Juárez, à la frontière mexicaine. Près de 400 jeunes femmes ont déjà disparu, et les deux enquêteurs affectés à l’affaire n’ont aucun semblant de piste. C’est alors que Lex Nova, un ancien détective privé, arrive en ville. Sa dernière investigation l’a mis sur les traces de ces disparitions, et il a une idée précise de ce qu’il va devoir affronter. Un trio de vampire, qui a également eu vent des crimes perpétrés à Juarez, prend dans le même temps la direction des lieux. Ce sont de vieilles connaissances de Lex Nova.
Le duo Steve Niles et Ben Templesmith enfantait en 2002 d’une mini-série radicale, aussi bien du point de vu de son scénario que du dessin. 30 jours de Nuits imaginait les vampires mener l’assaut sur la ville de Barrow, alors que débute la nuit de trente jours dans laquelle est plongée une fois par an la bourgade. Les buveurs de sang n’y étaient pas dépeints comme des créatures sexy : ce sont des bêtes féroces, qui n’ont qu’une obsession : se nourrir de sang. Le premier arc était une vraie réussite, noir, gore, violent et avec un suspens au cordeau. Car il s’agissait, dans ce premier volet, de suivre les survivants face à cette terreur qui déferle soudainement sur eux. L’univers a été depuis étendu par plusieurs mini-séries, principalement écrites par Steve Niles, Ben Templesmith étant remplacé ponctuellement par d’autres illustrateurs (Bill Sienkiewicz, Christopher Mitten…). Toutes les suites ne valent pas la mini-série d’origine, mais il y a régulièrement de bonnes surprises dans cet univers, notamment quand il croise un autre univers du duo d’auteurs, celui de Criminal Macabre.
Juarez est la première mini-série de la licence dont le scénario est imaginé par quelqu’un d’autre que par les deux créateurs. C’est en effet Matt Fraction, connu pour des séries telles que Sex Criminals, Casanova, et qui a travaillé autour de personnages comme Hawkeye, Iron Man, iron Fist ou encore les X-Men. C’est par contre l’un des deux créateurs de la série, Ben Templesmith, qui assure la partie graphique, avec sa patte inimitable.
Dès les premières pages, on est dans l’ambiance des précédentes mini-séries éditées dans l’univers. Pour autant, on quitte ici les neiges de l’Alaska pour suivre les exactions d’autres vampires, à la frontière mexicaine. Le scénariste met au cœur de son récit le personnage de Lex Nova, un privé bad-ass qui rappelle Cal MacDonald, sauf que Nova est fou. Ce qui donne aux auteurs à jouer avec le lecteur, et à rendre intradiégétique la voix off chère aux récits hardboiled. Lex Nova exprime celle-ci à haute voix, ce qui offre une touche d’humour – noire – à l’ensemble. Pour autant, la narration est bien souvent décousue, certains enchaînements de situations difficiles à suivre, et au final le récit s’embourbe sans parvenir à captiver. Il y a donc tous les ingrédients de la saga, mais le duo d’artistes peine ici à proposer une histoire à la mesure de celles qui l’ont précédé.
Côté dessin, en revanche, pas grand-chose à redire sur la performance de Ben Templesmith. Son style à mi-chemin entre collage, photoréalisme et crayonné, couplé à une mise en couleur à la fois sombre et explosive est toujours en parfaite adéquation avec l’ambiance de l’univers. On peut parfois avoir l’impression d’un certain manque d’homogénéité entre les cases, mais l’ensemble ne dénote pas.
L’histoire est conforme à la mythologie esquissée depuis le premier tome. Les vampires de 30 jours de nuits ne craignent pas les symboles religieux : leur seul ennemi véritable est le soleil (et un pieu enfoncé en plein cœur).
Malgré la présence de Templesmith au dessin, cet arc de 30 jours de nuits peine à convaincre d’un point de vue scénario.