Ce nouvel essai de Marc-Louis Questin s’accompagne d’une anthologie de textes sombres et insolites. Les vingt-trois contes et nouvelles de ce livre, mêlant fiction et réalisme, ésotérisme et fantastique, alternent avec des réflexions originales et sérieusement documentées sur les thèmes sulfureux de la démonologie, des loups-garous et des vampires. Le monde des fantômes et des apparitions est aussi étudié par l’auteur qui donne la parole à différents témoins de ces phénomènes. Au travers de ces récits étranges, le lecteur est appelé à s’interroger sur la réalité probable des mondes parallèles.
Tour à tour romancier, essayiste, novelliste, poête et journaliste, Marc-Louis Questin est également connu pour être le chef d’orchestre derrière La Salamandre, une revue trimestrielle consacrée exclusivement à la littérature et à la culture gothique : nouvelles, chroniques, sampler musical, etc. Dans ce récent recueil paru aux Editions Trajectoires, il a choisi de s’entourer de nombreux auteurs dont les textes sont fortement imprégnés des créatures qui apparaissent dans le titre de l’ouvrage : Derek Dark, Malaïca Macumi, Natalym, Pierre Bruhlet, Nicolas Liau… voient ainsi leurs participations entrecoupées d’extraits choisis chez Prosper Mérimée, Jacques Villeneuve, et d’articles de son cru sur le vampirisme, la démonologie, les fantômes et autres loup-garous. Un choix hétéroclite, qui appuie sur l’hésitation entre réalité et fiction, entre mythe folklorique et mythe littéraire, et montre les ramifications que ces créatures qui peuplent nos rêves et nos cauchemars entretiennent depuis des siècles avec notre inconscient.
Un tiers du recueil est ainsi consacré au mythe du vampire, ce qui explique sa présence dans nos pages, et le fait que je me sois penché dessus. Première entrée en matière, sitôt passé l’introduction, un long et complet article de Marc-Louis Questin qui explore les versants initiatique et ésotérique du vampirisme. Un sujet que les lecteurs qui se sont déjà penchés sur les écrits de Jean-Paul Bourre, ou sur le très hermétique (mais pas moins intéressant) Vampirisme aujourd’hui de René de Lhamort. Questin aborde ici le thème universel de l’immortalité, et ses liens avec le vampirisme. Il dresse ainsi le constat du vampire comme charnière idéale dans notre relation à l’indicible, coincé comme il l’est entre la vie et la mort, le bien et et le mal,…
Les 11 nouvelles et poèmes qui vont suivre explorent tour à tour les ténèbres qui entourent le mythe du vampire, son rapport à l’immortalité, sa solitude infinie comme ses insurmontables addictions. Celles qui ont du vampire une créature à la fois attirante, par les promesses d’une vie immortelle, et repoussante par le fardeau représenté par cette non-vie qui se repaît… des vivants et de leur sang. Des nouvelles fortement inspiré par l’ambiance et l’esthétisme gothique, ses châteaux en ruine comme ses cimetières, et qui, même quand il s’agit de prendre le monde moderne comme point d’encrage, finissent forcément par marquer un retour au folklore, aux pactes ancestraux…
Jessica Radigue choisit ainsi, dans Cruelle innocence, de s’intéresser à des fantômes aux mœurs pour le moins vampiriques, qui n’hésitent pas à se repaître des vivants pour étancher leur soif… de compagnie. Une idée intéressante, bien menée, et doté d’une ambiance réussie. Eric Tessier retourne, dans Portrait d’un vampire, aux origines, et de s’intéresser à un fameux châteaux roumain. Une ruine dont la présence séculaire continue d’avoir une influence sur ceux qui y pénètrent. Une nouvelle aux confins du présent et du passé, qui met une fois de plus en scène l’immortalité et la pérennité du mythe. Dans La chaîne vampirique, Derek Dark se prend à jouer avec d’autres référence de la littérature fantastique (Lovecraft en tête) et narre la confrontation entre un vampire et François, un lettré qui semblent avoir connaissance de l’existence des créatures de la nuit. Sauf qu’à trop s’approcher d’eux, ils risquent fort de vous faire tourner la tête…
C’est ensuite au tour de Malaïca Macumi de se frotter au sujet, avec sa nouvelle Rouge Orchidée. Une histoire de vampirisme très hammerienne qui joue sur les couleurs et le rapport au sang. Une histoire qui nous amène dans les échanges entre un veuf et son médecin, et sur l’étrange présence d’une fleur rouge aux côtés du lit du patient… Sur le vampirisme poursuit les hostilités. Un texte de Prosper Mérimée qui se penche sur les croyances vampiriques d’Europe de l’Est, au travers d’extraits de Dom Calmet. Sombre est l’immortel donne à nouveau la parole à Derek Dark, qui donne vie, le temps de quelques vers, à une créature immortelle errant à travers les rues de Londres, à la recherche du sang qui lui permettra d’exister.
Errance de vampires offre à son auteur la possibilité de traiter de la solitude du vampire. Immortalité et besoin d’indépendance semblent aller de pair dans cette nouvelle de Florence Fougère, où deux créatures de la nuit finissent, par hasard, par se trouver. mais pour combien de temps ? La vieille dame au chat, signé Daniel Teulade, sort du carcan classique en mettant en scène un peintre dont les toiles semblent avoir le pouvoir de puiser l’essence vitale de ses modèles. Sous la plume d’Arena, Réminiscence renoue avec l’aspect lunaire du vampire, et aux puissances de la nuit. Et pour finir, Le vampire, de Hélène Polvèche, met en scène l’incroyable pouvoir de séduction des vampires.
Une dizaine de textes et nouvelles, reliés au mythe du vampire, qui sont davantage marqué par les textes classiques que par l’effervescence Bitlit actuelle. On y croise des créatures de la nuit, auxquels le sang confère l’immortalité. Des créatures qui transcendent le temps mais n’en restent pas moins seules et grégaires. Des créatures qui préfèrent les ténèbres d’une sombre ruelle moyenâgeuse, d’un château en ruine ou la moiteur des caveaux d’un cimetière. Une créature qui n’en reste pas moins capable d’un incroyable pouvoir de séduction, qui la rend capable sans difficultés de subvenir à ses besoins.
Si j’avoue ne pas avoir été captivé par toutes les nouvelles de ce recueil, force est de constater qu’il est plutôt intéressant, et que la majeure partie d’entre elles sont certes courtes mais bien écrites. Si je me suis surtout intéressé aux textes en rapport avec le mythe du vampire, je n’en ai pour autant pas négligé les autres nouvelles et articles, qui sont également de sympathiques variations sur leurs thèmes respectifs (mention spéciale pour les textes sur les fantômes). En bref, un recueil vraiment pas désagréable qu’une nouvelle génération d’auteurs français s’aventure sur les sentiers du fantastique, et qu’ils ont encore des choses à dire sur le mythe du vampire.
"Enquête sur les vampires, fantômes, démons et loups-garous" de Marc-Louis Questin, chez Trajectoire, fait suite à son "Univers magique des fées" ; une fois de plus, sa collaboration avec Séverine Pineaux, illustratrice qui mériterait d’être plus connue, a donné naissance à un ouvrage hybride, pas réellement documentaire, pas tout-à-fait "beau livre", un peu les deux à la fois, nous plongeant aussi dans la fiction, et réellement très plaisant à parcourir. Un must-have pour les fans de démons !