Le mythe du vampire est aussi vieux que le monde, connu dans toutes les civilisations, sous différentes formes (vampires, goules, empuses, lamies, loup garou, j’en passe et des meilleurs). Comment, en effet, ne pas craindre ce qui peut potentiellement revenir d’entre les morts !
Comme pour chaque mythe, il y a une part qui s’ancre dans la réalité. C’est souvent à cause de certaines maladies physiques ou psychologiques que l’imaginaire humain se met en route et met un nom sur un phénomène mal connu ou qui fait peur.
Du point de vue médical, c’est souvent la porphyrie qui est mise en rapport avec le vampirisme ! Si vous avez vu l’épisode 21 de la saison 1 des Experts LV, vous savez de quoi je parle et je ne vais pas vous faire un cours magistral car je ne suis pas médecin, sinon ben, plongez-vous dans le Larousse médical le plus proche…
Dans ce livre, par contre, Roger Delorme aborde les cas de personnes plus ou moins connues (Dracula, la comtesse Bathory, le vampire de Düsseldorf…) qui ont sévit à travers les âges pour satisfaire leur besoin compulsif de sang … Assassins de masse ou tueurs en série, tous ont un rapport au sang qui tourne autour de la pulsion sexuelle.
Les histoires sont précédées d’une introduction qui balaye les origines du mythe mais également les éléments ou croyances qui y sont liés comme par exemple l’usage de l’ail comme moyen de lutte contre le vampire.
En onze histoires, Roger Delorme nous montre que la réalité dépasse parfois la fiction quand l’attraction du sang est présente chez des détraqués sexuels ou des schizophrènes plus ou moins nécrophiles.
Voici en quelques mots de quoi traitent les onze histoires.
1. Le véritable « Dracula » : Vlad Tepes
Évidemment, le premier cas abordé est celui de Vlad Tepes. Véritable terre à vampires, la Transylvanie offre de nombreux récits de vampires autres que celui de Dracula. Cette croyance est si bien ancrée dans le subconscient des gens du cru que l’auteur pour aborder l’histoire de Vlad Tepes part de l’histoire plus récente de la 2e mort d’un certain Peter Plogojowitz, originaire lui aussi des Balkans.
Roger Delorme brosse l’historique de ce personnage haut en couleur et véritable héros en Roumanie jusqu’au dernière recherches en cours pour la recherche des ossements de ce dernier (sachant que le livre date des années 70) puisque lorsqu’on a voulu ouvrir son tombeau, les archéologues se sont aperçus que ce dernier était vide.
2. Le cannibale écossais : Sawney Beane
Peut-être une des pires histoires du livre car elle mêle pas mal de tabous : cannibalisme, inceste … Et tout cela au 15e siècle sous le règne de Jacques Ier.
Patriarche d’une tribu nombreuse, sans un sou, vivant dans une caverne, pillant les voyageurs et accessoirement puisqu’il faut bien vivre et nourrir sa famille les tuant pour les consommer et boire leur sang.
3. La comtesse-vampire Elizabeth Bathory
Ah que voilà une charmante lady, précurseur originale en produit de beauté qui trouvait que le lait était dépassé (exit Cléopâtre et ses remèdes de beauté) et lui préférait de beaucoup le sang et son onctuosité. Ici aussi, Roger Delorme donne un aperçu historique de l’époque, de la société dans laquelle la comtesse évolue mais aussi le pourquoi de ses choix mortels en matière de produit de beauté. Comme pour beaucoup des cas, l’auteur donne aussi l’explication des psychanalystes pour le cas de la comtesse qui aurait tout fait sur la fin pour se faire prendre.
4. Le vampire de Düsseldorf : Peter Kürten
Peter Kürten est peut-être le seul criminel « moderne » qui peut être véritablement appelé « vampire », car ce qui le guidait c’était sa soif de sang et les moyens qu’il a déployés pour la satisfaire ! Il est aussi un criminel qui a été analysé méthodiquement par le Professeur Berg, ce dernier ayant réalisé à son propos et avec son aide, un rapport qui faisant encore maintenant figure d’œuvre de référence pour l’étude de meurtriers sexuels et leurs motifs. Ce charmant monsieur, auteur de nombreux meurtres sur des femmes, hommes et pire sur des enfants. Peter Kürten, marié, a avoué tout à son épouse en 1930, en lui suggérant de le dénoncer pour toucher les 25000 marks de récompense. Avouez qu’il était attentionné à son égard …
5. Le dynamiteur érotique, Sylvestre Matuschka
Quand on vous disait que les troubles liés à la fascination morbide pour le sang pouvait mener à des extrêmes … Celui-ci dynamitait entre autre des trains pour mieux se délecter des corps déchiquetés de ses victimes. Pas pour boire le sang mais uniquement le voir couler, entendre ses victimes, assister à leurs souffrances suffisait à sa jouissance (ce qui est déjà pas mal d’après moi dans l’écœurement …)
6. La veuve noire Vera Renczi
Figure classique que la veuve noire, Vera Renczi était aussi surnommée la « tueuse aux 32 cercueils ». Aristocrate roumaine (décidément !) qui a proprement empoisonné à l’arsenic maris, amants et même un de ses fils ! Qu’elle conservait amoureusement auprès d’elle dans des cercueils en zinc. Ici, c’est plutôt le côté succube du vampire qui est abordée, car c’est son besoin pathologique d’avoir un compagnon mâle à ses côtés et qui bien sûr doit tenir la distance qui la caractérise pleinement. Gare aussi à celui qui la trompait dans les bras d’autres femmes ….
Arsenic et vieilles dentelles de Joseph Kesselring est en partie inspirée par cette dame.
7. Le faux vampire anglais John G. Haigh
Voilà un autre cas de figure, ce monsieur, est repris dans la dénomination vampire parce qu’il prenait littéralement ce que ses victimes possédaient. Sa technique le fut d’acide sulfurique ; ses victimes couples, enfant et des dames riches… ou plutôt une seule mais la minutie mise pour commettre son crime, le fait qu’il lui a prélevé un plein verre de sang pour le boire le fait bien rentrer dans la pathologie de « type vampire ». Et c’est le meurtre de cette dernière qui le perdra !
Il justifiait son désir de sang par le fait qu’il était poussé par une force irrésistible et que cela provoquait des rêves incroyables… Les débats contradictoires des psychiatres à son propos ont fait que plutôt que l’asile psychiatrique c’est la potence qui a délivré ce « vampire » de ses visions funestes.
8. Le vampire de Galkowiek : Stanislas
L’auteur se demande fort justement en parlant de ce cas s’ « il serait intéressant de savoir si le climat, la société, les mœurs de ces pays (slaves ndlr), ont vraiment des influences pro-vampiriques prolongées jusque dans les temps modernes, ou s’il s’y trouve toujours des patriotes simplement anxieux de perpétuer les bonnes vieilles traditions folkloriques de leurs nations. »
Cette remarque pertinente est due à l’étude du cas d’un « vampire » polonais, qui a assassiné de manière atroce sept personnes mais qui en plus est porteur d’un nom diaboliquement imprononçable : Stanislaw Modzieliewski
(à vos souhaits…).
Ce charmant monsieur a violé, étranglé et bu le sang de sept femmes (1952-1955) et ce en déchirant leur gorge pas de manière aussi élégante que les vampires de la littérature. A l’instar de Jack l’éventreur, notre vampire a faillit rester inconnu, certains pensant qu’il mourut peu de temps après sa dernière exaction. Mais en 1967, une vieille dame de 87 ans fut retrouvée dans les mêmes conditions et grâce à elle, on mit la main sur un de ses locataires : Stanislaw.
9. L’homme-chauve-souris : Vlado Makaric
1965, côte yougoslave de l’Adriatique : une jolie fille disparaît ! Banal fait divers pour la police locale et pour sa colocataire qui ne s’inquiètent pas. Jovanka fréquentait les milieux hippie et venait de rencontrer un homme. Simple fugue amoureuse…Oui mais voilà, maman est inquiète et papa est un homme important à Belgrade donc on va un peu secouer les autorités locales. Entretemps, celles-ci s’étaient rendues compte que la jeune femme était partie sans bagage, sans affaires personnelles et avait laissé dans son journal une note très étrange « Le soleil se reflète sur les écailles argentées du dragon, et les vampires volent silencieusement dans les airs ; mais je suis en sûreté dans les bras de mon bien-aimé. » (c’est t’y pas mignon…) Et pourtant, cette petite envolée lyrique va permettre à un pécheur de dire que si la jeune fille en mentionnant des « vampires » parle des chauves-souris elle se trouvait près des grottes des montagnes Noires. En arrivant, sur place, les policiers trouvent les cadavres décomposés de chauves-souris disposées en cercle, pratique des hommes-chauves-souris, d’où le titre de cet épisode dans le livre. Et évidemment, un peu plus loin, se trouvait Jovanka dans un état pas meilleur que celui des animaux et même pire.
10. Le criminel mystique : Harald Alexander
Décidément, l’auteur ne quitte pas les côtes avec ses dernières histoires, mais ici, c’est Tenerife qui sert de décor à une petite mise en scène mystique : trois cœurs traversés par des pieux en bois. Une femme et deux jeunes filles mutilées de la sorte dans un appartement, ça fait tache. Encore plus lorsqu’on apprend que les meurtriers sont respectivement l’époux et le fils de la femme tuée. Une troisième sœur, Sabine, a elle, miraculeusement échappé au massacre familial ! Dieu avait frappé et c’est avec leur consentement que les victimes furent tuées !
11. Le vampire des cimetières : Kuno Hoffmann
Terminons la série sur ces bonnes paroles : « J’ai besoin d’un litre de sang de femme par jour. » Remarquez que dans la plupart des histoires décrites, nous, représentantes du sexe dit faible, n’avons pas de bol ! Pas un vampire pour dire non, non, je veux du sang d’homme… Bref…
Ces mots sont extraites des minutes d’un procès qui s’est tenu en 1971, à Nüremberg. Celui qui les a prononcés s’était spécialisé dans l’exhumation de cadavres féminins récents pour boire leur sang ! Avec de temps en temps une entorse à son régime, en tuant directement des personnes pour satisfaire ses besoins ! Total des cadavres exhumés : 53 femmes mortes, beau score ! Pourquoi avoir tué deux personnes, ben parce que le goût est meilleur, ben voyons…
Conclusion : sexe, déviance, religion, folklore… tout se mélange dans les cas de ces criminels à travers les époques et vraiment on peut se dire que nos auteurs favoris sont encore très loin de ce que l’esprit humain peut inventer en matière de cruauté.
Félicitations pour ta première chronique, très complète et bienvenue sur Vampirisme ! J’ai lu cet essai il y a quelques années et bien qu’intéressée par les cas rapportés, je me rappelle avoir reposé le livre de mauvaise humeur, irritée par l’homophobie ou la misogynie de l’auteur, je ne me rappelle plus précisément…