En 1889, à Vienne : Dracula est cloué au fond de son cercueil par ses fiancées, qui réduisent leur seigneur et maître à l’impuissance. Un peu moins de 90 ans plus tard, en 1974, une starlette vieillissante prend la décision de libérer le vampire, comptant sur lui pour devenir immortelle. Le photographe Quincey Harker, qui intervient sur les scènes de crimes, va rapidement comprendre que les cadavres exsangues qui commencent à s’entasser ont une origine commune.
Alex de Campi est une scénariste indépendante du monde du comics, dont la carrière débute en 2005 avec la minisérie Smoke, dessinée par Igor Kordey. Ce projet lui vaut une nomination aux Eisner Awards. Elle officie également en tant que réalisatrice de clips, notamment pour Amanda Palmer (« Leads United ») et The Pupini Sisters (« Jilted »). Pour Dracula, motherf*ker !, elle s’associe avec Erica Henderson, dont les principaux travaux sont The Unbeatable Squirrel Girl (chez Marvel, sur une histoire de Ryan North) et Jughead (chez Archie Comics, s’agissant d’un spin off consacré au personnage éponyme).
Dracula, motherf*ker ! est un titre qui ne manque pas d’intérêt, croisement improbable entre American Vampire (pour le setting), Dracula (pour l’origine des principaux protagonistes) et Hellsing (pour la représentation du comte). Si le vampire transylvain est le fil rouge du récit, ce sont ses fiancées qui s’imposent, qu’il s’agisse des nouvelles, ou des trois anciennes, qui ont un temps mit un terme à l’existence du comte. Si Quincey Harker est sur le devant de la scène, il sert surtout de point de liaison entre les deux groupes de femmes. D’un côté, celles qui se sont alliées à Dracula en espérant le pouvoir, de l’autre celles qui ont compris ce qu’il leur en avait coûté.
C’est par ailleurs l’un des intérêts vampiriques majeurs de cette minisérie, qui voit les trois figures de vampires du roman se retourner contre leur créateur, en réalisant qu’il n’est rien sans elles. Le final est assez bluffant, face à face à armes égales entre le trio de femmes et le comte. Ou plutôt au monstre, devrait-on dire : ce dernier ne prend jamais un visage humain, et ressemble quasi exclusivement à l’avatar incorporel d’Alucard dans Hellsing. Les auteurs mentionnent d’ailleurs le manga de Kohta Hirano parmi leurs influences.
Pour ce qui est du graphisme, la mise en couleur d’Eric Henderson joue beaucoup sur l’ambiance du titre, et son côté très seventies. Malgré un parti pris assez sombre – l’essentiel du récit se déroule, comme il se doit, de nuit – les couleurs pastels épousent à merveille l’histoire. La dessinatrice casse la dynamique habituelle des planches : les cases qui se chevauchent, voire qui disparaissent pour de pleines pages, sont récurrentes. Une belle réussite graphique, en somme.
Dracula, motherf*ker ! ne révolutionnera par le comics vampirique, mais le duo d’auteur met les fiancées du roman de Stoker au cœur d’un empowerment féminin efficace. Tout a certes commencé avec Dracula, mais ce n’est pas par lui qui se terminera l’histoire.