Eros Vampire est une anthologie à thème datant de 1994 et dirigé par Poppy Z. Brite. Le sujet de ce recueil, entièrement constitué d’œuvres d’auteurs américains, aborde l’une des thématiques les plus délicates à traiter qu’il soit : le sexe et l’érotisme dans les textes mettant en scène les créatures de la nuit. L’histoire de la littérature vampirique a toujours flirtée avec une certaine sensualité morbide dans laquelle sang et séduction sont habilement employés pour décrire, avec une volupté des plus délicieuses, d’indicibles plaisirs aux parfums d’interdit.
Hélas, le goût que laisse la lecture de ce recueil est plutôt mitigé. Poppy Z. Brite explique dans son introduction qu’elle a elle-même sélectionné la majeure partie des nouvelles rassemblées dans cet ouvrage sous sa direction, seulement deux ou trois d’entre elles ayant été des textes soumis par des auteurs désireux d’apporter leur contributions au pavé. Si les histoires de Ian McDowell, de Nancy Holder ou encore de Mike Baker parviennent à tirer d’une certaine façon leurs épingle du jeu grâce au talent dont font preuve ces derniers, force est de constater que sur une grande partie des autres nouvelles, une désagréable sensation ne cesse de nous poursuivre. Le facteur érotique imbibé de scènes plus ou moins chaudes n’a-t-il pas souvent été inclus, pour ne pas dire héliporté, presque par obligation au sein de certaines histoires afin de rentrer dans les critères imposés par le cahier de charges ? Peut-être était-ce là le prix à payer pour obtenir des histoires au style littéraire qui se veulent résolument ancrées dans un esprit moderne et renvoient donc forcément les désirs et phantasmes de nos vampires avec plus… de froideur, moins d’inspiration ?
Vulgarité de bon ton, mœurs racoleuses et sentiments réduits à leurs plus simples expressions… Voilà ce à quoi se limite bon nombre des histoires qui nous sont proposées dans Eros vampire sans prendre réellement le temps d’explorer plus en profondeur les émotions des divers protagonistes. Mais alors, le lecteur qui connaît un temps soit peu les monuments que sont les œuvres d’Anne Rice, du gothisme vampirique et sans parler de la myriade d’auteurs s’escrimant à toujours retranscrire avec passion la sensualité palpable animant le vampire même dans ses actes les plus odieux, n’est-il pas en droit de se demander ce qu’il est advenu des ravissements charnels, presque mystiques, que provoquent en nous nos chers immortels ? Il semblerait en fait qu’il ait été plus ou moins relégué sur le second plan dans cet exercice de style que se sont vu imposer les auteurs. Certainement d’ailleurs que certains lecteurs trouveront leur compte dans ce recueil sans grande sensibilité mais ayant le mérite de présenter avec franchise des nouvelles ne s’encombrant d’aucune longueur ni fantaisie hédonique.
Déçu par cette compilation de récits sulfureux tirant allègrement sur la corde du vampirisme ? Oui, je l’avoue. Eros Vampire n’est pourtant pas une anthologie inintéressante, loin de là. Simplement, la rudesse et le manque flagrant de tact de certaines nouvelles aux histoires redondantes manquent cruellement de charme et ne le destinent pas aux inconditionnels des chroniques ambiguës de Lestat ou du saphisme de Carmilla qui, inévitablement, ne pourront qu’être déçus. Heureusement, l’originalité de textes tels que La dernière fête d’Abba Adi, sanglant, dérangeant et baignant dans une ambiance mille et une nuits des mieux retranscrite, relèvent suffisamment le niveau pour ne pas nous faire regretter entièrement la lecture de ce recueil en demi-teinte mais somme toute distrayant par certains côtés.