Alors que son père vient de mourir, Jimmy Sangster Jr remet les pieds à Philadelphia, ville qu’il a quittée il y a des années en arrière. Policier comme son géniteur, Jimmy tombe sur le journal de celui-ci, où il faisait état d’étranges disparitions. En s’intéressant d’un peu plus près aux dernières notes laissées par Sangster Sr, il découvre que les vampires ne sont pas qu’une légende… et que son père pourrait bien être devenu l’un deux.
Scénariste de télévision (il a ainsi officié sur The Boondocks et American Gods), Rodney Barnes s’est aventuré depuis 2017 dans le monde du comics. Il a travaillé pour Marvel (Falcon, La mini-série Lando : Double or Nothing), Lion Forge et Image Comics. Pour Killadelphia, il s’associe avec Jason Shawn Alexander, qui a déjà de belles références dans le genre horrifique – voire vampirique. Il a ainsi participé à Tales of the Slayers, à 30 jours de Nuits, et a dessiné Van Helsing: From Beneath the Rue Morgue, une mini-série dans le même univers que le film de Stephen Sommers. On a également pu le voir en action dans Damn Nation, scénarisé par Andrew Cosby. Illustrateur depuis plus de 20 ans, il a notamment été récompensé par 2 nominations aux Eisner Awards.
Killadelphia tire son titre d’un terme imaginé par la presse locale, qui souligne la criminalité élevée de la ville [ref] https://edition.cnn.com/2012/02/11/us/philadelphia-violence/index.html[/ref]. Rodney Barnes met un duo improbable aux prises avec une délinquance qui n’a rien de naturelle. Un fils et son père devenu vampire vont s’opposer à un ancien président des États-Unis, John Adams, bien décidé à venger sa réputation et à inscrire son nom dans l’histoire. La trame est ponctuée de flash-backs, qui nous ramènent notamment à l’époque des Pères Fondateurs. Le récit propose en fil rouge une réflexion sur l’Histoire des États-Unis, ses débuts et ce qu’il en reste à l’heure actuelle. Et dans le même temps, le duo père/fils est également au cœur du scénario. Cette affaire va en effet donner aux Sangster matière à travailler ensemble, et à mettre en ordre des relations passées compliquées.
Les illustrations de Jason Shawn Alexander collent parfaitement à l’histoire, entre polar, basculement post-apo et fiction surnaturelle. Le dessinateur maîtrise particulièrement les ombres dans lesquelles évoluent ses protagonistes. Son trait vif, qui lorgne parfois vers le photoréalisme, n’en est pas moins dynamique. Les cadrages sont bien pensés, et appuient à merveille les ambiances du scénario.
On apprend au fil du récit que John Adams, deuxième président des États-Unis devenu vampire, fomente une insurrection. De quoi exploiter le lien qui existe entre pouvoir de l’ombre et vampirisme. La relation que les vampires entretiennent les uns avec les autres permettra à Sargent Sr, lui-même transformé en vampire, d’avoir accès à la mémoire d’Adams. Pour le reste, les créatures ici mises en scène se regroupent en nid, qu’elles investissent à la manière de chauve-souris. Elles craignent la morsure du soleil autant qu’un pieu enfoncé en plein cœur. Il y a également l’idée qu’Adams, s’il est le patient 0 de Philadelphie, n’est pas le premier vampire, et que ces derniers possèdent en eux des pouvoirs. D’où l’existence d’un livre, indéchiffrable, qui expliquerait comment en tirer profit. Enfin, difficile de ne pas voir un clin d’oeil à la Hammer dans le nom Sangster, surtout quand le héros se nomme Jimmy.
Un comics qui pose une ambiance très réussie, à la croisée des chemins entre plusieurs genres. Si l’histoire de fond est celle d’une enquête policière dans un contexte surnaturel, la relation entre les deux protagonistes principaux, les Sangster, joue sur les relations père/fils.