Chob dérive à travers l’univers. L’Etre-Force qu’il est a besoin d’énergie vivante pour garder son intégrité et redevenir l’entité puissante qu’elle fut. Au même moment, un engin spatial passe à portée de lui, avec à son bord un petit groupe d’êtres humains, en qui il reconnaît des Etres-Matières. Il comprend, au vu de la technologie de l’appareil, que ces derniers doivent provenir d’une planète proche, dont les habitants seraient une réserve de choix pour l’énergie dont il a besoin. Chob décide alors de prendre le contrôle du vaisseau.
Le roman dont il est ici question a déjà été publié en 1954 chez Metal 2000 (dont la couleur métallique a inspiré toute une frange de l’édition de genre francophone) avant d’être repris au sein du Masque SF. Là aussi, une des collections emblématiques de SF en France, qui aura permis la publication de nombreux romans de Edmond Hamilton, Leigh Bracket, Henry Kuttner, Philip Dick, Robert Heinlein et autres Lyon Sprague de Camp. Pas forcément les textes les plus connus ni les plus réussis de ces auteurs majeurs de la science-fiction, mais avec néanmoins quelques perles. Force est de constater qu’on ne rangera pas ce Titan de l’Espace au rang des chefs d’oeuvres du lot. Dès les premières phrases, on comprend que le style d’Yves Dermèze ne brille ni par sa verve, ni pas son lyrisme. Mais Paul Berato, qui officie ici sous le couvert d’un de ses pseudonymes les plus connus, n’en est pas moins capable de retenir l’attention du lecteur le temps de son récit, par une certaine dose d’inventivité, et des rebondissements calibrés, mais efficaces.
Les premiers paragraphes du Titan de l’Espace, qui dresse le portrait de Chob, l’Etre-force qui a fini par épuiser son énergie, rappellera aux lecteurs de comics les personnages de Galactus et du Surfer d’Argent. Des entités capables d’errer sans fin à travers le cosmos pour se nourrir elles aussi d’énergie. Et pourtant, ce n’est que près de 10 ans plus tard que Stan Lee et Jack Kirby créeront le duo, en tant que protagonistes d’une histoire des 4 Fantastiques. Passé cette impression, le récit fleure bon son époque, avec ses préoccupations liées à la guerre froide : l’idée d’un gouvernement général – bureaucratique en diable et à la tête duquel on trouve des trois « dictateurs » – opposition entre les grands blocs politiques, l’usage de l’arme nucléaire. Pour autant, il y a aussi une approche assez différente de la production de ces années-là quant à la manière de convoquer le pouvoir de l’atome, qui représente (ne serait-ce que partiellement) un moyen de lutter contre les Etres-Force.
Concernant la figure du vampire, c’est bien évidemment Chob et Akar qui sont sur le devant de la scène. Ces entités désincarnées ont besoin d’énergie vitale pour survivre et se déplacer à travers l’univers. Certains, comme Chob, consomment à tout va, laissant derrière eux des astres réduits à néant. D’autres, comme Akar (certes présentés comme moins puissant), préfèrent rester aux environs d’une planète et prélever uniquement ce dont ils ont besoin. En plus de se nourrir des Etres-Matières, qui sont par opposition de chair et de sang, les Etres-Force sont en mesure de les posséder partiellement ou intégralement, auquel cas ne subsiste finalement qu’une enveloppe vide qu’ils peuvent diriger à loisir, et qu’il n’a plus de libre arbitre. Ce n’est enfin pas la lumière du soleil, qui est la plus efficace pour lutter contre ces entités, mais bien l’énergie nucléaire.
Un sympathique roman de SF bien de son époque, dont il reflète autant les peurs que les poncifs éditoriaux quant à la littérature de genre. Pour autant, même si la plume de l’auteur ne laisse pas un souvenir impérissable, le récit est plaisant.