Le vampire, créature immortelle surgie des cimetières et figure de proue de l’imaginaire gothique semble appelé à ne jamais totalement se faire oublier, resurgissant régulièrement en littérature, au cinéma… Entre base historique et basculement vers la fiction, Edouard et Stéphanie Brasey proposent un ouvrage en cinq parties, balayant les origines du mythe, les principaux types de vampires (entre folklore et goût maladif pour le sang), pour s’achever par ce qui se présente comme la bible des créatures de sang, constitué de leur calendrier et des testaments des principales figures.
Ce n’est pas la première fois qu’Edouard Brasey se penche sur le berceau des vampires, le Pré aux clercs ayant auparavant publié son Traité de vampirologie. C’est d’ailleurs l’ombre de ce dernier qui plane sur une bonne partie du contenu de cette bible des vampires, qui reprend un certain nombre d’éléments de ce livre précédent, jusqu’aux extraits cités (ce qui est surtout marquant dans la première partie de l’ouvrage, consacrée aux origines). Pour autant, il y a ici davantage de cohérence au niveau de l’intégration des textes annexes, qui sont introduits par le paratexte plutôt que d’être rassemblés en annexe.
Reste que j’ai toujours un problème avec ces ouvrages qui mélangent l’ancrage historique et folklorique avec une grosse part de fiction (qu’on retrouve dans une large partie des ouvrages français sur le sujet), ressassant les mêmes éléments. Si c’est avant tout la manière dont les auteurs s’approprient la figure du vampire qui est au cœur de mes préoccupations, force est d’avouer que je trouve en effet peu d’originalité de fond dans ces encyclopédies dont le savoir est aussi rabâché qu’à prendre avec des pincettes (dans la première partie du présent ouvrage, les auteurs se prenant eux-mêmes les pieds dans le tapis entre les premiers avatars du mythe (l’hystérie vampirique et ce qui a pu la précéder) et les caractéristiques des vampires apportés par la littérature et le cinéma.
La dernière partie du livre, dans sa majeure partie, aura également eu beaucoup de mal à me captiver. Raccrochant au mythe des fêtes de tous poils, proposant un horoscope vampirique et une liste de rituels présentés comme des éléments tirés de la gnose vampirique, ces éléments disparates ont davantage l’aspect d’une forme de remplissage qu’autre chose, car à mon sens mal intégré à ce qui précède, et bien souvent associé de manière bancale au thème du livre.
Ce n’est donc pas là que j’irais puiser l’intérêt de ce livre, qui reste une lecture agréable mais n’apportera rien à celui qui connaitrait son Marigny sur le bout des doigts. À ce titre, c’est donc davantage sur les testaments des figures de genre que j’aurai tendance à m’appesantir, car c’est davantage ici que le livre des Brasey se démarque avec la production similaire, reprenant certains personnages clés du mythe littéraire et historique (Lilith, Lucy Westenra, Elisabeth Bathory, Camilla) – uniquement des femmes – pour en faire les porte-étendard du monde de la nuit. La mère des vampires, l’une des victimes (devenue vampire) les plus connue de la littérature, l’une des figures clés ayant influencé le mythe ainsi qu’une figure littéraire pionnière, les deux auteurs semblent avoir sélectionné quatre femmes représentant quatre visions différentes du mythe. Lilith, première femme vampire mais également visage de la rébellion contre le patriarcat, voire contre l’omnipotence de Dieu lui-même. Reine des vampires et première d’entre eux. Lucy, quant à elle, personnifie la liberté de choisir et l’amour sans barrières, ce que rappelle un peu plus loin le texte consacré à Carmilla, qui s’articule autour du roman de Le Fanu et fait de Laura la seule à accepter la vampire pour ce qu’elle est. La comtesse Bathory, enfin, ramène une fois de plus à la figure de la femme de pouvoir.
À n’en pas douter, l’une des forces du livre tient aux illustrations de Pascal Croci, qui a réalisé une cinquantaine de visuels inédits qu’on retrouve au fil des chapitres, alternant décor, miniature et visuels en pleine page (voire sur deux pages), pour le plaisir des habitués du style de l’auteur. Le trait acéré du dessinateur du dyptique Dracula (publié chez Emmanuel Proust) et de l’album Elisabeth Bathory fait des merveilles ici, insufflant une ambiance gothique particulièrement léchée au texte des Brasey. Fantomatiques, oniriques, esthétiques et sensuels et en même temps cruels, les vampires auxquels Croci donne vie valent à eux seuls l’achat de l’ouvrage.