Sous-titré « Une étude des vampires de fiction à travers les médias », ce copieux essai d’Andy Boylan est un passage en revue des caractéristiques de la figure du vampire à travers la littérature et le cinéma. L’auteur, qui tient depuis des années le site Taliesin meets the vampires, où il chronique majoritairement tous les objets filmiques qui lui tombent sous la main, pour peu qu’ils se frottent au thème des buveurs de sang, analyse en s’appuyant sur un corpus extrêmement vaste la manière dont la fiction a su modeler une entité qui puise ses sources dans le folklore.
Si le présent ouvrage date de 2012, et mériterait donc une mise à jour compte tenu de très nombreuses nouveautés qui ont été publiées et produites entre-temps, il n’en demeure pas moins une somme de connaissance rare sur le sujet. L’auteur fait davantage que citer des extraits et élaborer une chronologie : il met en parallèle les constituantes du mythe, et y montre la filiation ou les ruptures. Andy Boylan pointe ainsi les livres ou films où sont apparues les caractéristiques majeures qu’on rattache au vampire, ne négligeant ni la poésie romantique, ni les classiques romanesques (majoritairement Dracula, Carmilla et Le Vampyre, mais aussi La Morte Amoureuse, La Baronne Trépassée…), ni les variations autour du sujet (faux-vampires, etc.), ni les genres de l’imaginaire qui ont joué avec la créature (SF,…).
L’auteur explore pour cela en détail les textes, débusquant les allusions, croisant les références, revenant au folklore (il s’appuie pour cela autant sur des spécialistes récents, que sur les ouvrages de Dom Calmet ou Montague Summers). Se faisant il montre comment s’est opérée la modélisation du vampire de fiction, à partir (mais pas que, loin s’en faut) des légendes. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que de très nombreuses caractéristiques aujourd’hui acquises (la cape, l’impossibilité de supporter les rayons du soleil, les canines, le fait de devoir dormir dans sa terre natale, etc.) ne l’ont pas toujours été, voire ont connu une réelle évolution au fil des livres et films. Reste que pour ce qui est de fixer les éléments qui caractérisent le mieux le vampire, c’est bien le cinéma qui aura été le plus influent.
L’un des autres points marquants de l’essai d’Andy Boylan, c’est aussi de ne pas se limiter (pour le cinéma, surtout) à des oeuvres attendues. L’auteur, ayant à sa disposition un corpus extrêmement vaste, puise certes dans les classiques (les Dracula de Tod Browning, Terence Fisher, John Badham, Francis Ford Coppola, la trilogie Karnstein de la Hammer,…) mais aussi dans des oeuvres moins évidentes (The Breed de Michael Oblowitz, la série Ultraviolet, L’Île des morts de Mark Robson), voire certains films où le thème du vampire n’est abordé que par la bande (La Maison Nucingen de Raoul Ruiz).
Pour celui qui cherche à comprendre l’influence de la littérature comme du cinéma sur la constitution de la figure du vampire telle qu’on la connaît aujourd’hui, difficile de faire plus complet que The Media Vampire. Si l’on peut regretter qu’il n’y ait pas eu de mise à jour depuis sa première édition, l’ouvrage reste un incontournable.