Une jeune femme arrive chez devant le château de La Comtesse, apparemment par hasard. Mais elle est en réalité la dernière d’une longue liste de prédécesseurs, dont aucun n’est revenu. Car La Comtesse est une créature dangereuse, aussi intelligente qu’avide de sang. L’héroïne, bien décidée à exterminer cette menace, parviendra-t-elle à ses fins ? Ou bien le pouvoir de séduction de La Comtesse prendra-t-il une nouvelle fois le dessus ?
Il aura fallu que l’ami Andy Boylan me mentionne en relayant sa chronique du présent album pour que je me décide à l’acquérir. Quelques recherches sur la dessinatrice et scénariste m’ont permis de découvrir qu’elle s’est fait connaître à travers le web avant d’être finalement édité en album. Son premier projet, His Face All Red, montrait déjà un certain attrait pour l’horreur.
Le récit met en scène deux personnages, même s’il est question d’autres protagonistes. Mais ces dernières ne sont mentionnées que dans les échanges par la Comtesse et l’héroïne ainsi que dans les textes qui font office d’intermédiaires, et se présentent comme des fables. C’est le jeu de chasse à la souris, matinée de séduction, qui débute dès que les deux femmes se font face. L’une, celle qui franchit le seuil du château, est dotée d’un visage félin, l’autre possède un visage humain, sous lequel affleure une certaine avidité, pour ne pas parler de monstruosité. Il y a donc deux prédations qui s’opposent, entre celle qui vient tuer et celle qui — on le déduit — a déjà tué. Comme le souligne les argumentaires sur la quatrième de couverture, il y a aussi une approche très Alice au Pays des Merveilles (un comble quand on s’appelle Carroll), dans l’exploration du château par la jeune femme-chat, et l’ouverture successive de portes qui en résulte.
Difficile de décrire cet album, et de le classer tout à fait. On pourrait parler de bande dessinée, mais il s’agit plus d’un ouvrage hybride, qui alterne planches traditionnelles, texte en pleine page, puis intégré en regard de l’image. Le style graphique mêle réalisme (la Comtesse) avec des rendus très anthropomorphiques (la femme chat, la sirène, etc.). L’album est en noir et blanc, à l’exception du rouge, utilisée en contrepoint dans l’ensemble de l’album.
L’idée de la baignoire (même si rien ne permet d’affirmer qu’elle contient du sang) renvoie d’emblée à La Comtesse Bathory. Mais dans les jeux sur l’animalité du personnage, il y a également l’héritage du Carmilla de Le Fanu (la métaphore féline apparaît de nombreuses fois dans le roman). Enfin, il y a bien évidemment la morsure, qui revient plusieurs fois dans la trame, dans des scènes qui flirtent avec un homoérotisme qui en appelle là aussi au livre de Sheridan Le Fanu.
When I Arrived at the Castle est un texte court difficile à résumer sans divulguer trop en avant son intrigue. Mais l’ambiance, le dessin, les jeux entre le fond et la forme en font un récit illustré chaudement recommandé.