L’Étreinte de glace est le troisième recueil que consacre Jacques Finné aux autrices victoriennes, et à leur importance dans la fortune littéraire de la ghost story. L’essayiste et traducteur propose une nouvelle fois une sélection de son cru, qui se propose de mettre en lumière des femmes auteurs tombées totalement dans l’oubli malgré une production impressionnante à leur époque, ou plus simplement des textes moins connus de nouvellistes qui ont conservé une certaine notoriété (Mary Elizabeth Braddon). Le résultat ? Un recueil de huit textes de tailles variables (dix pages pour «La Femme et la Mort», soixante-quatre pour «Le Portrait»), qui jouent avec les phénomènes de hantise. Car les textes de ce recueil, Finné le concède lui-même en postface, abordent leur sujet de manière moins classique, jouant sur les ambiances ou les manifestations, voire distillant le doute quant à la teneur réelle de ce qui s’y passe.
D’un point de vue purement personnel, je dois avouer avoir succombé une nouvelle fois à la plume de Braddon, dont le «Good Lady Ducayne» est un classique dans l’histoire du vampire littéraire. Son «Étreinte de Glace» a des côtés très classiques, étant donné qu’il y est question d’une vengeance par-delà la mort. Pour autant, le contexte aidant, on est aussi en droit de se demander si ce n’est pas tout simplement le remord qui anime le protagoniste. À noter que par certains aspects, le texte me renvoie également à l’anthologie des Colliers parue aux Éditions Otrante. L’importance du bijou (qui joue le rôle de révélateur), ajouté aux assauts successifs de l’entité n’y sont sans doute pas pour rien.
«Dormir… rêver peut-être» de Mrs. Henry (Ellen) Wood est également un bon cru de ce recueil. On y est certes dans les codes de la maison hantée, mais jamais le lecteur n’aura le fin mot de l’histoire sur l’origine de la hantise ni sur le pourquoi de ces manifestations. Quelques pistes, tout au plus, mais rien de réellement tangible, en dehors de l’absence de sommeil qui touche ceux qui osent dormir dans une certaine chambre. Surprenant et très original dans son approche.
Mais le cœur du recueil, pour ce qui nous intéresse, amateur de vampires, c’est à n’en pas douter le dernier texte : «La Pavillon». A la suite d’un pari, deux jeunes hommes vont faire face à l’irrationnel. Rivalité amoureuse, bienheureux hasard (ou pas) et entité séculaire sont de mise dans ce texte qui préfigure, des années avant, «La Guerre du Lierre« de David H. Keller. Car oui, il s’agit bien là d’une entité vampirique, mais d’obédience végétale. De fait, on joue dans les codes classiques, avec l’idée d’une demeure séculaire autour de laquelle courent certaines légendes, mais la réalité dépassera la fiction dans une direction pour le moins inattendue. A noter qu’Edith Nesbit, qui en est l’autrice, est à l’heure actuelle essentiellement reconnue pour ses ouvrages pour enfants.
Une nouvelle fois, la sélection de Jacques Finné ne démérite pas dans ce recueil. L’ensemble est augmenté de biographie des différentes autrices (un ajout qui est parfois aussi intéressant que les textes eux-mêmes) et d’éléments concernant leurs biographies. Chaudement recommandé !