Devenue une sépulchre, Célyna, qui a pris le pseudonyme d’Heartbreaker, a mis un terme à l’existence du magnat François-Donation Lemarquis, tout en mettant la main sur une fiole censée contenir le sang du Christ. Ce faisant, elle attire sur elle l’attention du Clan des Arcanes, une faction de sépulchres bien décidés à s’approprier l’artefact. Même si pour cela ils doivent s’en prendre au seul lien que Célyna conserve avec l’humanité : Adam, désormais repenti.
Voilà 3 ans qu’on n’avait pas eus de nouvelles d’Heartbreaker, chasseuse de vampire qui a vu le jour dans le 6e opus de Doggy Bags, série phare du label 619. À ce jour, il s’agit donc du deuxième spin off de la série mère, après South Central Stories en 2014. Ici, les auteurs proposent une suite directe de l’opus qui marquait la naissance de l’héroïne, et s’inscrivent dans la ligne directe des 3 premières histoires consacrées à l’héroïne. On reprend donc le fil juste après la mort de Lemarquis, et la récupération du Sanguis Christi.
Alors que Run signait (en duo avec Céline Tran) l’ensemble des scénarios des 3 récits d’origine, il est secondé pour cette suite par Hasteda et Tran, chacun ayant une histoire à sa charge. La première d’entre elles met l’héroïne aux prises avec une faction sépulchre décidé à récupérer le sang du christ. Les deux secondes, davantage reliées l’une à l’autre, introduisent des sépulchres ayant régressé à un stade quasi-animal, et flirtant à ce titre avec le zombie. Le fil conducteur principal est bien évidemment Heartbreaker/Célyna, bien décider à se débarrasser d’un maximum de sépulchres, tout en évitant que les chefs des familles de ces buveurs de sang ne mettent un terme à sa croisade. Pour autant, les dernières pages du récit vont quelque peu changer la donne, en faisant disparaître un personnage-clé et en remettant en face à face la sculpturale chasseuse et son créateur.
Pour ce qui est du dessin, les crayons sont tenus successivement par Sourya Sihachakr, Chariospirale et Maria Llovet. Trois auteurs qui prennent donc la suite de Jérémie Gasparutto, Florent Madoux et Guillaume Singelin. La première n’est pas une inconnue pour les amateurs du label 619, vu qu’on lui doit la partie graphique de rouge, spin off de Freaks Squeale. Et force est de constater qu’elle domine nettement l’album. Son style est dynamique et homogène, moins sombre que ceux des deux autres dessinateurs qui lui succèdent, mais ne lésine pour autant pas sur l’hémoglobine, respectant les codes très grindhouse posés depuis le premier récit consacré au personnage. Chariospirale a un dessin beaucoup plus foutraque, mais qui ne manque pas de charme. Les personnages y ont une approche graphique moins réaliste (mais le respect des détails permet sans souci de retrouver ses petits), qui donne un côté plus grand guignol à son histoire. Si je trouve que tout n’est pas homogène d’une case à une autre, c’est le récit que je préfère du point de vue de la colorisation (et il y a de très bonnes choses d’un point de vue graphique). À noter que le dessinateur a déjà travaillé pour le label, sur le tome 7 de Doggy Bags. Enfin, Maria Llovet vient clore ce recueil avec la dernière histoire. Son trait a une approche plus comics des années 80, un poil figée, mais plus homogène, avec une mise en couleur plus classique. Néanmoins, elle ne démérite pas pour une première participation aux productions du Label 619.
En ce qui concerne les vampires, rappelons que dans l’univers de Heartbreaker, ces derniers se nomment eux-mêmes sépulchres. Ils possèdent néanmoins les caractéristiques classiques des vampires que nous connaissons (l’immortalité – par leur résistance à la plupart des armes – , la soif de sang et une vie tournée vers la nuit). On apprendra que certains des clans ont infiltré le Vatican. On découvrira également que l’absorption de sang dégradé (par exemple mélangé ou coupé avec d’autres liquides) fait muter les sépulchres, les transformant peu à peu en des créatures à la limite du zombie. De vrais drogués en manque, à l’affût de la moindre dose, que voient d’un mauvais œil les pointes des différentes familles, beaucoup plus précieux dans l’accomplissement de leurs besoins (ils recherchent par exemple des sangs rares, qu’ils consomment comme des cuvées de grands crus).
Un retour inattendu pour le personnage, qui ne voit pas le niveau baisser vis-à-vis du premier opus, tout en offrant de la visibilité à de nouveaux auteurs. On apprécie, à nouveau, les pages plus textuelles qui entrecoupent les récits, même si elles sont moins riches et fouillées que dans le tome d’origine. À noter, enfin, des montages plus photographiques, qui en appellent aux clips tournés pour le premier opus, qui viennent également s’intercaler. Ces inserts ajoutent à l’optique grindhouse du titre, car (notamment) très influencés par les films récents du duo Tarantino/Rodriguez. En espérant une suite prochaine, qui ne nous fasse pas mariner pendant 3 ans. Le revirement des dernières pages appelle en effet une suite qu’on attend de pied ferme !