Alors qu’il est envoyé avec son escouade en plein No Man’s Land, Lord Baltimore tombe dans un guet-apens. Tous ses hommes sont fauchés par la mitraille hessianne et lui-même est grièvement blessé à la jambe. Alors qu’il est atteint de fièvre et croit son heure venue, il observe l’étrange manège de chauve-souris qui semblent s’intéresser aux corps de ses hommes. Dans un regain d’énergie, il donne un coup de baïonnette à l’une d’entre elles. Laquelle se transforme en une créature humanoïde qui arbore désormais une balafre au travers du visage. Sans le savoir, Henry Baltimore vient de faire basculer la première guerre mondiale et de déclencher une épidémie sans précédent : la peste rouge. Le vampire qu’il a défiguré est en effet le premier à s’éveiller au monde depuis bien longtemps, et réclame vengeance.
Si la série comics Baltimore est publiée en France depuis juin 2011, le roman illustré qui a marqué la naissance du projet de Mike Mignola et Christopher Golden n’a pas été traduit en français. A la différence de beaucoup de projets du genre, ce roman illustré s’intercale de manière évidente à la fin du premier cycle du comics. En effet, s’il revient sur les origines de la lutte entre Baltimore et Haigus, ce roman illustré aux multiples narrateurs conclut pour autant la quête de vengeance d’Henry contre celui qui a détruit sa famille, et répandu la peste rouge sur le monde.
Si le Lord est le personnage par qui tout commence et se termine dans ce roman, il n’est pour autant pas le seul à avoir droit de citer. En effet, la majeure partie de l’histoire est constituée par la rencontre entre trois connaissances de Baltimore : Demetrius Aischros, Thomas Childress Jr. et le Dr. Lemuel Rose. Tous trois, attendant que leur ami fasse son apparition, vont faire connaissance et se raconter autant leur rencontre avec le chasseur de vampire que leur expérience du surnaturel. Il y a donc deux récits cadre (celui concernant Baltimore, celui concernant la rencontre entre Aischros, Childress et Rose) ainsi que des récits enchâssés. La construction de l’ensemble est donc complexe mais ne manque pas de maîtrise, offrant des déplacement dans la chronologie de l’univers uchronique de la série, figé dans la première mondiale.
S’il ne s’agit pas là d’un comics, le livre n’en est pas moins très généreusement illustré par Mike Mignola, qui propose aussi bien des illustrations en demi ou pleine page que de petites vignettes qui viennent en support du récit. Sans même parler de l’incroyable couverture, qui retranscrit à merveille l’ambiance de la série et la complexité qui entoure le personnage de Baltimore. Le tout avec le style acéré et la maîtrise des encrages et du noir et blanc si caractéristique du créateur d’Hellboy.
Côté vampire, on est assez servi niveau mythologie. Golden, pourtant déjà rôdé sur le sujet, propose ici une nouvelle variation. Au début du récit, les vampires ne subsistent que sous forme de chauve-souris, lassés par l’immortalité. Mais le geste de Baltimore envers Haigus, l’un d’entre eux, déclenche leur réveil et une épidémie sans précédent. S’ils craignent la lumière du soleil, et n’évoluent que la nuit, les vampires sont des créatures surnaturelles à même de se transformer en d’autres animaux (dont les chauve-souris), et sont d’une force physique sans pareil. Il semble qu’on peut cependant les tuer en leur enfonçant un pieu en plein cœur, ou en les décapitant. Baltimore explique également que manger un brouet composé du cœur d’un vampire permet de guérir de la peste rouge, laquelle transforme les victimes en zombies à leurs ordres.
Au terme de ce récit construit avec brio, force est de regretter son absence de traduction en français. L’idée de départ, le cadre du récit, les personnages, tout concourt à l’intérêt du roman et à son inclusion parfaite dans la saga Baltimore. D’autant que le binôme Mignola/Golden (tous deux officient sur le scénario), fonctionne à la perfection.