McKenzie, ex-agent du FBI et bras droit de Hoover, est contacté par Forrest J. Ackerman, célèbre éditeur et collectionneur. Sentant sa fin approcher, et atteint de la maladie d’Alzheimer, ce dernier aspire à compléter sa collection de raretés avant que sa mémoire ne s’efface totalement. Hanté par son visionnage du London After Midnight de Tod Browning, qu’il juge en grande partie responsable de sa passion dévorante pour le cinéma de genre, il demande donc au détective de retrouver la trace de ce dernier. Seul problème : le film en question est considéré comme un des plus fameux long-métrage disparus de l’époque du muet : les dernières copies sont censées avoir été détruites dans un incendie…
London After Midnight fait partie de ces œuvres fantasmées par les amateurs de cinéma vampirique. Parmi les premièrs films du genre (le film est sorti quatre ans avant le Dracula du même réalisateur), le long métrage mettait en scène Lon Chaney sous un déguisement qui reste encore aujourd’hui impressionnant. Et ce même si on ne peut voir aujourd’hui le film que sous la forme d’un remontage d’images fixes, sorti en 2002. Car la dernière copie connue a été détruite dans un incendie en 1967. C’est donc autour de ce mythe du film disparu que se structure le roman d’Augusto Cruz, qui propose une vraie enquête policière sur les traces du film de Browning.
Ce faisant, il redonne vie à toute une époque du cinéma, et intègre dans son récit moultes anecdotes et détails sur les débuts du monde du cinéma, que ce soit côté acteurs ou côté production. Le lecteur se retrouve donc rapidement happé par l’obsession du commanditaire, qui devient vite celle du détective. Lequel va remonter méticuleusement l’ensemble des pistes qui pourraient lui permettre de mettre la main sur une copie. L’ensemble est particulièrement bien écrit, tantôt digne d’un film noir de la grande époque, tantôt à la frontière de l’onirisme et de la symbolique (il y a du Borgès là-dedans). Un véritable voyage au cœur du fantasme (celui de la recherche de l’impossible) face à sa vacuité face au temps qui passe, immuable.
Niveau vampire, le récit est bien évidemment hanté par la présence de Lon Chaney et sa remarquable dentition, même si Bela Lugosi (sa cape et la bague qu’il porte dans Dracula) font des apparitions remarquées dans le texte. D’autant que l’auteur tend à jouer sur l’aspect mythique de ces objets, et rêve à l’immortalité qu’ils pourraient conférer à leur porteur. À noter, pour ceux qui ne le sauraient pas, que le film d’origine est un film de faux-vampire, et qu’il a eu droit à un remake (avec Bela Lugosi) en 1935 : La Marque du vampire.
Un très beau roman, qui fait figure d’hommage au cinéma muet tout en titillant la fibre de curiosité (et l’attrait pour le mystère) qui sommeille en chacun de nous. La plume d’Augusto Cruz met à merveille en scène la quête méticuleuse (et dangereuse) de cet ancien agent du FBI, encore hanté par la personnalité avec J. Edgar Hoover. Passionnant et chaudement recommandé !