Quand il publie en 1946 son Traité sur les apparitions des anges, des démons et des esprits et sur les revenants, et vampires de Hongrie, de Bohème, de Moravie et de Silésie, Calmet recense les différentes anecdotes des décennies qui précèdent (que ce soit celles qui ont fait les titres du Mercure Galant en 1693 et 1694), les ouvrages comme La Mastication des morts dans leur tombeaux de Ranft ou Magia Posthuma de Karl Ferdinand de Schertz, voire enfin des récits comme ceux de Piton de Tournefort.
Un matériel contemporain auquel il confronte sa connaissance du Livre et de la vie des saints, l’œuvre qui a fait sa renommée étant Commentaires sur l’Ancien et le Nouveau Testament, publié en 26 volumes en latin puis en français. Se frottant au thème des vampires, particulièrement en vogue à l’époque (les affaires Paole et Plogojowitz ayant alors à peine vingt ans), l’abbé érudit avait pour objectif de mettre à mal la croyance en l’existence de revenants de chair. Mais le livre manque au final de conviction, Calmet éludant de nombreuses questions qui lui posent des soucis dogmatiques. Trois rééditions permirent à Calmet de revoir son propos, et de gommer une partie des problèmes, mais le mal était fait.
Difficile de proposer, plus de 200 ans après sa publication, une chronique et une note sur cet ouvrage, tant il pèse sur la production littéraire qui se rattache au thème du vampire. Calmet condense un un seul ouvrage un ensemble d’anecdotes sans précédent sur le sujet, puisant dans les publications passées comme dans les vies des Saints, dont il est un spécialiste. Si le manque de sources fiables apparaît vite comme problématique aux yeux du lecteur, la double casquette de l’auteur érudit mais membre du clergé, le condamne à s’enfermer dans un engrenage complexe : comment s’opposer à certains éléments constitutifs du mythe du vampire (la conservation des corps post-mortem) quand ils sont en contradiction avec la religion catholique chrétienne, qui voit en eux une preuve de sainteté ? D’autant que si le pape de l’époque de Calmet, Benoit XIV, condamnait l’existence des vampires, l’un de ses prédécesseur, Innocent VIII reconnaissait leur existence et celle des revenants depuis 1484…
C’est l’absence d’affaires vampiriques en France et dans la plupart des pays frontaliers qui va venir en aide à Calmet, ce dernier s’appuyant sur le contexte géographique et géopolitique pour pointer des croyances issus de régions peu civilisées, basées sur un manque de connaissance scientifiques (la conservation des corps en raison de la chimie des sols, etc.). Reste que le choix de ce sujet a de quoi surprendre pour une personnalité telle que l’auteur, ce qui lui valut les critiques de ses contemporains (la pique de Voltaire contre la Dissertation est un des éléments connus de l’Encyclopédie).
Dense mais particulièrement composé de bric et de broc, la Dissertation de Dom Augustin Calmet est un texte indispensable pour qui s’intéresse aux racines folkloriques du vampire, et cherche à comprendre comment une créature issu du folklore est devenu une figure de fiction aussi incontournable. Pour autant, l’auteur se perd dans la diversité des affaires rapportées, autant pour l’éloignement d’une part de ces dernières avec la base de soin travail que pour le manque de source concrète, la plupart des éléments rapportés étant de seconde main, voire pire. Il y a cependant ici, de manière sous-jacente, toutes les constituantes du vampire, que ce soit la manière dont il évolue hors de la tombe comme les moyens d’en venir à bout.