Il y a des années de cela, Vampirella a été envoyé par les siens à travers l’espace, à la recherche d’une planète pour assurer la survie de sa race. Les flots de sang qui arrosaient alors Drakulon étant sur le déclin, le Conseil s’était en effet résolu à chercher une solution par-delà les étoiles. C’est donc de manière inattendue que la dernière vampiri voit arriver dans le ciel terrestre une flotte de vaisseaux venue de sa lointaine planète. Elle a la surprise d’y retrouver Tristan, son amour de jeunesse, devenu le bras droit d’Orlock, un général qui a pris la direction de ce qui reste de Drakulon. Les rivières de sang s’étant finalement taries, les derniers des siens n’ont eu d’autres choix que de partir à sa recherche, après avoir découvert que la Terre était en mesure de permettre leur survie. Pour autant, Vampirella déchante vite : Orlock ne vise pas une cohabitation pacifique avec l’humanité, et il n’a pas pour objectif de demander de l’aide : il veut tout simplement prendre le sang où il se trouve, quitte à transformer en bétail tout ce qui vit sur la planète.
Nancy A. Collins est un nom qui aura marqué l’histoire du vampire littéraire. Le personnage de Sonja Blue aura en effet été la première rencontre entre la figure du vampire et la Fantasy Urbaine. Quelques années plus tard, c’est en tant que scénariste (elle avait déjà officié dans le monde du comics, notamment autour du personnage de Swamp Thing) que la romancière est revenue sur le sujet, devenant la tête pensante d’un arc particulièrement réussi mettant en scène Vampirella. Il y avait donc de quoi se frotter les mains à l’annonce de son nom derrière ce premier roman consacré à l’héroïne vampire en monokini rouge. Le personnage a déjà eu droit à une salve de livres dans les années 70 (sous la houlette de Warren Publishing). Mais à l’occasion des 60 ans de Vampirella, Dynamite (qui en détient les droits et en édite les aventures à l’heure actuelle) en a profité pour donner le coup d’envoi à une nouvelle gamme de romans pour ses licences.
L’auteur l’annonçait d’emblée au moment de la parution du titre : ce premier opus est une relecture très personnelle de la thématique des envahisseurs venus d’ailleurs. On y retrouve donc un feeling que les amateurs des Invaders from Mars (1953) de Menzies, du Not of This Earth (1957) de Corman devraient apprécier. Mais Nancy A. Collins y montre aussi sa connaissance approfondie de la genèse de Vampirella : ce qu’elle imagine envahir la terre, ce n’est rien de moins que les derniers survivants de Drakulon. L’héroïne vampire va ainsi se retrouver prise entre deux feux : d’un côté le devoir vis-à-vis des siens, de l’autre celui qu’elle éprouve pour ses amis terriens, notamment Pantha. Et devant les exactions brutales et l’extermination de masse dans laquelle se lance Orlock, elle ne tardera pas trop à prendre le parti des humains et des monstres qui vivent dans l’ombre. De fait, Vampirella va être contraint de s’allier à ceux qu’elle combat habituellement, notamment Dracula.
La trame ne manque pas de rebondissement ni de flashback montrant la vampire durant ses jeunes années sur Drakulon, alors que la menace pour la planète se profile déjà à l’horizon. L’idée de faire emménager Vampirella à Los Angeles avec Pantha permet de rattacher autant le duo à ses lointaines origines comics (notamment à la période Harris), que de relier ce premier opus à l’arc narratif écrit par Nancy A. Collins pour Vampirella il y a quelques années. De même, la romancière réintègre le personnage de Dracula en tant que transfuge de Drakulon, tout en détaillant ses relations avec les vampires terriens (et le bestiaire fantastique). L’autrice puise dans la très riche mythologie de Vampirella, y apporte un peu de cohérence et de liant tout en restant dans l’esprit des aventures récentes vécues par la vampire. De mon point de vue, c’est donc une belle réussite.
On verra dans ce premier roman que si les natifs de Drakulon éprouvent un besoin vital de boire du sang, et possèdent quelques capacités surnaturelles (notamment une paire d’ailes de chauve-souris), ils n’en restent pas moins très différents des vampires terrestres. Ils n’ont ainsi aucun mal à se déplacer à la lumière du soleil, et ne sont pas blessés par les objets religieux. La romancière va même plus loin, en faisant des vampires de la race de Vampirella des créatures scientifiquement très développées (ils ont inventé un moyen de voyager à grande vitesse à travers les étoiles, ont amplifié leurs pouvoirs psychiques, etc.) qu’elle oppose au surnaturel pur jus des entités fantastiques que nous connaissons, dont les vampires, les sorcières et le Dr Frankenstein. De fait, il y a un côté pulp assez inhabituel avec ce genre de récits qui se marie pour autant bien avec l’univers de Vampirella.
En inaugurant sa collection de roman avec Vampirella, et en choisissant de confier les rênes de ce premier titre à la créatrice de Sonja Blue, Dynamite a vraiment eu le nez fin. L’ensemble est respectueux du personnage et de l’esprit de ses aventures tout en montrant une fois de plus que Nancy A. Collins est une autrice aux multiples facettes qui sait manipuler la figure du vampire et ses avatars.