Margarita de Mendoza est dénoncée à l’inquisiteur Diego de Villanueva : le propriétaire de l’auberge de la ville, Carlos, l’a surprise en plein sabbat. Le prélat se frotte les mains, car il s’agit de la première vraie sorcière arrêtée et jugée en Espagne. Un événement qui tombe à point nommé, quand son frère progresse à grands pas dans la rédaction de l’essai qui doit porter son nom. Depuis des années, le dignitaire religieux cache en effet l’existence de Sebastian, devenu vampire, dans le château de famille. Un frère particulièrement versé dans les arts obscurs que Diego déteste autant qu’il compte sur lui pour assurer sa renommée… qu’il voit déjà surpasser celle de Torquemada lui-même !
Sorti en 1978 (et intitulé en VO The Black Castle (titre bien moins tape-à-l’œil que Le Vampire de la Sainte Inquisition), ce premier inaugure le cycle romanesque de Don Sebastian de Villanueva. De quoi faire de l’auteur un des initiateurs, aux côtés d’Anne Rice, Chelsea Quinn Yarbro et Fred Saberhagen, du renouveau littéraire de la figure du vampire. Devenu immortel après être mort sur le champ de bataille, et avoir découvert que sa femme avait été exécutée par l’exécution, dépendant de son frère inquisiteur qu’il déteste, le personnage de Don Sebastian n’a rien à envier à un Saint-Germain, Un Lestat ou un Dracula sauce Saberhagen. Malheureusement, tout comme Chelsea Quinn Yarbro, seule une maigre partie (le premier tome) des aventures du buveur de sang espagnol a été traduite en France, alors que la série en compte 6 (le dernier n’ayant jamais été terminé, Les Daniels ayant préféré se concentrer sur le volet non-fiction – consacré aux comics – de sa production).
Tout comme les auteurs précités, Daniels choisit de mettre un vampire au centre de son roman, tout en l’opposant à une humanité qui n’a rien à lui envier côté cruauté. D’où l’intérêt d’avoir opté cette période de l’histoire espagnole, pour confronter son personnage à l’Inquisition (et à son propre frère, envieux et opportuniste). Face à la toute-puissance de la juridiction religieuse, qui encourage à la délation, torture et écrase psychologiquement ceux qui tombent entre ses mains, Don Sebastian apparaît rapidement comme une figure tragique, condamnée à la solitude éternelle tout en étant à la merci de Diego. Mais il ne s’agit pour autant pas d’un vampire sympathique. L’ensemble propose ainsi une fidèle reconstitution historique tout en lui apposant un sceau fantastique. L’ambiance du récit lorgnant pour autant vers la Hammer Films, et ce jusque dans sa conclusion tragique.
C’est Don Sebastian lui-même qui détaille les caractéristiques du vampire, quand il explique à Margarita sa condition. Il doit assouvir une soif quasi inextinguible de sang, qu’il étanche sur les condamnés qui croupissent dans les cellules de l’Inquisition. Il possède certains pouvoirs, comme celui de se faire pousser des ailes dans le dos pour voler, ou de se transformer en brume, mais il n’en a pas moins quelques faiblesses. Il ne peut ainsi pas s’éloigner de son sol natal, dans lequel il doit reposer chaque nuit, la morsure du soleil lui étant fatale. En outre, il peut être tué si on lui enfonce un pieu en plein cœur.
Un roman très intéressant, trop peu connu par chez nous, alors qu’il fait clairement partie du quatuor qui a durablement changé le visage du vampire littéraire, dans les années soixante-dix. Dommage que la suite n’ait pas été traduite et restera incomplète, l’auteur étant décédé en 2011. A noter également qu’il s’agit encore là d’un roman traduit par Jacques Finné.