Laure vit seule avec son père et une poignée de domestiques, dans un château isolé, à plusieurs milles du village le plus proche. Mais tout change le jour où son père lui annonce que sa cousine Carmilla va venir passer quelques temps avec eux, rompant ainsi la monotonie des journées de la jeune fille. Une étrange relation se tisse bientôt entre les deux jeunes femmes, ponctuée des balades de Carmilla au vieux village en ruine, situé non loin du château. Un village abandonné qui constituait l’un des fief de la famille Karnstein.
Après s’être penché sur le Dracula de Bram Stoker et sur l’histoire de la comtesse Bathory, Pascal Croci poursuit ses explorations de la figure du vampire avec la célèbre novella de Sheridan le Fanu. Deuxième œuvre de fiction fondatrice de la littérature à crocs (avec le roman précité et le Vampyre de Polidori), le texte est important autant pour la place accordée à la femme vampire qu’à ses aspects homo-érotiques sous-jacents. Des éléments qui ressortent particulièrement bien sous les crayons du dessinateur-scénariste.
Pour autant, Croci ne se contente pas de transposer l’œuvre en BD. Il procède en effet de quelques adaptations qui lui permettent de concentrer davantage l’intrigue sur la solitude de l’héroïne-narratrice (en excluant certains des personnages originaux) et rattache l’ensemble au folklore vampirique du 17e siècle, à travers la relation que fait Laura de la fin de l’intrigue. Sans oublier un clin d’œil final à un des textes incontournables du genre. L’auteur démontre donc une fois de plus sa connaissance du sujet, son style graphique faisant des merveilles pour donner vie au duo d’héroïne et au saphisme qui émane de leur relation.
Côté dessin, on retrouve les traits acérés et anguleux de Pascal Croci, particulièrement à l’aise quand il s’agit de croquer des femmes filiformes débordantes de sensualité… voire de lascivité. La mise en couleur, qui joue ici sur l’opposition blanc / noir fait également des merveilles.
Côté vampire, si l’auteur a fait quelques coupes et ajustements dans le texte d’origine, il n’en conserve pas moins les caractéristiques de la Carmilla du roman de Le Fanu. Si elle est en mesure de se déplacer en journée, elle ne dispose pas à ce moment-là de toute sa force, et à besoin de se reposer dans sa tombe. Elle a également besoin de boire du sang pour se maintenir en vie, faisant dépérir au fur et à mesure sa victime. Elle semble enfin à même de se transformer en animal, comme le chat. Un pieu enfoncé en plein cœur, couplé à une décapitation, semble la seule manière d’en venir à bout.
Avec ce Carmilla, Pascal Croci fait donc une fois de plus des merveilles pour les amateurs de BD autour des vampires.