Delmas a choisit ici de nous narrer les mémoires et pensée de Néron l’apostat, vampire antéchrist issue de son imagination torturée. La narration est plutôt inhabituelle, et il m’a fallut deux lectures pour m’immerger complètement dans l’univers nihiliste et macabre de cet album. La narration est originale, et alterne poésie lugubre et dépravée avec passages narratifs qui exhalent le sexe, la mort et la dépravation. L’histoire de Néron apparaît bien vite comme un prétexte pris par Delmas pour faire partager sa vision des choses, son intérêt pour la noirceur et ses visées nihilistes. Il est juste dommage de signaler qu’en voulant trop en faire, Delmas a réalisé un album très difficile d’accès, voire carrément incompréhensible par moments.
Le dessin est dans la droite lignée de ses précédentes productions : un trait fin et torturé, incisif, parfois réaliste, parfois totalement métaphorique, qui amplifie la noirceur de l’album. La mise en couleur est très bien choisie, les couleurs étant choisies de façon à amplifier la noirceur du propos : peu nombreuses sur chaque planches, elles contribuent à la sensation de malaise qui se transmet petit à petit au fil de la lecture. Le cadrage est intéressant, et propose certaines cases en pleines pages, ainsi que des pages complètes de textes, bref vous l’aurez compris il s’agit ici d’un album bien différent de la production habituelle.
Déstabilisant, macabre, malsain, cet album exhale une noirceur que les amateurs sauront apprécier, les autres risquent fort de trouver cela trop torturé et incompréhensible. Le statut de vampire du personnage principal n’est cependant pas ici l’élément central du récit. Il s’agit bien davantage d’un élément qui participe au côté macabre et sulfureux de l’ouvrage, mais très peu d’éléments viennent relayer cette caractéristiques de Néron.
Ce livre est un long poème sombre écrit à la première personne par un narrateur qui raconte plus ou moins son histoire et qui se sent devenir vampire. C’est assez chaotique et romantique à la fois, parfois énervant. Le style ressemble beaucoup à Lautréamont, les dessins en plus. Les dessins changent selon les scènes ou les sensations du narrateur. C’est une expérience unique à la croisée de l’art graphique et de la poésie. En plus c’est un grand album, épais, avec beaucoup de pages, et du texte.
Absolument indispensable.