On se réjouira déjà, n’en déplaise aux partisans de Jacob dans la guerre Black/Cullen, que les vampires bénéficient de quatre pages lorsque les lycanthropes n’en remplissent que deux !! L’auteur de ce grimoire, Ferran Alexandri sépare les créatures fantastiques en six catégories, selon leur origine géographique. Ainsi retrouve-t-on les Loups-Garous dans « les forêts, les cavernes et les montagnes » au même titre que les nymphes et les elfes, alors que les vampires officient dans « le royaume des morts et autres dimensions inconnues », aux côtés des zombis et autres cauchemars.
Quatre pages, donc, pour décrire le vampire. C’est beaucoup pour l’ouvrage et bien peu en réalité quand on connaît la complexité de cette créature. Pourtant, l’auteur ne s’en tenant qu’aux vampires les plus classiques du genre, c’est suffisant.
Des mots de Alexandri aux illustrations de Manuel Calderon, on retrouve le vampire dérangeant des prémices de la légende. Celui dont la fascination qu’il exerce sur ses proies n’est due qu’à un regard hypnotique. Tous les vampires masculins sont donc dépeints comme laids, grands et d’une force surhumaine. Ils ne peuvent d’ailleurs apparaître devant les humains sans trahir leur vraie nature. Leurs crocs dépassent sur leurs lèvres, leurs oreilles sont pointues, leurs ongles jaunes et longs et cerise sur le gâteau, ils ont du poil dans la paume des mains !!!! Les vampires féminins, tout au contraire, sont d’une beauté fascinante, prompte à tromper les victimes et particulièrement les enfants qui sont leurs proies favorites. Dommage qu’elles ne partagent pas avec leurs homologues masculins l’haleine fétide qu’on attribue aux mâles.
Bien sûr, comme les tout premiers vampires de la littérature, ils n’ont aucune ombre et ne se reflètent dans aucun miroir. Ne souffrant pas du syndrome de l’invitation, ces vampires peuvent entrer dans les chambres de victimes, qu’ils séparent en deux sortes : celles qui sont vidées de leur sang à la première morsure, et celles qui subissent régulièrement le baiser du vampire, jusqu’à ce qu’elles perdent la vie, trop affaiblies par la perte régulière de liquide vital. Ces victimes deviendront alors à leur tour des vampires.
Le soleil est l’ennemi des vampires, comme dans de nombreux ouvrages, et ils doivent donc se reposer dans leur cercueil, bien protégé par de la terre. C’est là que l’on peut les détruire, en leur coupant la tête, en leur plantant un pieu dans le cœur ou en les brulant. Originaires de Transylvanie, ils descendent tous de ce prince des vampires de Dracula et feulent devant une gousse d’ail ou un crucifix. Un peu d’eau bénite peut également leur provoquer quelques brûlures, sans grande gravité.
J’étais contente de trouver ce livre dans la sinistre petite bibliothèque du village où j’enseigne. Les illustrations, relativement réussies, pourront séduire des adolescents en quête de frissons. J’ai cependant étais déçue par la vision réductrice du vampire. En voyageant vers l’Europe de l’ouest et vers l’Amérique, le mythe du vampire a évolué. Avec le temps, le vampire lui-même a évolué, comme toute créature selon la théorie de Darwin. Ici, on ne voit pourtant que la bête. Alexandri le dit « fascinant », mais le vampire qu’il décrit ne dégage rien d’autre qu’une haleine fétide.
De nos jours, le vampire a atteint son heure de gloire. Comme l’humain, il a développé de multiples facettes, de nombreuses races. Les auteurs de demain sont les adolescents d’aujourd’hui pour la grande majorité et leur présenter une telle vision du vampire ferait replonger le mythe dans les affres d’un spectre de caricature, tout juste bon à effrayer des gamins en couche culotte un soir de Halloween !