Cecily Bain est l’une des exécutrices de Prince de Minneapolis, qui réussit à maintenir depuis plusieurs années un certain équilibre entre les différents clans qui se partagent la ville. Alors que les événements la contraignent à prendre sous son aile une jeune Caïtiff, abandonnée par son sire, elle se retrouve sur une nouvelle enquête. Peu à peu, elle et son infante d’adoption découvrent une vaste machination qui semble mettre en péril le pouvoir et l’existence même du Prince. En parallèle, un petit groupe de vampires, alléchés par un contrat, font route en direction de la ville.
Si Vampire la Mascarade est à la base un jeu de rôle, l’univers qui en découle a depuis été décliné sur de très nombreux supports, tels que jeux vidéo ou romans. Des œuvres indépendantes comme Underworld portent indubitablement la marque de l’univers imaginé par Mark Rein-Hagen (dans ce cas, la ressemblance a valu un procès à Len Wiseman). La licence connaît depuis quelques années un retour à la une, poussée (notamment) par la sortie de la cinquième édition du jeu. De nouveaux romans, des jeux vidéo, plusieurs projets de jeu de plateau… l’arrivée d’un comics exploitant le système des clans et leurs rivalités n’est somme toute pas une surprise. Si Tim Seeley n’est pas un débutant dans le monde du neuvième art (il est particulièrement actif autour du personnage de Batman), ce n’est également pas la première fois que la figure du vampire s’invite dans son œuvre. On lui doit ainsi des miniséries comme Ex Sanguine ou Dark Red. À noter que la quatrième de couverture fait du scénariste un joueur lui-même. De fait, il a déjà travaillé sur d’autres licences ludiques (principalement dans des contextes d’adaptation en comics), telles que Les Royaumes Oubliés. Son œuvre la plus célèbre, le comics Hack/Slash, a été transposé – avec son accord – sous la forme d’un jeu de rôle papier. Seeley n’est cependant pas le seul scénariste à travailler sur cette série, il est en effet accompagné de Tini Howard (une habituée des licences, qui travaille depuis quelques années pour Marvel), et son mari Blake Howard. A l’origine, la série est une publication de Vault Comics, qui n’en sont pas à leur première incursion en terre vampirique. On a déjà pu avoir un aperçu de leur intérêt pour le sujet via des titres comme These Savage Shores et Bleed Them Dry, et ils ont aussi au catalogue une série comme Interceptor.
Les connaisseurs de la Mascarade apprécieront sans nul doute le respect de l’univers, son vocabulaire et ses concepts. Le scénariste exploite en effet de très nombreuses facettes de ce dernier, à commencer par les luttes intestines que se livrent les différentes factions – et leurs dirigeants – sur fond de Camarilla. L’auteur ajoute sa petite touche, en soulignant la difficulté pour les vampires d’avoir toujours un pied dans le monde humain. À relever également la présence de chasseurs de vampires, un concept peu utilisé dans le jeu. Difficile malgré tout de nier qu’il y a quelques aspects confus dans ce premier tome, notamment avec ces deux trames parallèles qui peinent à se rejoindre. Pour autant, il y a un certain plaisir, quand on connaît l’univers, à le voir prendre forme sous la forme d’une série de comics, matière à développer au mieux sa richesse et ses sous-tendus. La Mascarade est un jeu où le pouvoir est un moteur important, et ce à chaque génération de vampires. Les auteurs prennent le temps d’ancrer leur trame dans un contexte urbain contemporain – ici les villes jumelles de Minneapolis et Saint Paul.
Le dessin est sans doute l’aspect de cette minisérie qui m’aura le plus difficilement convaincu. Deux illustrateurs participent au projet, Devmalya Pramanik (qu’on a récemment pu croiser en comics dans l’univers de Dune), et Nathan Gooden, connu pour des séries comme Barbaric et Zojaquan. L’ensemble est d’un abord très réaliste, avec une grande place accordée aux décors, mais dans le même temps certaines planches pêchent en terme d’homogénéité, voire de finesse. La mise en couleur, très sombre, ne rehausse pas franchement les cases. Certes, difficile de jouer de la couleur quand l’essentiel de l’histoire se passe de nuit, vampire oblige. Mais il manque malgré tout un je ne sais quoi qui aurait permis de dynamiser le tout.
L’approche vampirique respecte au plus près les concepts du jeu de rôle Vampire la Mascarade. Le récit se déroule dans une ville qui possède un Prince à sa tête, lui-même secondé par un conseil de primogènes, représentants – et dirigeants – des différents clans de vampires en présence. Fidèle à la Camarilla, le Prince veille à ce que l’existence des vampires soit inconnue des vivants. Dans le même temps, il sait son pouvoir fragile, entre les clans qui conspirent contre lui, les Anarch qui rejettent toute autorité… La trame met également en scène la hiérarchie forte qui sous-tend la société vampirique, et l’importance d’accepter de devenir une créature de la nuit (et que cette transformation soit autorisée par les instances locales).
Un premier essai qui a son lot de points intéressants, mais devra attendre la publication de sa suite (et fin ?) de manière à être jugé dans son ensemble. Petit plus pour les joueurs, à signaler : la présence d’un gros bonus composé d’aides de jeu, de fiches de personnages et de setting qui permettent de jouer avec les protagonistes mis en scène dans le comics et d’explorer les méandres de la communauté vampirique de Minneapolis.