Un vieil homme et une femme, Trixie, font connaissance alors qu’on met en terre le dénommé Charly. Tous deux ont rencontré Charly de son vivant, et savent qu’il dissimulait un secret. En pleine Grande Dépression, tandis que les créatures surnaturelles s’en donnent à cœur joie, le pouvoir de Charly lui offre un moyen de subsistance inattendue. Vampires, lamies et autres loups-garous se retrouvent démunis en sa présence, sans possibilité d’utiliser leurs capacités. Alors que Charly vient de mettre la main sur une lamie, leur route croise celle d’un cirque de Freaks.
Eric Corbeyran n’en est pas à son premier essai en ce qui concerne la figure du vampire. Le scénariste est en effet derrière des séries aussi variées que Le Chant des Stryges, Le Diurne, Urban Vampires, ou encore Dracula l’ordre des dragons. Pour autant, il s’aventure cette fois-ci dans une période qu’il n’a pas exploré jusqu’alors : la Grande Dépression. Sideshow est une itération autour de cette époque, sous un angle très urban fantasy. Le scénariste imagine en effet que les créatures surnaturelles profitent de la situation pour semer le chaos. Ce faisant, il rejoint l’adage d’un Yves Swolfs et son Prince de la Nuit, et fait évoluer son panthéon fantastique lors d’un moment troublé de l’histoire du XXe siècle. Il y a aussi l’idée de mettre en scène un cirque de Freaks, qui rappelle tout autant le film de Tod Browning que la série Carnivale.
Présenté comme un diptyque, ce premier tome élabore la relation complexe qui unit vite Rebecca, la lamie et Charly. Mais il est également question du personnage du héros, sa difficulté à trouver sa place dans la société. Quelque part, c’est ce don qu’il dissimule des années durant, et qui fait partie de lui, qui lui offrira enfin l’opportunité de gagner correctement sa vie. Et c’est alors que Charly est jeté sur les routes qu’il fait la connaissance de Trixie. Entre la femme tatouée contre son gré et celui qui a longtemps vécu son don comme un mélange de fatalité et d’inutilité, une relation ambiguë se tisse.
Emmanuel Despujol n’en est pas à son coup d’essai dans le registre de l’imaginaire. Il a déjà eu l’occasion de dessiner des créatures surnaturelles dans la série Aspic, détectives de l’étrange (sur des scénarios de Thierry Gloris). Il y a presque quelque chose d’un Bruce Timm dans la manière de concevoir ses personnages. La mise en couleur est efficace, et appuie l’opposition entre les scènes de jour et de nuit.
Les vampires ne sont pas forcément au cœur du récit, mais ils ont leur importance. C’est en effet un vampire qui permettra à Charly d’être confronté pour la première fois à son pouvoir. La créature, qui se terre dans une vieille bâtisse et dort dans un cercueil, prend la fuite quand elle croise la route de celui qui est encore un petit garçon. Non sans avoir au préalable déchiqueté ses deux amis. Rebecca, qui est la lamie que Charly est chargé de ramener, possède dans le même temps quelques caractéristiques vampiriques. C’est une vampire psychique, capable de siphonner l’énergie de ses victimes.
Un premier album qui pose une ambiance réussie. Difficile de trouver les personnages attachants, en dehors de Trixie, mais le duo d’auteur parvient à réinventer avec originalité cette période sombre du XXe siècle.