La préface écrite par Jean Marigny donne le ton en guise d’ouverture à cette anthologie recelant quelques jolies surprises. Les femmes vampires est un ouvrage qui a pour objectif avoué de mettre à l’honneur la place de choix tenue par la gent féminine au sein de la littérature vampirique, et ce depuis ses balbutiements. L’introduction proposée par Jean Marigny fait la lumière sur l’étroite relation de la femme avec la figure du vampire au cours des siècles. Pour cela, il évoque notamment une abondance d’œuvres aussi bien romanesque que cinématographique, sans oublier des personnalités réelles ayant également été assimilées au mythe.
Cinq nouvelles sélectionnées par Jean Marigny et Jacques Finné, traducteur de la majeure partie d’entre-elles, s’inscrivent dans un style résolument classique. Cependant, ces dernières n’en restent pas pour autant dénuées de charmes et de frissons, loin s’en faut.
À seigneur tout honneur, commençons le tour d’horizon du sommaire succinct mais néanmoins copieux par les deux histoires qui sont inédites sur le territoire français. Chacun des textes est agrémenté par une présentation de Jacques Finné qui précise certains détails sur l’œuvre concernée : son auteur, ses conditions de publications, les thèmes abordés…
Un mystère de la campagne romaine, nouvelle inédite donc, écrite par Anne Crawford, relate l’effroyable péripétie d’un jeune compositeur d’opéra. À la recherche d’une retraite tranquille, celui-ci pense avoir trouvé son bonheur dans une villa isolée dans la campagne romaine. Le malheureux va en réalité tomber sous le joug malfaisant de la maîtresse des lieux sans que ses amis ne puissent rien faire pour le sauver. L’histoire pose un cadre dépaysant et se dévore de la première à la dernière page bien que la vampire de l’intrigue distille ses apparitions à doses homéopathiques. L’un de mes récits favoris de l’ouvrage.
La seconde nouvelle inédite a pour titre La bonne lady Ducayne, de Mary Elisabeth Braddon. Peut-être l’œuvre la plus originale de l’anthologie, dans le sens où elle prend un visage inattendu. Loin des canons habituels de la vampire gothique, les étranges mœurs de la richissime Lady Ducayne s’inspirent sur la forme de celles d’une certaine comtesse Báthory. L’histoire et son style narratif sont agréables bien que le suspens puisse paraître par moments monotones, voir éventé.
Laisse dormir les morts, la seconde nouvelle ayant ma préférence, est la seule pour laquelle Jacques Finné ne se soit pas chargé de la traduction. On y retrouve un riche seigneur qui jette le malheur sur les siens et sur sa descendance en arrachant du tombeau son amour défunt. Le style gothique de ce récit à la fois morbide et poétique touche au sublime. C’est dans une atmosphère désuète et délicieusement macabre que le lecteur suit la déchéance de Walter, puissant seigneur de Bourgogne.
Le baiser de Judas met quant à lui en scène le gentleman Hippy Rowan. Aux prises avec un des mystérieux Enfants de Judas qu’il a offensé dans un train, ce colonel Britannique immunisé contre le sentiment de la peur va découvrir à ses dépends la réelle signification du mot frayeur. L’histoire est plaisante à lire, le suspens se veut plus prononcé que dans les autres nouvelles. Ce récit qui fait la part belle à la vengeance reste toutefois celui qui m’a le moins marqué. Peut-être parce que je n’ai pas su m’immerger dans l’ambiance de cette aventure qui n’en reste pas moins intéressante à découvrir.
Car la vie est dans le sang est la seule histoire de l’anthologie que je connaissais déjà. Deux amis intrigués par une mystérieuse silhouette fantomatique se découpant à l’horizon évoquent un insolite fait divers. Angello est un jeune homme malchanceux privé de son héritage confortable. Il devient bientôt la proie nuit après nuit de Cristina, une jeune femme assassinée dans de tristes circonstances. Cette nouvelle qui clôt l’ouvrage est loin d’être mauvaise, on peut même dire qu’elle contribue à offrir un excellent moment de lecture. Cependant, elle reste en deçà de certains autres récits figurant au même sommaire qui se hissent un cran au dessus niveau ambiances, personnages et poésie.
Avec l’anthologie Les femmes vampires, on tient donc une acquisition de choix pour les amateurs férus de nouvelles gothiques. Le livre permet de par son exhaustivité intelligente de traiter en profondeur le mythe littéraire du vampire sous les traits de la féminité. Une lecture des plus délectables pour peu qu’on soit sensible au style plein de charme des histoires fantastiques du XIXe siècle.
Quand Jacques Finné et Jean Marigny, deux spécialistes de la littérature vampirique, s’attèlent à rassembler un corpus de textes consacrés aux femmes vampires, ils ne font pas les choses à moitié !
C’est donc 5 nouvelles à la fois anciennes, rares et originales que nous proposent les deux auteurs, des textes issus du meilleur de la littérature fantastique (et donc vampirique), et qui datent du premier tiers du XIXe (pour Laisse dormir les morts !) jusqu’au tout début du XXe (pour Car la vie est dans le sang).
Le lecteur amateur d’un fantastique encore bien éloigné du carcan bitlit actuel saura apprécier les visions qu’on ces 5 auteurs du mythe du vampire, tour à tour psychique, médical (très bonne Good Lady Ducayne, sans doute la nouvelle la plus originale du recueil), fantômatique…
Le style des auteurs n’est pas toujours parfait (il accuse parfois sont grand âge), mais force est d’avouer que l’ambiance gothique est bien présente). Et force est également d’avouer que le choix des deux anthologistes n’est pas surfait. car le corpus de nouvelles ainsi sélectionné rend un bel hommage aux premières apparition de la femme-vampire dans les nouvelles du genre. Des apparition qui se font essentiellement sous le signe de la tentation, de l’envie, et bien sûr sous les auspices de l’entité bicéphale Eros et Tanathos.
Un recueil chaudement recommandé donc, qui a le bon goût de permettre au lecteur français de découvrir (pour certaines de ces nouvelles, donc c’est la première traduction dans notre langue) des textes qui offrent autant de vision de la femme-vampire.