Aujourd’hui comme hier, le vampire fascine, interroge ou rebute. Qu’y a-t-il donc dans cette créature qui excite autant l’imagination des hommes ? Comment se fait-il qu’en 2011 les histoires de vampires (à commencer par Twilight) aient toujours autant de succès ? Plus d’un siècle après la parution de Dracula de Bram Stoker, après des centaines de films, de romans, d’épisodes de séries télévisées, de chansons, de bandes dessinées et même de jeux vidéo et de comédies musicales, n’a-t-on pas dit tout ce qu’il y avait à dire sur le sujet ? Le but de cet ouvrage est d’explorer, de tenter de comprendre ce qui se cache derrière ces histoires de vampires, d’en révéler les clés, les clichés, les symboles et le sens, d’en exposer les implications idéologiques et culturelles, pour aller au-delà du mythe…
Succès du thème oblige, les essais et ouvrages encyclopédiques sur les vampires pullulent depuis quelques années. A part quelques rares exceptions, je n’étais pas parvenu jusque-là à trouver un texte aussi documenté et exhaustif que La fascination des vampires ou encore Sang pour sang, de Jean Marigny. Deux ouvrages certes différents mais qui abordaient de manière détaillée (en plus d’être écrits par LE spécialiste français du sujet) le mythe, de ses origines à son évolution en tant que figure littéraire et cinématographique.
Cet a priori dépassé, et alors que je viens de refermer la dernière page du livre de Marjolaine Boutet, je ne peut qu’avouer avoir été impressionné par la qualité du livre en question. Extrêmement bien documenté, analytique sans pour autant être rébarbatif, cet essai offrira des perspectives intéressantes à tout passionné du sujet (je n’ai pour ma part eu de cesse d’y prendre des notes pour mettre à jour ma conférence). Car l’auteur n’a pas fait les choses à moitié. En plus de revenir sur les fondements du mythe, à la fois au niveau mythologie et folklorique, elle décrypte la manière dont le vampire est peu à peu devenu une icône culturelle, détaillant les raisons possibles de ce sujet, depuis la simple matérialisation des tabous jusqu’à l’application de la psychanalyse à la créature.
Si les lecteurs déjà rompus au sujet n’apprendront pas forcément grand-chose concernant l’apparition du vampire (et de ses ancêtres), l’amateur désireux de comprendre pourquoi la créature n’a de cesse de revenir cycliquement dans notre imaginaire sera comblée. La place de la femme vis à vis du mythe, les interconnexions entre le vampire et la religion, la société, la morale, etc. autant de sous-thème qui sont un à un décortiqués, à travers de nombreux exemples, l’auteur s’appuyant en partie sur des ouvrages anglophones assez récents, ce qui permet d’ouvrir de nouvelles perspectives sur l’actualité du vampire (la littérature didactique sur le sujet ne courant pas forcément les rues outre-atlantique). Tout en ne se cantonnant pas à la production mainstream sur le sujet, étant donné que des oeuvres anecdotiques (par exemple les films pornographiques sur le sujet) servant de matériau d’étude.
On ne se limite pas ici à une seule forme du vampire, mais bien à l’ensemble de ses formes, depuis la Lamia antique jusqu’aux derniers sex-symbol issus de la paranormal romance. Comment en est on passé de l’un à l’autre ? Qu’est-ce qui explique l’évolution du mythe au fil des siècles ? En quoi les caractéristique du vampire reflètent-elles nos envies autant que nos rejets ? Un ouvrage qui a donc le mérite de montrer le vampire comme une créature au multiple visage qui, au lieu de rester figé dans son état initial, a su s’adapter aux évolutions de la société.
Un ouvrage aussi documenté que bien écrit, qui permet d’approfondir le sujet sans pour autant sombrer dans une complexité inabordable. Un ouvrage à conseiller, sur lequel je ne déplorerait qu’un seul bémol : l’orthographie de Stoker, qui se voit affublé du c habituel, mais -heureusement- uniquement dans la préface, ce qui ne décrédibilise aucunement le travail de l’auteur.