Au XIXe siècle, pour les habitants de la Nouvelle Angleterre, les vampires se dissimulaient derrière la tuberculose. Pour débarrasser leurs maisons et communautés de la menace grandissante de la maladie, les familles avaient parfois recours à des pratiques ancestrales, notamment l’exhumation et la crémation partielle des corps exhumés. L’auteur et folkloriste Michael E. Bell a passé 20 ans sur les traces des histoires de vampires de Nouvelle Angleterre. Dans ce livre, il montre que la croyance aux vampires était assez répandue et, pour certaines familles, perdura jusqu’au XXe siècle. Avec humour, perspicacité et compassion, il met à jour des histoires d’hommes, femmes et enfants au bord de la tombe, persuadés d’être de la nourriture pour les morts.
Si j’avais connaissance du livre de Michael E. Bell depuis plusieurs années, d’autant que mes confrères de Vamped.org en ont largement vanté les mérites, ce n’est qu’en 2015 que je découvre finalement cet essai. Même en laissant de côté mon intérêt pour en savoir davantage sur l’affaire Mercy Brown et les autres cas qui ont déjà fait un peu parler d’eux, cet ouvrage s’est avéré également passionnant sur la manière dont l’auteur remonte à la source des histoires, et tente de séparer les faits du fantasme (et des ajouts ultérieurs). L’ensemble est rigoureusement documenté et sourcé, et propose autant une immersion dans la Nouvelle Angleterre du XIXe siècle et ses croyances qu’une passionnante enquête sur les traces des 20 cas recensés par l’auteur, collectés sur une vingtaine d’année. Michael E. Bell propose ainsi de le suivre entre les tombes des anciens cimetières du Nord-Est des États-Unis, les étagères poussiéreuses des bibliothèques et archives de la région, remontant ainsi le temps à la recherche des origines de cette résurgence surprenante du folklore occidental à l’époque de l’industrialisation.
Les vampires dont il est question ici ne sont pas les vampires de la fiction littéraire auxquels nous sommes davantage habitués. Il s’agit davantage, pour les acteurs de ces différents cas, de trouver un moyen nommer et stopper la propagation de ce qu’on appelait alors la consomption : la tuberculose. Et si la pratique la plus courante était alors, pour préserver les vivants, de déterrer les « coupables », d’en incinérer le corps (voire plus particulièrement le cœur) et de faire ingérer ou respirer les cendres aux malades, d’autres pratiques semblent également avoir eu droit de citer. Mais force est également d’avouer que si les récits d’origines ne font pas état de morts qui se relèvent pour directement attaquer leurs proches, la tradition orale a peu à peu vu le mythe fictionnel pénétrer ces histoires, et faire état de morsures apparentes. En remontant aux sources écrites de l’époque, l’auteur veille à revenir aux sources de l’histoire, retraçant la chronologie des décès et des exhumations.
Pour qui s’intéresse aux vampires au sens large, le livre de Michel E. Bell est un indispensable. Prenant comme source la vingtaine de cas de vampirisme identifiés dans la Nouvelle Angleterre du XIXe siècle, l’auteur questionne les pratiques, les origines et les survivances d’affaires qui rappellent fortement l’hystérie vampirique est-européenne du XVIIIe siècle. Passionnant de bout en bout !