De prime abord, c’est un livre vraiment soigné. Le format se rapproche en effet d’un carnet intime. La couverture a le charme désuet des journaux personnels d’antan, une apparence de cuir, travaillé en relief. A l’ouverture, on découvre un papier glacé de belle facture, une police d’écriture « à la main » et des illustrations et autres cartes, photos… qui offrent ainsi au carnet une allure authentique. Il faut cependant, après la découverte plaisante de l’objet, se plonger dans la lecture et voir si l’habit fait le moine.
Le comte Dracula a choisi de nous faire partager son quotidien durant une année, du 1er janvier au 31 décembre, depuis ses problèmes domestiques jusqu’à ses projets professionnels. Il faut bien avouer qu’un certain humour se dégage des pages. Il y a quelques bons jeux de mots, des conseils pour les jeunes « non-morts » et des goûts que le comte nous livre à profusion. Il aime différents crus de sang, qu’il compare à du vin pour les humains, mais il n’y a pas là grande nouveauté, de nombreux vampires y avaient bien pensé avant lui.
On découvre certains aspects de la personnalité du comte qui nous avaient jusque là échappés. Le comte se livre par exemple, tel un adolescent, à des expériences en sous-sol, pour tester les limites de son corps et de sa « non-mort ». Car avant tout le comte est bien un vampire, le plus classique qui soit. Nocturne, il dort dans un cercueil et a besoin de sa terre natale pour trouver le repos. Métamorphe, il se change en chauve-souris pour survoler les villages alentour à la recherche du sein blanc d’une jeune vierge afin d’assouvir sa soif de vie. Il est aussi capable de devenir brouillard, créant une atmosphère lugubre en tout lieu. Allergique à l’ail, à l’argent, aux croix et à l’eau bénite, il craint les pieux, mais aussi les cure-dents, les baguettes de mikado et j’en passe.
Il se drape volontiers dans sa cape et aime à revêtir un costume sombre qui lui donne de la classe. C’est en effet une préoccupation particulière que l’on découvre au fil des pages. Le comte Dracula est un vampire bling-bling. Ses nœuds papillon en forme de chauve-souris ont un côté présidentiel et ostentatoire. Dans son château, le Schloss Feratu, il fait face aux caprices de ses épouses, aux réclamations de ses créanciers et à ses idées loufoques. Et cela contraste nettement avec le Dracula que l’on avait l’impression de connaître. Fini le romantisme des sentiments, Dracula n’est ici qu’égocentrisme. La fièvre capitaliste de notre époque semble avoir gagné le comte, qui ne jure plus que par l’argent.
Au final on découvre un vampire qui s’éloigne du mythe, qui est même carrément démystifié. Il s’est tellement égaré dans les méandres de lui-même qu’il n’a même plus le côté fascinant qu’on lui trouvait depuis que Stoker nous a conté l’histoire de ce comte des Carpates. C’est d’ailleurs la chose que l’on retient de ce journal. Des confessions bien inutiles puisqu’elles finissent par faire perdre au Comte l’attrait qu’il avait depuis plus d’un siècle. Un coup commercial comme ceux que Dracula cherche à réaliser, vain, mais lucratif.
Il reste un livre somme tout exceptionnel de par son esthétique soigné, mais qui fera hurler les puristes du prince des vampires puisqu’il tourne en ridicule un personnage qui avait pourtant su en émouvoir plus d’un.
L’esthétisme du livre m’aurait attiré et pas qu’un peu, heureusement que je lis ton avis, j’aurai été tellement déçue, pour moi Dracula est intouchable, il faut qu’il reste mythe 😉
Argh, je viens juste de l’acheter, j’ai craqué pour l’objet qui est vraiment très beau, mais ton avis me refroidit un peu.