Dans un futur proche, la fonte des glaces polaires libère un virus qui va peu à peu contaminer la population. Des gènes dont l’utilité était jusque-là inconnue vont muter chez certaines personnes, les transformant en vampire. En fonction du bagage génétique et des origines ethniques des individus, l’évolution va néanmoins se faire de manière différenciée. Ainsi cette présentatrice russe qui se transforme en wurdulac, cet homme de main asiatique en jiangshi, cette Roumaine en vampiri. Comme si le vampire faisait partie depuis l’aube des temps de l’essence même de l’humanité. Les États-Unis, parmi les premiers pays touchés, vont rapidement faire appel à Luther Swann, spécialiste du folklore vampirique, pour tenter de comprendre à quoi ils ont affaire. Car après l’affaire Michael Fayne, considéré comme le patient zéro, les choses vont rapidement s’emballer.
J’avais découvert V Wars par l’intermédiaire du comics, dont les recueils sont sortis à partir de 2014 (pour ce qui est de la langue anglaise). Pour autant, ce n’est qu’avec l’annonce de l’adaptation de l’univers en série TV par Netflix qu’un éditeur français (Graph Zeppelin) s’est enfin décidé à se pencher sur cet univers, et à sortir coup sur coup les comics et le roman. Quand je me plonge enfin dans le roman, je suis déjà un peu familier de l’univers (même si je n’ai pas encore vu la série, qui ne sera pas reconduite pour une deuxième saison). Pour autant, il faut noter que cela n’a rien d’obligatoire avant de se plonger dans ce livre, étant donné qu’il s’agit de la première oeuvre exploitant l’univers.
Présenté comme un roman par l’éditeur, il s’agit pour autant d’un livre choral, sous la direction de Jonathan Maberry. Si ce dernier est le maître d’oeuvre et le créateur de l’univers, ce premier opus – la série en compte désormais quatre – propose ainsi plusieurs récits enchâssés, écrits par des romanciers et nouvellistes comme Yvonne Navarro, Nancy Holder, James Moore, Scott Nicholson, John Everson ou encore Keith DeCandido. Pour certains, il s’agit d’auteurs inconnus par chez nous, d’autres en revanche ont déjà vu leurs noms associés à des romans traduits, tels que Nancy Holder et Yvonne Navarro (qui ont publié des romans dans l’univers de Buffy). Tous semblent déjà avoir écrit sur la figure du vampire, et beaucoup ont écrit sous contraintes ou dans des séries sous licence. Maberry a donc choisi des plumes déjà rompues à ce genre d’exercice, prêtes à s’immerger dans un univers existant, voire à poursuivre l’aventure par la suite.
Michael Fayne est l’élément déclencheur et un élément de contexte qui apparaît dans la quasi-totalité des récits, de même que le personnage de Luther Swann est a minima mentionné dans l’ensemble des histoires. Les multiples plumes à l’oeuvre autant que la structure du livre font de ce V Wars un vrai roman fix-up. En choisissant de suivre autant les vampires que les humains, de varier le positionnement chronologique des textes, Maberry est les auteurs qui l’accompagnent donnent corps à un univers qui s’oriente vers le post-apo, exploite avec intérêt le folklore vampirique au sens large et s’interroge sur la posture à tenir face à une telle mutation de l’humanité. Le point de départ, la fonte des glaces et la libération de ce qui y est enfermé depuis des éons résonnent de manière forte avec les problématiques actuelles. Les auteurs apportent une vision tour à tour médicale, sociale et politique à la situation, ce qui enrichit bien davantage l’univers que ce que proposent les – pourtant très bons – comics, qui suivaient avant tout le personnage de Swann.
En ce qui concerne les vampires, le principe même de V Wars permet de convoquer une multitude de variations sur le sujet, en fonction de l’origine ethnique des contaminés. Mais l’origine même de la mutation offre aussi l’opportunité de faire du vampire un élément de notre ADN. Les vampires, dans l’univers de V Wars, ce peut être tout un chacun, la mutation frappant aléatoirement les humains. Retrouver au sein d’une même trame des créatures aussi diverses que les loups-garous, les jiangshi, les wurdulac, etc. à quelque chose de particulièrement savoureux pour celui qui s’intéresse autant à la genèse du vampire littéraire qu’à ses bases antérieures. Il y a également quelque chose de jubilatoire à mettre un spécialiste du vampire au centre du récit, et à le voir devenir la personnalité la plus sollicitée par les gouvernements pour comprendre comment traiter le problème.
V Wars est la base même de l’univers éponyme, publié deux ans avant le premier comics et près de huit ans avant que ne soit diffusé le premier épisode de la série. Si l’ensemble peut rappeler d’autres approches similaires (je pense à World War Z), le projet de Maberry regorge de bonnes idées, et les auteurs de qui il s’entourait sur ce premier roman ont pleinement compris les possibilités offertes.
Merci pour cette chronique aussi richement argumentée. J’ai eu un gros coup de coeur pour ce livre et ses personnages. J’espère que grâce à vous, d’autres auront le plaisir d’y plonger !