri.
Le Vampire de Carpates est le premier volet d’un diptyque (qui s’achèvera avec La revanche de Vranculas) qui adapte le Dracula de Bram Stoker. Il s’agit du onzième tome de Terror, un titre publié par Elvifrance (Zara, Jacula) qui propose des histoires indépendantes, qui ne s’étendent que sur un (deux au maximum) opuscule. Comme pour les autres séries de l’éditeur, c’est une traduction de l’italien (la série originale porte le même titre mais est éditée dans un format légèrement plus grand, avec un récit additionnel). La version française ne mentionne aucun des auteurs, et il faut faire quelques recherches pour remonter aux artistes impliqués. Plusieurs noms se sont succédé sur les textes de Terror, parmi lesquels Renzo Barbieri, l’un des scénaristes importants du fumetti. Pour ce qui est du dessin du présent opus, il est dû à Ivo Pavone, la couverture étant quant à elle attribuée à Leandro Biffi. Terror s’était spécialisée dans des histoires à forte connotation gothique, il n’y a ainsi rien de surprenant à y trouver des adaptations (très libres) de grands classiques. Le premier volet de la collection est par exemple une reprise du Fantôme de l’Opéra de Gaston Leroux.
Le Vampire de Carpates est donc la première partie d’une adaptation du roman Dracula. Le lecteur est confronté d’emblée à des clins d’œil au texte d’origine : l’intrigue démarre au moment où les protagonistes arrivent à l’Auberge de la Couronne d’Or, dans la ville de Bistritz. Le point de départ de la trame reste également le même : Albert Trevor rend visite au comte pour lui proposer un bien immobilier. Pour autant, le scénariste opère un changement de taille, en remplaçant Jonathan Harker par un jeune couple. Quelques pages plus loin, on découvre que Dracula a subi le même sort : le comte Vranculas est en effet accompagné de sa femme Govida. Cette double modification est au cœur de l’approche érotique de l’adaptation. Albert et sa compagne n’hésitent pas à se réchauffer en ayant des relations sexuelles. Une fois au château du comte, le couple Trévor sera sous la coupe des Vranculas, la comtesse séduisant Albert quand son mari s’attaque à Jilly. Et si le duo finit par se douter que leurs hôtes leur cachent quelque chose, il est bientôt trop tard.
Le dessin est d’assez bonne facture. Le trait en noir et blanc, qui s’appuie sur une utilisation de trames est maîtrisé. Si les cases se focalisent surtout sur les personnages (notamment quand ils sont nus), l’illustrateur sait poser une ambiance, en insistant sur le cadre très gothique. Reste que l’histoire d’origine a été publiée dans un format légèrement plus grand, ce qui donne peut-être un autre ressenti à la lecture.
On est en présence d’une adaptation de Dracula qui conserve l’essentiel des caractéristiques du roman. Le comte et sa femme ne paraissent devant les Trevor qu’une fois la nuit tombée, se reposant la journée dans leurs cercueils. Tous deux semblent dotés de la capacité d’influencer psychologiquement leurs victimes. Ils n’ont enfin pas de reflet dans les miroirs. On peut s’y attendre compte tenu de l’esprit de la collection, les vampires ont autant avoir besoin du sang de leurs proies que de l’énergie érotique de ces dernières. La morsure est en effet un moment clé de la relation sexuelle entre le vampire et celui auquel il s’attaque.
Un premier volet qui adapte très librement une partie du journal de Jonathan Harker (la première partie du roman Dracula). Il y a une filiation indéniable avec le cinéma fantastique italien de l’époque (Il Vampiro Dei Carpazi est sorti en septembre 1970), dans cette vision très érotisée du texte de Stoker.