Stoker, Bram. Gibbet Hill

Initialement publiée en 1890, « Gibbet Hill » est une nouvelle de Bram Stoker qui n’a été redécouverte qu’en octobre 2024. Imprimée dans les pages d’un supplément du Daily Express dans son édition dublinoise, le texte montre que Stoker contenait d’entretenir des liens avec la presse irlandaise après son installation à Londres. La période est aussi importante pour qui s’intéresse à la genèse de Dracula : les premières notes connues et datées du roman remontent à quelques mois plus tôt, le 8 mars 1890.

L’histoire nous plonge dans le Surrey de la fin du XIXe siècle. Ce n’est pas la meilleure nouvelle de l’auteur, mais elle a un certain charme. Le cadre et la description qu’en fait Stoker en appellent au sublime cher à Edmund Burke, et établit un lien avec le gothique. Pour les connaisseurs de l’œuvre de Stoker, il y a la matière à retrouver certaines figures et thématiques récurrentes chez l’écrivain. S’invite ici son obsession des trinités maléfiques (on pense aux fiancées dans Dracula), son intérêt pour la figure du serpent (qu’on recroisera dans Le Repaire du ver blanc), ainsi que pour les interactions entre l’au-delà (ou le monde surnaturel) et le monde moderne. Cette nouvelle de Stoker montre enfin que si l’homme de lettres choisit des cadres anciens, chargés de passé (ici un meurtre commis au XVIIIe siècle), il n’en oublie pas que ses héros sont ceux de son époque. Celui de l’Angleterre de la fin du XIXe siècle, dont le territoire s’étend jusqu’à l’Inde.

Ce récit d’une vingtaine de pages de l’écrivain irlandais distille des éléments très gothiques tout en témoignant déjà des obsessions d’un auteur qui s’apprête à offrir au monde son grand œuvre. Ce n’est pas la meilleure histoire courte de l’auteur, mais elle montre que ce dernier sait poser une ambiance efficace.

Dans sa version originale, le texte est complété de plusieurs articles qui détaillent sa redécouverte, les thèmes qui y sont filés, ainsi que des éléments de contexte sur la vie de Stoker (et de sa mère). En français, ces différents articles disparaissent, remplacés par une préface de Maxime Chattam, qui s’intéresse principalement à la manière dont le mal s’invite dans l’œuvre de Stoker. Reste que cette préface n’est pas exempte d’erreurs factuelles. La menace qui se fait jour dans Le Repaire du Ver blanc n’a ainsi rien à voir avec l’Australie, et si l’on retrouve un serpent dans ce long roman ultérieur à Dracula, il a été publié bien après 1890. Quitte à souligner les origines souvent exotiques du mal chez Stoker, il aurait sans doute été plus logique de citer Le Joyau des sept étoiles et son ancrage égyptien. Pour autant, la traduction de Maxime le Dain est de bonne facture, et épouse bien l’ambiance originale, très folk horror, de « Gibbet Hill ».

Stoker, Bram. Gibbet Hill

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