Alors qu’il vient d’achever la trilogie du Parrain, Francis Ford Coppola a la surprise d’être recontactée par Wynona Rider, qui lui soumet le script d’un Dracula imaginé par James V. Hart. Intrigué et peu à peu séduit par le projet, Coppola réalise plusieurs storyboards, organisant des lectures du texte de façon à chercher comment s’approprier cinématographiquement le récit de Stoker. Ouvrant son analyse par sa découverte du film et l’origine de son intérêt pour les vampires, Anna Berra propose en une centaine de pages une exploration scène par scène de Bram Stoker’s Dracula.
Le Dracula de Coppola fait parti de mes longs métrages fétiches, comme film de vampire autant que comme adaptation du roman de Stoker. L’esthétique baroque du film, l’utilisation de SFX à l’ancienne, la musique hypnotisante de Wojciech Kilar ont laissé une trace indélébile sur les rétines du jeune garçon que j’étais. Fut un temps, je regardais l’ouverture du film et ses ombres chinoises chaque week-end. Quand j’ai eu l’occasion de travailler à ma première conférence autour des vampires au cinéma, je n’ai pas eu beaucoup de mal à faire au long-métrage de Coppola une place de choix. Les allusions que fait le réalisateur à l’histoire de son personnage sur grand et petit écran, autant que sa manière de convoquer le 7e art dans ses subterfuges, font d’emblée de Bram Stoker’s Dracula une œuvre de synthèse, et un pivot pour les amateurs du genre.
L’ouvrage d’Anna Berra détaille le film scène par scène, offrant de multiples mises en parallèle avec la genèse et les aspects techniques, musicaux et sonores. L’analyse permet également de découvrir les sources d’inspirations visuelles de Coppola, tout en ancrant son Dracula dans l’histoire du vampire de fiction, notamment dans le cinéma via l’article d’Enrico Giacovelli, « S’il te plait, mords-moi dans le cou… ». À ce titre, le livre propose de nombreuses pistes d’exploration. Pour autant, j’avoue être un peu frustré à la fin de ma lecture. Il n’y a aucun sourcing des différents éléments donnés dans le texte, que ce soit au niveau des choix techniques, des clins d’œil et influences. En se focalisant trop sur le découpage du film et chacune de ces scènes, l’autrice accorde peu de place à la signification du métrage dans la carrière de son réalisateur. Elle fait également peu cas du scénario original, qui voit pourtant le jour dès les années 1970.
J’attendais beaucoup de cet essai, sur lequel j’ai néanmoins mis beaucoup de temps à me pencher (il est sorti en France — c’est une traduction de l’italien — en janvier 2021). Comme première approche analytique après visionnage du film, il a le mérite de passer en revue l’ensemble des scènes du métrage. Pour autant, il lui manque selon moi une vraie chronologie de la genèse du Coppola et de ses retombées.