André Narcy est un capitaine de cavalerie aux ordres du vice-amiral en poste à Toulon. À la veille de manœuvres, il doit alerter un avant-poste isolé dans les montagnes. L’endroit étant inaccessible en voiture, et à plusieurs heures de marches, il effectue le trajet à cheval. Mais ce dernier est victime d’un accident, et Narcy se retrouve à pied. C’est alors qu’il croise sur le chemin Madeleine, sa maîtresse. Celle-ci semble ne pas avoir conscience de sa présence, aussi le capitaine décide-t-il de la suivre. La nuit tombant, il perd sa trace et se retrouve perdu au milieu de nulle part. C’est alors qu’un mystérieux vieillard surgit et le conduit dans une bien étrange maison.
Claude Farrère, à la fois officier de marine et écrivain, a également connu les honneurs de l’Académie Française. On lui doit près de 80 romans, récits de voyage, ouvrages de marines, essais sur l’actualité et recueils de nouvelles. Son œuvre de fiction est ainsi fortement imprégnée de son bagage militaire, et des voyages qu’il a effectués durant sa carrière. De manière assez inattendue, l’imaginaire tient une petite place dans son œuvre, étant donné qu’au moins 3 titres de sa production flirtent avec le fantastique ou la SF : La maison des hommes vivants (1911), L’autre côté (1928) et Les Condamnés à Mort (1920).
La maison des hommes vivants est un de ces romans dont le titre revient sur la majorité des bibliographies sur le thème du vampire (notamment chez l’ami Sparks, sans forcément beaucoup d’informations quant à la teneur vampirique de l’ouvrage. J’avais le roman depuis plusieurs années dans ma bibliothèque, et presque finit par oublier sa présence. Il était donc plus que temps de se pencher sur son cas, d’autant que les romans français qui flirtent avec le sujet (à l’époque) sont aussi rares qu’originaux (Le prisonnier de la planète mars de Gustave Lerouge en 1909, et La Jeune Vampire de Rosny Ainé en 1911 en sont de bons exemples). À noter, également, que La maison des hommes vivants est un des rares textes français à avoir été traduit et publié en feuilleton dans un pulp américain, Famous Fantastic Mysteries (constitué de réédition de textes longs, associés à des inédits d’auteurs parmi lesquels on compte Arthur C. Clarke, Henry Kuttner, Catherine L. Moore, Ray Bradbury…)
L’auteur était un grand amateur de Pierre Loti, à qui il a consacré plusieurs ouvrages, et il faut avouer qu’on retrouve le sens de la mise en scène de l’auteur dans la première partie de l’ouvrage, notamment à partir du moment où Narcy se retrouve à cheval dans la montagne. Mais l’intégration du mystérieux (au moment où paraît Madeleine alors que le héros est perdu et que la nuit tombe) vient rompre le réalisme initial et fait progressivement basculer le récit dans l’imaginaire. Pour autant, le récit prend peu à peu la direction d’une certaine forme de merveilleux scientifique (via le procédé utilisé par le trio qui vit dans la maison), plus que de fantastique à proprement parler. L’auteur convoque également l’alchimie, par l’entreprise de la figure tutélaire du Comte de Saint Germain.
Il ne s’agit pas à proprement parler de vampire, ici, mais bien d’un procédé vampirique permettant d’assurer la longévité de celui qui en est le bénéficiaire. Ce procédé se base sur un transfert d’énergie entre deux personnes, transférant de l’un à l’autre le nécessaire pour rajeunir par touches l’une des deux personnes impliquées, au détriment de l’autre. Pour autant, le procédé n’est pas létal, et peut être reproduit des années durant sans causer de préjudice physique à la victime. Sachant que les pouvoirs que maîtrisent les détenteurs du procédé, également lié à l’électricité et au transfert des énergies, leurs permettent d’hypnotiser ceux sur qui ils puisent le nécessaire.
Un ouvrage réellement à part, qui brouille les pistes au niveau des genres (romance, aventure, merveilleux scientifique…). Il ne s’agit pas ici de vampires au sens fantastique du terme, mais l’utilisation du mot et le cœur de l’intrigue justifient sans mal la lecture de ce roman pour tout passionné du sujet.
En bonus, une présentation de la réédition chez Librio du roman, par Olivier Barrot (présentateur de Un livre, un jour).