Dans le monde clos du village roumain, les siècles et les saisons passent, ponctués par le rythme des pratiques de la magie et du chamanisme. Au-delà du « hotar », de la frontière magique qui sépare les habitants du reste de l’univers, nombre d’esprits maléfiques rôdent dans la nuit. Parmi eux, apparaît quelquefois la figure tellement crainte du strigoï, du vampire-chaman. De nos jours en Occident, des légendes floues, répandues par les médias, circulent sur le compte des vampires. Mais les véritables légendes et traditions transylvaines ou, plus généralement, roumaines, sont autrement plus profondes, plus étranges et plus inquiétantes. Ce livre est le premier au monde à analyser le chamanisme vampirique, si l’on excepte un ouvrage publié en roumain en 1914. Magie, sorts, exorcismes, cet ouvrage s’efforce de donner une image du combat éternel entre la vie et la non-vie, tel qu’il est perçu à travers la magie et les pratiques traditionnelles du village roumain.
Dans cet essai daté de 1981, Adrien Cremene revient sur les origines du vampire tel que nous le connaissons aujourd’hui. L’auteur part du personnage de Vlad Dracula, dont il dresse un historique succinct, s’achevant sur l’idée que Dracula n’a, pour le peuple roumain, jamais été un vampire. Cette introduction va amener Cremene a dresser une typologie exhaustive du vampire tel quel décrit par le folklore roumain, détaillant notamment les différents sous-groupes de vampires, aussi appelés strigoï (moroï, pryccolitchs et vîrcolacs), mettant également en avant la distinction entre les strigoï vivants et les strigoï morts. L’ensemble est ponctué par de nombreux extraits de légendes et autres récits, et s’achève sur ces mêmes récits, ainsi que sur une liste de quelques formules d’exorcisme utilisés pour venir à bout des strigoï.
Pour qui s’intéresse aux vampires, cet ouvrage est à n’en pas douter un immanquable. Loin du comte popularisé pour le cinéma ou des bêtes assoiffées de Je suis une légende, le vampire roumain apparaît comme un personnage aux multiples facettes, lié de près à la sorcellerie et au chamanisme. Certains disposent ainsi de la faculté de se transformer en loup ou en chien, et les strigoï vivants sont par ailleurs craints pour leur habitude à voler la manne (on nomme ainsi l’essence de ce qui fait a richesse du blé ou du lait). Cremene met également en avant les trois étapes de la vie du strigoï, étapes au cours desquelles ses pratiques changent.
En bref, pour tout amateur de folklore, cet ouvrage permet de revenir aux sources du mythe. Un très bon complément au livre plus sociologique de Ioanna Andreesco.