La collection Esprit XVIIIe donne à lire des textes plaisants et variés reflétant le délicat raffinement du Siècle des lumières. À cette époque, on peut s’étonner de voir encore autant de récits relatant surgissements de revenants, apparitions diaboliques ou procès en sorcellerie. Les superstitions sont bien ancrées, le merveilleux et l’horrible se conjuguent pour alimenter l’imagination. C’est à la fin du XVIIIe siècle qu’apparaissent les fameuses légendes autour des vampires grecs, moldaves ou hongrois qui donneront plus tard naissance aux mythes de Dracula et de Nosferatu. Heureusement les philosophes raisonnent, les encyclopédistes défont les supercheries, Voltaire veille et ironise…
Lorsqu’on prend le livre en main, la première chose qui saute aux yeux est la qualité de finition dont l’ensemble a fait l’objet : tranche dorée, format poche pratique avec une couverture rembourrée, esthétique qui colle parfaitement à l’esprit XVIIIe dans lequel il s’inscrit… On peut dire que Diables & Vampires est un ouvrage des plus agréables à découvrir. Le souci du détail se ressent jusque dans la mise en page de bon goût qui évoque les grimoires d’antan. Les répliques de gravures d’époque ainsi que les dessins N&B, qui agrémentent abondamment ce périple aux frontières du mystérieux, achèvent de nous plonger dans une atmosphère de lecture idéale.
Au niveau du contenu, Diables & Vampires puise ses sources au sein de diverses références telles que le Dictionnaire Infernal, Histoire du diable, Questions sur l’encyclopédie ou les travaux de Dom Augustin Calmet pour ne citer qu’eux. On perçoit au fil des sujets que les auteurs ont sélectionné avec grand soin les témoignages, réflexions et extraits pour élaborer cette parution consacrée aux domaines de l’occulte. Les anecdotes mises en lumière vont des plus sérieuses au plus farfelues, mais étayent toujours avec justesse les thèmes abordés. Le livre compile ainsi une succession de rapports et d’extraits touchant aussi bien les créatures fantastiques que les phénomènes les plus inexplicables. Ces approches sont le plus souvent succinctes, mais ne sont pas avares en surprises.
Stryges et vampires font bien sûr partie des nombreux êtres maudits qui reviennent régulièrement en cours de lecture. Les buveurs de sang ont notamment fait l’objet de réflexions de la part de Voltaire qui, non sans ironie, les mets en parallèle avec les profiteurs humains et bien concrets de son temps. Une assimilation qui permet au philosophe de relativiser les craintes et les débordements engendrés par la croyance vampirique. Voltaire parle également des origines des morts-vivants issues de la Grèce chrétienne schismatique ou encore, décrit l’exécution d’un vampire à Belgrade dans un contexte empreint de superstitions. L’ouvrage aborde également les cas de lycanthropie, la magie et la sorcellerie, les possessions et exorcismes de Loudun, les apparitions…
Et c’est justement grâce à son côté atypique et imprévisible que Diables & Vampires marque des bons points. Les témoignages recueillis, extraits encyclopédiques et anecdotes, peuvent se révéler aussi bien inquiétants qu’insolites. Car si le livre fait la part belle aux vampires et influences diaboliques, il parvient dans un même temps à accorder une place à des sujets aussi surprenants que la formule « Abracadabra », sur les énergumènes, sur l’impossibilité de faire du beurre en récitant le psaume nolite fieri à rebours… Autant d’exemples qui prouvent combien Sophie Lefay, Maguy Ly et Nicole Masson ont eu à cœur de diversifier un ouvrage qui prend des allures de dictionnaire de poche à la conception sans reproche.
L’intérêt de Diables & Vampires tient donc surtout à l’éclectisme de ses sujets. Ces derniers ne sont généralement que survolés, mais parviennent toujours à capter l’attention du lecteur, à le faire réfléchir ou sourire. Lecteur qui ne manquera pas d’admirer au passage les illustrations qui accompagnent les articles. Surtout, ce livre très minutieux dans sa conception, pertinent grâce à des penseurs tels que Diderot ou Voltaire qui se dressent face à l’obscurantisme, se destine à un large public. Inutile d’être un expert pour l’apprécier. Ludique, les amateurs de ce type d’ouvrages comme les néophytes y trouveront un vrai plaisir de lecture. Les plus curieux ne seront pas lésés pour peu qu’ils s’intéressent aux maléfices, manifestations sataniques, vampires et lutins… Un ouvrage de la collection Esprit XVIIIe des plus sympathiques sur lequel on revient avec plaisir et conseillé à toutes les bibliothèques vampiriques.
Merci infiniment pour cette lecture attentive et bien veillante ! Je suis ravie que des spécialistes y trouvent leur compte.
Bien à vous
Un des trois auteurs (NM)