Durant son enfance, Dracula était le premier élève de la classe de Madame Stoker. Mais ses capacités intellectuelles associées à sa différence en ont très rapidement fait le souffre-douleur d’une petite bande d’enfants, bien décidés à ne lui laisser aucun répit. Jusque-là, le petit vampire est parvenu à taire ces problèmes, jusqu’au jour où il lance une cinglante répartie à ses jeunes tortionnaires. La correction qui s’en suivra va faire craquer Dracula, qui révèlera enfin à son père les brimades dont il fait l’objet.
Ce n’est pas la première fois que Dracula enfant devient un personnage de BD jeunesse. D’autres enfants vampires ont déjà croisé notre chemin, tels que le Petit Vampire de Sfar ou le Hipira de Otomo. Mais Loïc Clément et Clément Lefèvre ont une approche différente : plutôt que de mettre en scène le petit vampire dans un univers bien à lui, ils choisissent de l’intégrer dans notre monde, et d’utiliser les différences entre le jeune vampire et ses camarades de classe pour aborder le thème du harcèlement scolaire.
Le scénario, parsemé de quelques touches d’humour et de clins d’oeil que les amateurs du genre apprécieront, est très fin dans sa mise en scène du sujet. Il parle de l’incapacité des victimes à s’ouvrir à leur proche, et à dépasser leurs différences pour s’affirmer face à leurs tortionnaires. Le scénariste montre les enfants qui ont pris Dracula en grippe utiliser ce qu’ils savent de lui, autant pour s’en moquer que pour le torturer au quotidien. C’est donc une utilisation intelligente et assez inattendue du personnage, qui devient ici la victime.
Le dessin est vraiment très réussi, à l’image de cette splendide couverture qui montre Dracula sur le dos de sa chauve-souris. Les couleurs pastels jouent également beaucoup sur l’ambiance de l’album, notamment dans les oppositions entre la vie de Dracula au manoir et à l’école. L’ensemble m’a fait penser à Hipira, dont je parlais un peu plus tôt dans la chronique.
En ce qui concerne les vampires, on suit donc Dracula durant sa vie quotidienne. Doté de pupilles rouges et de grandes dents, il porte déjà les caractéristiques majeures des siens, dont il partage les faiblesses. Le petit vampire est ainsi privé de sport, en raison de la fragilité de sa peau face au soleil. Il craint aussi l’ail et l’eau bénite. Il vit avec son père (un vampire âgé de 3000 ans), depuis le décès de sa mère, dans un manoir peuplé de fantômes. Les auteurs ont également intégré des clins d’oeil au roman original. La maîtresse de Dracula s’appelle Stoker, et l’une de ses rares amies s’appelle Mina. À l’image d’Edward Cullen, son père est végétarien. On notera enfin plusieurs des affiches des Dracula de la Hammer en ouverture de l’album. Et une galerie de portraits de vampires célèbre, dont Carmilla, Lestatate et Edward Cuculen en fin de volume.
Un très bel album, qui aborde intelligemment, en détournant la figure du vampire, un thème relativement difficile : le harcèlement scolaire. Très fin dans son approche, le tout servi par un dessin très réussi (à commencer par la couverture), voilà un opus que tout amateur de bêtes à crocs ouvert d’esprit se doit d’inclure à sa bibliothèque.