Jean est laissé par ses parents aux bons soins du Phalanstère, une école nichée sur une île minuscule, accessible uniquement via une digue de plusieurs kilomètres. Le jeune garçon va peu à peu comprendre que les méthodes d’éducation pratiquées céans sont peu orthodoxes. Condamnés à fournir l’électricité en ramant pendant leurs cours, et à ingérer l’indigeste touille qu’on leur sert à tous les repas, les élèves semblent totalement écrasés par le fonctionnement drastique du lieu.
Découvert il y a plusieurs années (en même temps que la collection « Encrages », à laquelle il appartient), cette première production du duo Corbeyran / Bouillez est un vrai petit bijou pour les amateurs d’ambiance pesantes, à la croisée des chemins entre le Kafka de la Métamorphose et le The Wall de Pink Floyd. Désespéré du début à la fin, et sans véritable espoir, le récit de Jean conduit le lecteur à découvrir par bribes les secrets qui régissent le fonctionnement du Phalanstère, mystérieuse école où bien rares sont les nouveaux élèves… et ceux qui en partent.
Le dessin est assurément en grande partie responsable du pouvoir d’attraction de l’album. Tout en encrage, il est à l’image de l’histoire, pesant et d’un noir d’encre, avec un trait assez anguleux. Ce qui confère à l’ensemble un aspect pas très éloigné du cinéma expressionniste, et de films comme le Nosferatu de Murnau.
Si l’ambiance qui règne au Phalanstère semble bien vampirique, ayant tendance à annihiler toute volonté chez les élèves, et les laisser sans envies, c’est au fil de la lecture que le lecteur découvrira que les bêtes à crocs sont peut-être plus présentes qu’il n’y paraît dans cet opus. Comme tendraient à le prouver les marques de crocs que Jean découvrira sur sa gorge, à l’issue de sa première rencontre avec le proviseur.
Un album vraiment à part, pas vraiment optimiste mais franchement réussi, qui plonge le lecteur dans une ambiance pesante. Chaudement recommandé !