Comme le fait remarquer François Ducos dans sa riche note introductive (qui couvre tout de même un cahier complet), 2004 fut un peu l’année Van Helsing, puisque sortait également en salles le Van Helsing de Sommers, mais ce dernier ne souffre pas la comparaison avec le recueil de Gérard Dôle, qui explore bien des potentialités du mythe caché derrière le mythe (le vampire). Le Mystère Van Helsing, histoires de vampires est un recueil de trois nouvelles dont le nœud est toujours l’affrontement entre celui qui poursuit le vampire et le vampire à travers trois époques et trois lieux différents (la Transylvanie au XVIIe siècle, l’Allemagne fin XIXe siècle et enfin Paris quelques années plus tard).
Remarquons d’abord l’introduction de François Ducos. Retraçant la montée en importance du personnage du chasseur de vampires et en particulier le Pr. Van Helsing, le préfacier explore la littérature et le cinéma des origines à 2004, dans un texte synthétique qui sera bien utile à qui voudra s’intéresser à l’opposant de Dracula.
Mais parlons maintenant des textes de Gérard Dôle lui-même, réunis ici non seulement par l’objet livre mais aussi inextricablement mêlés par leur intertextualité. Peut-être Dôle aurait ici pu écrire un roman, mais comme le vampire, le chasseur semble se capter mieux si on l’observe jaillissant, apparaissant, présentant soudainement une part de lui, puis disparaissant.
Dans la première nouvelle, prenant pied pendant un siège autrichien en Transylvanie, le héros, nommé de manière troublante Fauster Abramius Helsinius, doit pénétrer le château de Tepes pour libérer sa promise Erzebeth (sic), par ce dernier enlevé. Au cours de sa quête, il sera momentanément assisté par l’expérimenté Mihai Renascutul, premier chasseur que le lecteur rencontrera, peu enclin aux confidences, efficace, mais assez ? Le lecteur est troublé, dans ce récit qui doit mettre en avant un chasseur, sur lequel doit-il miser : Fauster au nom troublant mais encore bien naïf sur la partie vampirique, ou sur Mihai, dont le nom lui paraît au mieux roumain ? Nous sommes en réalité à la génèse du chasseur, pas la première de l’histoire, non, mais une de celles qui renvoie aux origines plus lointaines encore.
Ce que l’on découvre de l’écriture de Dôle, dès ce premier texte, c’est l’amour d’un style délicieusement désuet et maîrisé, pour l’horrifique, pour les choses cachées, le mystère, la littérature du XIXeme, dont il adore kidnapper les personnages, réels ou de fiction. Cette dernière habitude est une originalité de ce livre, qui peut troubler au début, mais de laquelle on apprend à se délecter. On croisera encore par la suite Carmilla, Freud, Oscar Wilde, Bram Stoker, Maldoror…
La nouvelle suivante nous invite à la recherche de Carmilla, où le lecteur se régalera d’une scène mémorable décrivant un repas festif annuel des gens des pompes funèbres. Dôle est un fin couturier, il prend des personnages d’ailleurs, les coud-là dans son récit, emprunte un peu de trame ici et là dans un tout à la saveur particulière, dont on comprend que le chasseur, alors qu’il change d’incarnation et de nom au fil des récits, est délicatement, progressivement mais partiellement cerné. On commence, physiquement, à lui donner le visage de Peter Cushing, une certaine roideur de caractère, mais le mystère l’auréole.
Encore un récit, où intervient pas moins que le futur docteur Freud, alors étudiant et qui se fera l’acolyte, malgré son incrédulité, du chasseur de vampires, puis on aboutira à la courte (moins d’une page) et précieuse postface.
Au total, Gérad Dôle sait faire naître un mythe là où il n’y en a peut-être pas encore de bien formé. Le mythe Van Helsing, prenant racine dans l’ancienne magie, l’alchimie, les pactes diaboliques. Il sait en effet préserver au chasseur un aspect noir ainsi qu’une élection pour un devoir, une solitude, un décalage. Le personnage est en effet décalé parmi ses pairs, parmi la société, parmi les gens de médecine et cela, Dôle a envie de le montrer, cela fait partie de la construction du personnage. Bref, juste, lisez, c’est bien.
Je l’ai lu et je le conseille vivement! On retourne enfin aux racines des histoires de vampires, avec une description "véritable" de ceux-ci: on est loin des vampires-végétarien-fluos de Twilight!
J’ai juste trouvé dommage que certaines des nouvelles soient un peu inaccessibles pour un public jeune (j’ai 17 ans et j’ai un peu du mal à le lire).